Les fidèles lecteurs du Bibliomane Moderne, ou à tout le moins les plus attentifs d’entre eux, auront remarqué que les articles signés du Textor sont majoritairement inspirés par les ouvrages du XVIe siècle. Ce tropisme n’a pas d’explication connue et nécessiterait certainement d’entamer une longue analyse psychanalytique que je vous épargnerai ici !
Le XVIe siècle est certes un moment passionnant de l’Histoire au cours duquel les humanistes ont redécouvert les valeurs de l’Antiquité, où l’Occident s’est ouvert sur d’autres cultures avec la découverte du Nouveau Monde d’un coté et les contacts avec le Moyen Orient de l’autre, où l’identité culturelle et les langues vernaculaires ont émergées, où la réflexion sur les religions a conduit aux débats que l’on sait, mais est-ce suffisant ? Il existe des tas d’autres bonnes raisons de s’intéresser aux siècles suivants.
J’esquisse une autre tentative de réponse : l’arabesque.
L’arabesque, encore appelée entrelacs ou mauresque, est un ornement de peinture, sculpture ou de gravure répétant des symétries stylisées qui évoquent des formes de plantes, plus rarement d'animaux.
C’est grâce aux rapports commerciaux entre le Moyen-Orient et Venise que s'introduit dans l'art occidental, le terme d'arabesque. Il suggère clairement l’origine musulmane du motif dont on trouve les premières traces dès 1308-1311 dans les tableaux de Duccio à Sienne. Mais il faudra attendre le XVe siècle pour que le genre se diffuse dans les tableaux des peintres vénitiens Cima da Conegliano (1460-1465), Vittore Carpaccio (1525-1526) et Palma le Vieux. À partir de cette époque, on rencontre les arabesques dans les illustrations de livres ou frappées sur les reliures. Ces éléments de décor caractérisent le style de beaucoup d’ouvrages du XVIe siècle.
La prochaine vente ALDE, présentée récemment par Bertrand, montre quelques beaux exemples de reliures à la cire où l’arabesque triomphe.
J’illustrerai ce thème par des exemples plus modestes.
Arabesques sur un vélin doré (P.Bembo, Venise, G Scotto 1552)
Arabesques sur une tranche dorée (P.Bembo, Venise, G Scotto 1552)
Utilisées dans les plats des reliures des livres décorés à la feuille d’or appelé alla damaschina (selon la façon de Damas) en Italie, les mauresques seront reprises en France dans les livres reliés pour le roi Louis XII (vers 1510). Le premier livre entièrement consacré aux mauresques est l’ouvrage du florentin Francesco Pellegrino, assistant du Rosso, c’est un in-8, de 69 feuillets dont 60 gravés de patrons de « broderie », conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal (1530).
Ensuite, d'une façon originale en Europe, l’arabesque sera utilisées dans l'ornementation des illustrations des livres édités à Lyon et à Paris : les encadrements d’arabesques par B. Salomon sont célèbres (G. Paradin, Memoriae nostrae, 1548, La Métamorphose d’Ovide figurée, par Jean de Tournes, 1557- que j’ai manqué lors d’une des ventes Berès !)
En ce concerne le livre d’emblèmes intitulé le Pegme de N. Cousteau, 1555, Baudrier nous dit que les encadrements des gravures sont de Pierre Eskirsch (ou P. Vase), mais il ne précise pas pour l’encadrement du titre, dont les entrelacs sont bien caractéristiques des productions lyonnaises du temps et s’apparentent aux encadrement de l’Ovide de de Tournes .
Puis, au XVIIIe siècle une confusion s'installe avec les grotesques (pourtant différentes par leur usage de figures humaines et animales, voire chimériques) et en détournera l'usage du mot arabesque ; ainsi dans les catalogues de vente, les dessins de grotesques des élèves de Raphaël sont décrits comme arabesques.
Les bandeaux des Mémoires de Martin du Bellay sont déjà des arabesques chimériques.
Bonne Journée
Textor