lundi 31 août 2009

Bibliophile et homme de lettres, Octave Uzanne n'est finalement qu'un homme comme les autres...




Je dois avoir des goûts bizarres. Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai toujours rêvé de dénicher une Lettre de Louis XIV à son plombier relatant ses soucis de fontaines et de tuyauteries dans les jardins de Versailles. Pas vous ?

C'est un peu de ce genre de lettres dont je vais vous entretenir ce soir.

Vous savez mon admiration à peine voilée pour un certain littérateur bibliophile du XIXe siècle : Octave Uzanne.

Comme je vous l'ai dis ici plusieurs fois, j'essaye de trouver des lettres autographes de ce brave Octave. Évidemment, homme de lettres et bibliophile obligent, c'est avant tout de ce genre de lettres dont il est le plus souvent question.

Le Bibliomane moderne a donné déjà deux lettres d'Octave Uzanne. Une lettre (carte) à son relieur M. Prouté, et une autre à propos d'un article dans la revue bibliophilique Le Livre.

Le hasard m'a mis entre les mains dernièrement deux nouvelles lettres du maître... un peu différentes. En effet, il n'est point ici question de bibliophilie ni même de livres, mais tout simplement de choses bassement matérielles, consignées avec rigueur et fermeté. Des histoires de placards, de factures de gaz et d'électricité, de canalisations...

Ces deux lettres ont été écrites en 1904. La première, non datée, doit dater de quelques jours avant le 16 août 1904 (date de la deuxième lettre). Octave Uzanne avant cette date avait pour adresse le n°17 du quai Voltaire et ensuite le 5 de la place de l'alma. La première lettre, écrite sur une feuille pliée en quatre et sur un papier filigrané personnalisé (motifs art nouveau et avec la signature d'Octave Uzanne). La deuxième lettre est écrite sur une carte, format carte postale, également personnalisée à son nom (voir photo).

Voici ces deux documents en reproduction :


Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Première lettre.



Deuxième lettre (carte). Recto.


Deuxième lettre (carte). Verso.


Voici la transcription du texte :

Première lettre :

Monsieur,

je m'étonne que vous ayez été désagréablement surpris de la feuille reçue de la Cie d'électricité. Je ne vous ai jamais parlé de colonne montante faite à mes frais, car les prix auraient atteint pour moi, une somme assez élevée pour que je vous réclame un minimum de mille francs d'indemnités. Il ne s'est jamais agi que de l'établissement de la canalisation et installation complète chez moi, ce qui me coûta déjà plus de mille francs.

Vous me rendrez cette justice que je n'ai rien fait pour vous pousser à prendre mon logis, dont je vous ai plus vanté les désagréments que les charmes. J'ai accepté vos 250 francs pour installation d'électricité et gaz, et ne voit aucunement pourquoi je consentirais à vous offrir aimablement la caisse briques et faïences et le grillage de côté, sous le prétexte que vous alléguez.

Si vous désirez conserver cette construction sur terrasse, vous voudrez bien vous conformer à l'estimation que j'y attache et qui est de 40 francs.

Je vous réserverai comme (vous) me le demandez le placard d'office et enlèverai tout le reste, sauf les appareils à gaz. Vous me devrez, de ce fait, comme convenu, à ma sortie de mon logis : 750 + 250 + 80 - soit 1.080 francs.

Vous ne me dites point si vous désirez les plafonds sous tenture ou tels qu'ils sont. Il m'importe de le savoir avant de convoquer M. Rivière en restitution du logis tel que je l'ai reçu.

Quant à ma remise du local, vous m'avez fixé fin août et je vous ai promis, fin août. Je tiendrai mon engagement.

Agréez, Monsieur, mes compliments empressés,
Octave Uzanne

Deuxième lettre :

Monsieur,

Toutes choses se trouvent donc définitivement entendues et nous règlerons toutes questions de détail lors de notre entrevue avec M. Rivière.

Vous m'obligerez d'écrire à ce dernier pour le prier de vous fixer le jour et l'heure du rendez-vous qu'il me doit accorder au quai, pour la vérification de l'état des lieux, en lui témoignant de votre désir d'être présent à l'entrevue.

Si M. Rivière ne me fixe pas, dans les délais voulus, pour une rencontre nécessaire dans l'appartement que j'occupais, je lui enverrai une nouvelle lettre recommandée, pour le mettre en demeure de me faire donner satisfaction. Cet honorable architecte, presqu'honoraire, ne répondant point toujours avec une ponctualité absolue.

Agréez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments distingués.

Octave Uzanne

(PS) : Je m'aperçois que vous avez omis dans votre calcul le placard avec glissières soit 20 francs, ce qui porte le total de votre versement à effectuer à 1.180 francs.



Vous l'aurez compris, Octave Uzanne change d'appartement, il cède son appartement à un autre locataire. Procédures d'état des lieux, quelques arrangements entre anciens et futurs bailleurs... chicaneries et procédures habituelles. Octave Uzanne a enfilé pour cette occasion son habit de chicaneur procédurier.

Un visage intéressant d'Octave ! non ? Loin des Lettres et des Bibliophiles contemporains... une vision que seule une correspondance miraculeusement conservée peut permettre de soupçonner.

Pour être bibliophile on n'en n'est pas moins homme pourrait-on dire !

C'est amusant comme parfois on peut en apprendre plus du caractère d'un homme en deux lettres de "tuyauteries" et de "placards", que dans les milliers de pages qu'il nous à laissé en "littérature".

Un conseil : Parlez plomberie avec votre charcutier ! Vous verrez, soit il s'avère un grand homme, soit à vos yeux il sera définitivement perdu !

Bonne soirée,
Bertrand

Résultats du sondage de l'été. Fréquentation du Bibliomane moderne.


Cher(e)s ami(e)s,

Avec la fin de l'été arrivent les résultats de notre modeste petit sondage sur la fréquentation du Bibliomane moderne.

Je vous livre les résultats bruts.

72 personnes ont pris la peine de participer à ce vote. Le vote s'est déroulé sur 30 jours entre juillet et cette fin de mois d'août.

Aux questions :

Vous fréquentez le Bibliomane moderne une ou plusieurs fois par jour ? 28 votes sur 72, c'est à dire 38% des votants.

Vous fréquentez le Bibliomane moderne une ou plusieurs fois par semaine ? 25 votes sur 72, c'est à dire 34% des votants.

Vous fréquentez le Bibliomane moderne une ou plusieurs fois par mois ? 4 votes sur 72, c'est à dire 5% des votants.

C'est la première fois que vous fréquentez le Bibliomane moderne ? 10 votants sur 72, c'est à dire 13% des votants.

Vous fréquentez le Bibliomane moderne depuis quelques jours seulement ? 3 votants sur 72, c'est à dire 4% des votants.

Vous fréquentez le Bibliomane moderne depuis quelques semaines ? 8 votants sur 72, c'est à dire 11% des votants.

Vous fréquentez le Bibliomane moderne depuis quelques mois ? 19 votants sur 72, c'est à dire 26% des votants.

Vous fréquentez le Bibliomane moderne depuis le début (septembre 2008) ? 22 votants sur 72, c'est à dire 30 % des votants.

Ce petit sondage n'avait aucune prétention, il cherchait juste à en savoir un peu plus sur les habitudes de ceux qui nous lisent.

Nous sommes heureux de constater qu'une belle poignée d'irréductibles lecteurs bibliophiles et bibliomanes apprécient visiblement ce que nous leur livrons comme pain quotidien. On imagine le taux d'abstention à ce vote très élevé... pourtant une vingtaine de fidèles nous lisent depuis maintenant un an.

Ces visiteurs nous suivent en grande majorité quotidiennement ou de manière hebdomadaire, tout ceci ne fait que renforcer notre motivation pour vous en offrir encore plus dans les semaines et les mois à venir.

La bibliophilie est un domaine de curiosité inépuisable et nous avons de quoi vous abreuver largement pendant encore des années d'articles divers et variés sur le sujet.

Je joins à ce billet les chiffres de la fréquentation d'après les statistiques du site. L'été n'est jamais un moment propice pour faire exploser les chiffres de fréquentation de l'internet et notamment des blogs. Je vous laisse analyser les chiffres par vous même.

Encore une fois, merci à toutes et à tous de votre fidélité au Bibliomane moderne, merci pour les preuves de soutien que l'on reçoit chaque jour, en espérant vous apporter au quotidien autant de plaisir que nous en avons à publier.

D'autres sondages viendront régulièrement en partie gauche du Blog. Votez ! Pour une fois vous n'avez rien à y perdre.

Statistiques générales du Bibliomane moderne :




Amitiés,
Bertrand

dimanche 30 août 2009

Un relieur (pas si) inconnu (que cela) de la période romantique : Montherot, ca 1825.


Bonsoir,
juste en quelques lignes, pour les plus curieux et pour faire suite au message de ce jour sur un relieur inconnu de la période romantique, un certain Montherot...

Pas si inconnu que cela en fait... Martin a réussi à retrouver sa trace (1) dans les limbes binaires du net... Pour que chacun en profite ici, je vous livre en copies d'écrans les passages intéressant concernant notre bonhomme Montherot.

Bonne lecture. Cliquez sur les images pour les agrandir. Le texte est court et la lecture à l'écran aisée.






(1) Extrait de "Les bibliothèques, anciennes et modernes, de Lyon" par Léopold Niepce, pp. 294-296.

Bonne soirée,
Bertrand

Un relieur inconnu de la période romantique : Montherot, ca 1825.




Chers amis,

je vous invite aujourd'hui à la découverte d'un relieur connu et inconnu à la fois, de la période romantique.

Connu parce que les deux reliures que j'ai sous les yeux sont signées de son nom, au pied des dos des volumes, comme c'est la tradition à cette époque, vers 1825. Il signe MONTHEROT.

Inconnu parce que, ni Julien Fléty dans son incontournable et pourtant fort incomplet Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours (éditions Technorama, 1988), ni Ernest Thoinan dans son excellent Relieurs français 1500-1800 (Paris, Em. Paul, Huart et Guillemin, 1893), n'en parlent.

Ce relieur que je juge assez habile, a relié trois jolis volumes en demi-maroquin rouge à grain long, à petits coins. Les dos sont ornés et typiques des années 1822-1825, date de l'édition des deux ouvrages recouverts ici. Roulettes et filets dorés aux dos, filet gras doré sur les plats à la jonction du cuir et du papier marbré des plats, petite étoile dorée à l'extrémité des coins (touche originale et du meilleur effet), tranches marbrées, papier marbré pour les gardes et la doublure.

Le corps d'ouvrage est ferme, solide, maniable et parfaitement exécuté. Je peux comparer son travail aux bonnes réalisations en demi-reliures d'un Joseph Thouvenin ou d'un Simier, sans que ce Montherot ait a rougir de son travail.


Comme j'en ai l'habitude depuis déjà un moment, je complète mon exemplaire de Fléty avec les relieurs que je découvre au fur et à mesure de mes trouvailles. Dans l'attente bien impatiente d'une nouvelle édition du Fléty, annoncée à demi-mot, mais qui ne vient pas...

Je n'ai rien trouvé sur ce Montherot, relieur.

Le connaissez-vous ? L'avez-vous déjà croisé dans vos pérégrinations bibliophiliques ?

Bon dimanche,
Bertrand

samedi 29 août 2009

Vieux souvenirs... vieilles photographies et cartonnages romantiques.



Daguerréotype vers 1850-1860.
Photographie d'une famille. Le père, la mère et l'enfant.
Vue de détail. Dimensions de la vue entière 11 x 15 cm.



Je ne pouvais évidemment pas vous abandonner comme cela avec mes historiettes de cartonnages romantiques, bibelots d'une époque où nos arrière arrière grand-mères posaient en belle tenue pour effectuer la photographie souvenir dont la postérité ferait grand cas. C'est certain.

Alors, un peu en chemin de traverse des livres, voici un souvenir du temps qui passe. Nous sommes aux environs de 1850-1860, une petite famille, la mère, le père et leur jeune fils de 9 ou 10 ans, posent bien sagement pour cette photographie extraordinaire.



Vue d'ensemble du daguerréotype dans son cadre d'origine.
Bords de la vue largement oxydés et effacés par l'action de la lumière.
Vers 1850-1860.



Je ne suis pas expert en photographies anciennes mais je dirais que cette photographie est très certainement un daguerréotype.

Les Daguerréotypes sont des images à la définition remarquable, obtenues sur des plaques de cuivre recouvertes d'argent. Elles sont présentées sous verre, dans un écrin ou un cadre. Ils ont un effet miroir qui oblige à les incliner légèrement afin de pouvoir contempler l'image. Le Daguerréotype fut le premier procédé photographique a connaître un succès commercial et qui fut reconnu comme donnant un résultat remarquable.

Les Daguerréotypes furent très populaires de 1840 jusque dans les années 1860, et plus particulièrement le portrait photographique.
Le gros problème de cette technique photographique c'est que le cliché est très sensible à la lumière et à l'oxydation dans le temps, ce qui donne bien souvent des clichés devenus quasiment invisibles. Ce qui est pratiquement le cas de celui que je vous présente aujourd'hui. Il a rejoint ma collection de photographies anciennes montrant des livres.


Il a été extrêmement difficile de prendre une photographie correcte de ce daguerréotype étant donné le verre protecteur du cadre (verre très épais) et la surface même du support de la vue, une feuille de cuivre argentée. La prise de vue n'a été possible qu'au flash et de biais après de multiples essais infructueux. Le résultat reste médiocre et déforme quelque peu les personnages... mais il n'a pas été possible de faire mieux...


Ce qui est amusant ici, c'est qu'on y voit justement dans les mains de la mère, un joli cartonnage romantique en papier gaufré décoré. Certes, ce n'est pas un cartonnage à médaillon, mais c'est un livre de la même époque à en juger par les motifs décoratifs. Je vous laisse méditer sur cette belle photographie que je vous montre un peu comme un trésor, car habituellement elle est à l'abri de la lumière, dans un tiroir, bien au sec.

Évidemment, on ne saura jamais qui étaient ces gens... On ne peut qu'imaginer leur vie, leur temps. Et c'est déjà assez pour nous faire plaisir.


Vue de Détail. On distingue encore de pales couleurs. Le livre est dans les mains de la mère, à droite sur la photographie. On distingue bien qu'il s'agit d'un cartonnage en papier gaufré certainement doré.


Encore une fois, vous voyez que ma bibliophilie passe par des chemins de traverse, non rectilignes et pleins de virages, pleins de vagues et d'aventures ; une bibliophilie bien vivante et pleine de délices.

Ma bibliophilie se nourrit de tout, et je la partage avec vous.


Bonne journée,
Bertrand

jeudi 27 août 2009

Toquade de bibliophile : Les cartonnages dits "romantiques à médaillon".



Anna ou la piété filiale par Mr de Marlès.
Tours, Alfred Mame et Cie, s.d. (contient une remise de prix datée de 1863).
19 x 11,5 cm.



Cela fait déjà un moment que je voulais vous parler d'une de mes toquades bibliophilico-maniaques...

En bibliophilie, comme dans le cochon, tout est bon ! Il y a le collecteur de plaquettes sur la Bourgogne, l'éminent rassembleur d'éditions incunables de nos meilleurs auteurs anciens, celui qui recherche avec persévérance les reliures signées, peu importe ce qu'il y a dedans (si si ça existe...), le poly-bibliophile comme il existait des polygraphes... qui collectionne tout... ou presque. Les thématiques changent avec les ans. Les passions changent, divergent, convergent. Le bibliophile doit alors faire des choix, suivre des orientations, le plus souvent mené par le bout du nez par un "sixième sens bibliophile" qui le guide bien malgré lui.

Rassembler à grand frais des éditions anciennes des auteurs classiques peut vite devenir ruineux. Et la bibliophilie à cela de merveilleux, qu'elle procure le même plaisir au collectionneur de plaquettes à trois sous qu'au collectionneur de livres d'heures à milles écus. L'essentiel étant à chaque fois de suivre sa chance, faire confiance à ses choix et laisser le destin décider pour vous. Ainsi, vous naviguerez, c'est certain, au cours de votre parcours bibliophilique, parmi de nombreuses thématiques, toutes sortes de livres, des plus riches aux plus pauvres et vice versa.

Tout cela pour vous dire que depuis quelques temps je me suis mis en tête de réunir une sorte de livres bien particuliers, appelons-les "cartonnages romantiques décorés en papier gaufré à fenêtre lithographiée coloriée".

Je ne vais pas vous faire l'historique de ces jolis petits livres, si fragiles, je me contenterai de vous renvoyer à deux ouvrages essentiels sur le sujet :

- Elisabeth Verdure, Cartonnages romantiques 1840-1870, un âge d'or de la reliure du livre d'enfant. Editions Stéphane Bachès, 2008. 1 volume 31 x 23 cm, env. 145 pages largement illustrées.

- Sophie Malavieille, Reliures et cartonnages d'éditeur en France au XIXe siècle (1815-1865). Editions Promodis, 1985. 1 volume 31 x 22 cm, env. 250 pages largement illustrées.

j'ajouterai deux autres ouvrages complémentaires mais non exclusivement consacrés à ce type de cartonnage particulier, à savoir :

- Jean Adhémar et Jean-Pierre Seguin, Le livre romantique, Paris, 1968. Editions du Chêne. 1 volume 33 x 24 cm, env. 150 pages largement illustrées.

- Jean-Marie Embs et Philippe Mellot, Le siècle d'or du livre d'enfants et de jeunesse, 1840-1940. Les éditions de l'Amateur, 2000. 1 volume 32 x 25 cm, env. 285 pages.

Ce type de cartonnages, dits "à Médaillon", apparait dans les années 1840 et se trouve jusque vers la fin des années 1880.

Ces volumes sont le produit d'une industrialisation croissante dans le processus de fabrication du livre, conjuguée à une augmentation évidente du nombre de lecteurs entre 1840 et 1890.

Plusieurs maisons se partagent le marché : Mame à Tours, Mégard à Rouen, Ardant et Barbou à Limoges, Lefort à Lille, Lehuby à Paris et encore d'autres aujourd'hui moins connus ou carrément oubliés.

Présents en très grand nombre de 1840 à 1860 dans les familles de la classe moyenne en cours d'alphabétisation, on retrouve ces jolis petits livres dans de nombreux greniers. Il n'est pas rare d'y retrouver, contrecollé au verso du premier plat, une étiquette de récompense, un prix de lecture ou un accessit dument complété à la plume. Découverte toujours émouvante.

Ces cartonnages entièrement fait en carton (plats) et papier, le tout joliment décoré en couleurs et à la presse (gaufrage). Ceux qui nous intéressent ici on en plus, sur le premier plat uniquement une fenêtre découpée permettant de placer une vignette lithographiée et coloriée.

Ces petits livres de format in-8 pour la plupart ou in-12 voire petit in-12 pour quelques uns, étaient vendus par séries thématiques, présentés dans de petits catalogues que l'on trouve parfois reliés à l'intérieur des volumes.

Ce que ces livres contiennent ?

L'essentiel des ouvrages recouverts de ces jolis habits est constitué d'une pléiade de livres de piété, de moralité, d'instruction morale à l'usage des enfants, de voyages en Terre-Sainte et autres vies de nos plus grands ecclésiastiques et autres personnages de l'église. Cependant, il ne faut pas négliger quelques séries intéressantes qui concernent les voyages, l'histoire générale (vie de Henri IV, vie de Louis XIV, etc). Quelques ouvrages profanes peuvent avoir été reliés de la sorte lorsque ces derniers ont été au préalable approuvé par l'archevêque local... Nous avons ainsi "Les jeunes voyageurs dans l'Inde ou détails intéressants sur les productions naturelles et industrielles, les monuments, les curiosités, les moeurs et usages des habitants de cette contrée", par Prieur, de Sombreuil. Limoges, Martial Ardant frères, 1859 (voir plus bas). Récit tout à fait intéressant et lisible.

Comment les acheter ? Comment les choisir ? Quel prix ?

Pour ma part, je ne fais pas de choix de texte (je laisse le destin me mettre en mains de bons textes), je cherche uniquement les exemplaires parfaitement conservés. Ceux dont la reliure, si fragile puisque en carton et papier, ont résisté au temps. Je recherche les exemplaires frais extérieurement et intérieurement si possible. Complets cela va de soi. J'évite d'acheter des exemplaires dont les coins sont trop usés ou dont les dos sont faibles ou fendillés. J'aime les contempler dans leur habit de lumière éclatant. Et cela devient rare dans cette condition !

Il y en a cependant tant de modèles différents que la quête reste passionnante et peu frustrante. D'autant que pour l'heure, le prix d'achat de ces petits bibelots bibliophiliques reste très abordable. Généralement ce ne sont guère plus de 10 euros qu'il est nécessaire de débourser, mais pour une belle pièce en parfait état cela m'est arrivé d'aller jusqu'à quelques dizaines d'euros.

Ces livres fragiles sont encore assez peu recherchés des bibliophiles classiques habitués aux reliures luxueusement en cuir et dorures "vraies". Ces Barbou et autres Mame sont le produit d'une ère industrielle naissante, production de masse et lecture pour tous pour horizon. Témoins d'une époque, typiques et atypiques à la fois, je pense qu'il est grand temps de se préoccuper de ces livres que l'on a trop longtemps considéré comme des Insignifiants (eux aussi...).

Voilà, je préfère maintenant vous laisser découvrir une petite sélection des plus belles pièces que j'ai réussi à rassembler à ce jour. Les exemplaires présentés sont tous en excellent état de conservation et n'ont subi aucune restauration d'aucune sorte.

La famille chrétienne suivie de nouvelles historiettes, traduit de l'allemand de Christophe Schmid par Louis Friedel. Septième édition.
Tours, Alfred Mame et Cie, 1856.
15 x 9 cm.



Marthe ou la soeur hospitalière par M. l'abbé J***. Cinquième édition.
Tours, Alfred Mame et Cie, 1851.
15 x 9,5 cm.



Histoires édifiantes et curieuses par Baudrand.
Limoges, Barbou frères, imprimeurs-libraires.
s.d. (vers 1850-1860).
18,5 x 11,5 cm.



Histoire de Henri IV, roi de France et de Navarre, par l'auteur de l'histoire de Louis XIV.
Deuxième édition.
Lille, L. Lefort, Imprimeur-Libraire, 1851.
18,5 x 11,5 cm.


Vie de St-François de Sales, évêque et Prince de Genève, par M. de Marsollier.
Tours, Alfred Mame et Cie, s.d. (1859 d'après une remise de prix à l'intérieur).
19 x 11,5 cm.


Le modèle de la Piété au milieu du monde ou vie de Mlle Marie Charlotte D**** morte en 1838 en odeur de sainteté. Par M. l'abbé de Villiers, ancien professeur de l'université.
Paris, Librairie de l'Enfance et de la Jeunesse, P.C. Lehuby, rue de Seine, n°55, ci-devant le 53.
s.d. (1857 d'après un accessit trouvé à l'intérieur).
18,5 x 11 cm.



Quinze jours en Suisse. Bâle, Berne, Lucerne. Par Paul Baudry.
Rouen, Mégard et Cie, Libraires-éditeurs, 1875.
20,5 x 13 cm.



Les jeunes voyageurs dans l'Inde ou détails intéressants sur les productions naturelles et industrielles, les monuments, les curiosités, les moeurs et usages des habitants de cette contrée", par Prieur, de Sombreuil.
Limoges, Martial Ardant frères, 1859.
17,5 x 10,5 cm.

Et vous ? Cela vous évoque quoi ces cartonnages décorés ?

Bonne nuit romantique,
Bertrand

Une mystérieuse édition du Bücher vom Wahren Christenthüm par Johann Arendt.


J’aimerais soumettre à la communauté des savants experts du Bibliomane Moderne, une étrangeté. Il s’agit d’un livre qui n’est apparemment recensé par aucun bibliographe et qui ne semble figurer dans aucune des bibliothèques et autres moteurs de recherche que j’ai consultés.

Je ne ferais pas d’autres commentaires que de vous décrire ce que j’ai sous les yeux.

Une demi-reliure assez élégante en maroquin bleu. L’ouvrage débute avec 2 pages de titres, l’une au regard de l’autre (ou une page de titre et une marque d’imprimeur ?) La première mentionne un auteur - Johann Arendt – et un titre Bücher vom Wahren Christenthüm, la seconde, le lieu d’impression (Frankfurt) l’imprimeur (Johann Borlins) et la date (1700). (Fig 1)

Fig. 1


A la suite, 44 feuillets gravés en taille-douce qui font penser à un livre d’emblèmes. Chaque figure est assortie d’une légende en allemand. Les thèmes sont étranges et évoquent des éléments naturels, des phénomènes physiques, etc. Alchimie ? Sorcellerie ? La gravure est très noire, visiblement un premier tirage. ( Fig 2 à 7).

Fig. 2


Fig. 3


Fig. 4


Fig. 5


Fig. 6


Fig. 7


Certaines gravures sont signées ACF et les quelques dernières A.C. Fleischman. (Fig 8)

Fig. 8


J’ai vu sur Google qu’il existait 2 personnages répondant au nom de August Christian Fleischman, le premier a peint des portraits, le second semble avoir fait des gravures, et avoir eu une courte existence (1704-1732). Le second pourrait être le bon candidat mais cela ne colle pas avec la date de la page de titre. Y aurait-il un troisième Fleischman ?

Voilà toute l’énigme. Pourquoi personne ne s’est intéressé à cet ouvrage ? Arendt n’est pas ce qu’on peut appeler un Insignifiant puisque c’est un prédicateur protestant qui a beaucoup écrit, son best seller étant justement sechs Bücher vom wahren Christentum.

Existe-t-il un lien entre les 2 premières pages, (dont les gravures ne sont pas signées) et la série d’emblèmes qui suivent ? Mystère ! Le style parait différent mais les caractères gothiques allemands sont les mêmes. (en tous cas pour moi qui ne suis pas spécialiste du gothique allemand !)

La réponse est peut être dans le catalogue de la vente Van der Helle, si cet ouvrage faisait partie des livres qui ont été dispersés à sa mort (vente de 1848 ?) mais je ne l’ai pas trouvé. L’ex-libris de ce célèbre bibliophile, déjà cité par le Bibliomane Moderne, figure sur la garde du livre. (Fig 9)

Je propose que les experts amis-amis pouvant me donner un renseignement valable soient nommés Secrétaires Perpétuel de l’Académie des Insignifiants !

Bonne journée,
Textor

Léon Riffard de Tarascon dit "le vieil oncle Léon". Examen de passage à l'Académie des oubliés.







Léon RIFFARD était un brave homme. Sur la dédicace de son ouvrage de fables "Contes et apologues", il avait écrit à l'attention de ses neveux et nièces “Souvenirs du 9 juin 1909 pour Emile et Lucie. Le vieil oncle Léon de Tarascon”


Que de gentillesse, on peut deviner chez cet octogénaire de la fin du 19eme siècle dont le comportement paternaliste et le profil de sénateur sont aisés à imaginer. Ami de Mistral et de nombreux poètes de son époque, Riffard s'est distingué par une discrétion et une modestie qui l'ont conduit tout droit à l'opposé de la postérité… C'est ainsi.

Haut fonctionnaire de préfecture, il avait avec honnêteté mené une carrière administrative et rempli les charges que l'état attendait de son serviteur zélé. Moraliste sans aigreur mais non sans malice, c'est dans la fable qu'il a excellé à la manière d'un "La Fontaine" ou d'un "Florian".


Henri Chantavoine, maître de conférences à l'École normale de Sèvres, disait de lui “Il instruit sans corriger, s'adresse aux enfants qui sont de petits hommes et aux hommes qui sont parfois de grands enfants. Riffard ne s'est pas laissé décourager par le maître immortel. Il a fait d'après lui mais jamais comme lui…”

J'aurais voulu tout citer ou presque de ses fables. Ces courts fragments et ces clichés ne suffiront pas à mon ambition du panégyrique tant on sait qu'en poésie une citation ne rend pas compte de l'œuvre et un commentaire encore moins !

O gentille maison proprette
Assise à l'angle du chemin,
Simple, point grande, point coquette,
Au milieu d'un petit jardin.
Un jardin ? Non, une corbeille…


La maison est en effet ouverte, la porte accueillante et le propriétaire affable. Rassurez-vous, il n'est pas moralisateur, simplement fabuliste. Le propos est brillant, il n'est pas aveuglant ! De l'élégance, je vous disais. Et de l'indulgence, beaucoup d'indulgence comme dans la revanche de la cigale dédiée à Mistral.

Il est une vertu que la divinité
Suggère à toute créature,
Elle rachète tout, elle est pure.
Nos prédicants la nomment : charité.
Pour moi, tout simplement, je l'appelle bonté.


Bien que M. Riffard fût un grand commis de l'état, il s'interdit la fable politique mais il y a plus de politique que l'on ne croit dans ses fables. N'oubliez pas la plaie béante laissée par la perte de l'Alsace-Lorraine et vous comprendrez à demi-mot certaines péroraisons "bleu-blanc-rouge" ! Pourtant, ce n'est pas avec des lunettes noires qu'il vit le monde. Plus moraliste que philosophe il écrivait…

Les mimosas sont bien heureux !
J'essaierai de faire comme eux. (…)
Bravo, mon fils. Les nerfs, l'humeur
Ne sont jamais que troubles.
Va, ne te monte pas la tête :
Contente toi d'avoir du cœur.


Léon Riffard, qui comptait de nombreux amis parmi les artistes eu la chance d'avoir pour collaborateur le plus fin des dessinateurs de l'époque au moment d'illustrer ses contes. Frédéric Regamey apporte sa sensibilité à cet ouvrage et, sans s'effacer devant l'écrivain, offre avec la pointe de son fleuret, un magnifique écrin au texte, vous ne trouvez pas ?

Ce livre sera le bienvenu sur les rayonnages de votre bibliothèque. Léon RIFFARD sera, j'en suis sûr, accueilli avec joie au sein de "l'Académie des oubliés" établie par les membres d'un blog de bibliophiles français. Il est d'ores et déjà élu "Very Important Personnality" dans ma librairie Tarasconnaise.

Bonne soirée,
Pierre

mercredi 26 août 2009

Jehan Leblond, Seigneur de Branville, le Précurseur. Candidat à l'Académie du Bibliomane moderne.





Aujourd’hui j’aimerais tirer de l’oubli et faire accéder à la gloire suprême, celle de l’Académie des Oubliés, Jehan Leblond, seigneur de Branville, curé de son état mais aussi poète et traducteur, qui mérite plus que les quatre lignes que lui consacre Wikipédia.

Que sait-on de Jehan Leblond ? Peu de choses. Il est né à Evreux, date de naissance inconnue, date de décès inconnue !

La Croix du Maine et Du Verdier nous apprennent que Leblond est l’auteur d’un seul recueil de poésies anti-marotiques, en 1536, œuvre de jeunesse intitulée « le Printemps de l’humble Espérant », et de bonnes traductions de Maxime Valère, Jean Carion, et surtout, de l’Utopie de Thomas More et du Livre de Police Humaine de Francesco Patrizi (ou François Patrice).

C’est la première traduction française de l’Utopie (1550), édition antérieure d'un an à la première traduction anglaise. Elle fera date, pour la clarté du style et la précision du vocabulaire. (fig 1 & 2).



C’est aussi la première traduction en français du livre de Francesco Patrizi, siennois (1413-1494) dans sa version latine abrégée par gilles d’Aurigny.

On voit bien les préoccupations de notre bonhomme et ses choix de traductions : L'île d’Utopie, c’est la conception théorique d'un État idéal parfait, où le travail obligatoire est réduit à 6 heures par jour pour laisser le temps aux citoyens de cultiver leur esprit. (Voire, de surfer sur le Bibliomane Moderne !). Le livre de la Police Humaine est un ouvrage d’éducation du Prince, contenant la meilleure manière de diriger l’Etat en autocrate éclairé.

Ces deux traductions méritent toutes les louanges. « Les traductions en français, réalisées par de véritables auteurs comme Amyot ou Le Blond, sont désormais considérées par les spécialistes comme des jalons remarquables de l'histoire de la littérature et de la pensée » nous dit le catalogue Berès (Le cabinet des Livres, vente du 20 juin 2006, n°15, dont sont extraites les 2 premières figures)

Mais ce n’est pas pour ces belles traductions que Jehan Leblond a retenu notre attention, c’est à cause d’un petit traité resté inconnu de tous les biographes et qui, par son audace et sa nouveauté mériterait une réhabilitation en fanfare.

Je cite le titre : « Petit préambule du translateur, touchant la noblesse, grace et dignité de la langue française, qui peult être une allumette à enflammer toute personne gentille, à soy exercer audict languaige, et en la doulce faconde et poésie d’iceluy » (fig 3)


Quelques éléments de contexte : au XVIeme siècle tous les lettrés parlent, enseignent et écrivent en latin, langue des savants, des actes administratifs et de l’Eglise. Pourtant, les Humanistes prennent conscience de la nécessité d’appartenir à une communauté linguistique qui leur soit propre, de faire émerger un sentiment national.

Défendre le français contre le latin et l’italien devient donc un enjeu de cette première moitié du XVIeme siècle. Geoffroy tory, déjà, dans son Champfleury (1526) montre que, même chez les humanistes, le recours prétentieux et inopportun au latin est jugé ridicule. Rabelais dans le Pantagruel de 1532 reprend les critiques de Tory dans l’épisode de l’écolier limousin. Puis François Ier fait publier en 1536 l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui impose le français comme langue du droit et de l'administration française.

Mais c’est, bien sur, Joachim du Bellay, porte-parole de la Pléiade, qui va écrire en 1549 le fameux manifeste, Défense et illustration de la langue françois, que le groupe illustrera magnifiquement en écrivant quelques chefs-d’œuvre en bon françois.

Dans la Défense, du Bellay nous dit : « C'est, en effet, la Défense et Illustration de notre langue françoise, à l'entreprise de laquelle rien ne m'a induit que l'affection naturelle envers ma patrie ».

Est-ce bien vrai ? N’aurait-il pas lu Jehan Leblond par hasard ? En effet, c’est trois ans avant la publication du texte de du Bellay que parait le Petit préambule de Jehan Leblond sur la noblesse, grâce et dignité de la langue française. (1546) dans lequel il développe sur 9 pages la nécessité de sortir le français de sa condition de langue vulgaire.
« Le motif qui a dressé ma plume de parler des grâces, ensemble des imperfections de la langue, est pour tomber à faire récit de la dignité très-ancienne, et louable authorité de notre langue gauloise, et aussi pour enflammer tous illustre s et nobles esprits , à s’efforcer de la faire reverdir et reluire….car comme une bonne terre fertile de soy, qu’on laisse à cultiver par traict de temps, n’apporte qu’espines et chardons, en ce poinct a été de nostre langue. »

Et de conclure « Donnons ordre (nobles facteurs, poètes et orateurs français) chacun en son endroict, de la faire revivre, et renaitre plus florissante qu’elle ne fut jamais. »
(fig 4)


La devise de Jehan Leblond était « Esperant Mieux ». Que pouvait-il espérer de mieux que d’entrer dans la noble Académie du Bibliomane Moderne ?

Bonne journée,
Textor

Reférences :

Le Printemps de l’humble Esperant, Paris, les Angeliers, 1536, In-16
La Description de l'isle d'Utopie où est compris le miroer des républiques du monde, & l'exemplaire de vie heureuse [.] Paris, Charles L'Angelier, 1550, In-8 de (1) f.bl., (8) ff., 105, (7).
Le Livre de la Police Humaine, Les Angeliers 1546, In-8 de (8) ff - 101 ff - ( 11) ff - (4) ff - 108 ff, soit 232 ff. EO de 1544 pour le livre 1er et 1546 pour le Livre 2nd.

mardi 25 août 2009

Un candidat à l'Académie des Oubliés, Dédaignés et Insignifiants... qui est une candidate !







Bonjour

Je présente mon candidat, qui est une candidate, dans la catégorie Obscur (voir ci-dessous sa biographie) et Oublié (pour l'oubli dans lequel elle est tombée, malgré son poème "précurseur" sur les Alpes dauphinoises). Il s'agit de Mme Laugier de Grandchamp, qui a publié un poème dans l'Almanach des Muses de 1786.

Vous me direz, elle n'est ni la première, ni la dernière ! Ce qui caractérise ce poème, c'est que c'est la première évocation littéraire d'un voyage au col du Lautaret, avec un passage au pied la Meije.

Le poème est écrit dans l'esprit du conte de Marmontel, La Bergère des Alpes.

Veuillez trouver ci-dessous la transcription du poème (format PDF).

http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/description_route_briancon_grenoble.pdf

Sinon, pour tout savoir sur ce poème, il faut se référer à la page qui lui est consacrée sur mon site :

http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/description_route_briancon_grenoble.html

Notice sur Mme Laugier de Grandchamp, dans : Dictionnaire historique, bibliographique et littéraire des Françaises et des étrangères naturalisées en France, connues par leurs écrits, ou par la protection qu'elles ont accordée aux gens de Lettres, depuis l'établissement de la Monarchie jusqu'à nos jour, par Fortunée Briquet, Paris, Treuttel et Würtz, 1804.

LAUGIER DE GRANDCHAMP, (Gaudin, Dame) s'est adonnée avec succès à la poésie. Ses productions ont été insérées dans différens ouvrages périodiques. Elle n'avait pas 18 ans, quand elle fit paraître, en 1783, sa charmante Épître à la Bienfaisance. Ses Contes, ses Nouvelles, soit en prose, soit en vers, sont écrits avec grâce. La lecture en est attachante. On y trouve réunis l'intérêt du sentiment et celui de la délicatesse. L'aisance et la facilité caractérisent ses Romances. Il y a un ton de mélancolie et une manière poétique dans sa Description de la route de Briançon.

Cette pièce de vers fait partie d'un Recueil de Voyages, publié en 1787, par Couret Villeneuve.

Son Discours, en vers, sur les Préjugés, a des beautés. Son Éloge, en vers, de Voltaire, a
concouru, en 1779, pour le prix proposé par l'Académie française.

A la BNF, on trouve cet ouvrage : Sur l'arrivée des cendres de Napoléon à Paris, par Mme Laugier de Grandchamp, née Gaudin. Paris, Vve Le Normant, 1841 , in-8° , 8 p. (YE-45918).

Dans les registres paroissiaux de Briançon, on ne trouve qu'un acte qui pourrait correspondre à celui de son mari mort à Briançon, si l'on interprète correctement son poème : Louis Laugier, décédé à Briançon, le 9 juillet 1784, âgé d'environ 50 ans, écuyer, Garde du Corps de Monsieur frère du roi.

Je vous laisse juge de publier cette découverte.

Bonne journée,
Jean-Marc

lundi 24 août 2009

Charles Dejob, Marc-Antoine Muret et le glouton bibliophile. Candidat à l'Académie des ODI.




Je souhaiterais présenter aujourd’hui la candidature de Charles Dejob à l’Académie des ODI.

Né en 1847, il passe sur les bancs de l’Ecole Normale Supérieure avant de devenir Professeur de rhétorique à Laval en 1871. Il enseignera successivement dans les lycées de Bordeaux, Angoulême et Stanislas à Paris, avant de terminer sa carrière à la Faculté des Lettres de Paris en qualité de Professeur de langue et littérature de l’Europe méridionale. Il est également le créateur de l’agrégation d’italien en 1900. Il s’éteindra en 1916.

l obtint le grade de Docteur en 1881 et c’est sa thèse de doctorat que je souhaiterais vous présenter. Elle s’intitule : Marc-Antoine Muret, un professeur français en Italie dans la seconde moitié du XVIeme siècle. Celle-ci a été publiée chez Ernest Thorin en 1881. C’est un in-quarto de 496 pages plus une feuille d’errata. L’exemplaire dont je dispose a été dédicacé par l’auteur à « Monsieur le Professeur Jules Girard, hommage respectueux et reconnaissant d’un ancien élève ».

Jules Girard, Professeur de grec ancien à Normale Supérieure, fut d’ailleurs président de la fondation Thiers de 1896 à 1902 et nous retrouvons le tampon de cette fondation en page de titre.
Photo Dans ce passionnant ouvrage, peu commun dans son édition de 1881 il me semble, Charles Dejob aborde en profondeur le personnage haut en couleurs que fut Marc-Antoine Muret : sa vie tumultueuse, ses liens avec le « savant imprimeur » Paul Manuce, Cujas, les poètes de la Pléiade et sa vision de l’enseignement universitaire, considérée comme un modèle à suivre en Italie. C’est une véritable mine de renseignements sur le monde de la littérature et de l’enseignement dans la deuxième moitié du XVIeme siècle.


La thèse de Dejob présente également une critique de l’œuvre de Muret : Muret n’avait ni l’expérience ni la gravité nécessaire au poète satyrique. (…) Ses épigrammes satyriques roulent trop souvent sur des thèmes traditionnels (…) ; pourtant elles sont parfois assez divertissantes, par exemple la jolie fantaisie sur le nez bourgeonné d’un ivrogne. Mais la meilleure inspiration de Muret, ce fut alors le plaisir. Ses élégies, d’un ton assez réservé, ne sont qu’élégantes, mais ses épigrammes érotiques ont un accent personnel.

Dejob a notamment eu accès au manuscrit de la biographie inédite écrite par Colletet, a lu l’intégrale de la correspondance de Muret et a fouillé de nombreuses archives en France et en Italie (bibliothèques du Vatican, Barberini, archives de Frari, de l’Université de Padoue, etc.).

C’est à ma connaissance la seule biographie publiée de Marc-Antoine Muret (en février 2009, Gérard Oberlé a publié Les mémoires de Marc-Antoine Muret mais je ne l’ai pas lu). Je vous invite à lire cette thèse en ligne (http://www.archive.org/stream/marcantoinemure00dejogoog#page/n13/mode/1up), ou bien dans la réédition Slatkine de 1970 (Aïe ! Aïe ! Aïe ! Cela disqualifie-t-il Charles Dejob pour l’Académie des ODI ?).

Si Dejob critique Muret pour ses graves imperfections (en référence à ses mœurs), il a néanmoins le mérite de faire prévaloir l’universalité de son érudition, son talent de parole et sa légèreté d’esprit encouragée par une intelligence rapide.


En guise de conclusion, je vous laisse apprécier ces quelques lignes, dans lesquelles se reconnaîtront sans doute la plupart des lecteurs du blog :

"Peut-être aussi le goût de la bonne chère, inné chez Muret, développé sans doute à la table du Cardinal de Ferrare, ne contribua-t-il pas à fortifier sa santé. Non pas que Muret fut glouton, mais il semble ne pas avoir dédaigné les bons morceaux : après les cadeaux destinés à sa bibliothèque, ceux qu’il appréciait davantage étaient à l’adresse de son garde-manger.
"

Bonne journée,
Denis.

Bibliographie non-exhaustive de Dejob :

- De l’influence du concile de Trente sur la littérature et les Beaux-Arts chez les peuples catholiques (1884)
- Mme de Staël et l’Italie (1890)
- Instruction publique en France et en Italie (1894)
- La foi religieuse en Italie au XIVème siècle (1907)

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