lundi 29 octobre 2012

Octave Uzanne visite la bibliothèque du duc d'Aumale à Chantilly en compagnie des Amis des Livres dont il faisait alors partie (28 mai 1884).


J'ai pensé que cette petite visite à la bibliothèque du duc d'Aumale à Chantilly intéressait au-delà du cercle restreint des aficionados de l'Octave ... alors je vous le livre ici en copie.

Amitiés bibliophiles,
Bertrand Bibliomane moderne

Vieux airs – Jeunes Paroles. Variations sur les choses qui passent (Notes familières d’un curieux).[1]

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Je ne saurais parler des Amis des Livres[2] sans mentionner vers cette fin de chronique la date du 28 mai dernier [1884], qui restera célèbre dans les éphémérides de cette société. Le duc d’Aumale[3], président d’honneur, avait prié tous ses collègues à déjeuner à Chantilly et à passer quelques heures dans sa bibliothèque. Les membres titulaires s’étaient empressés de se rendre à cette flatteuse invitation, et sur les cinquante bibliophiles, une quarantaine se trouvaient réunis dans la grande salle à manger du château. Repas essentiellement cordial, pour employer le cliché journalistique courant. Le duc, qui est un causeur inépuisable, un anecdotier toujours en heureuse veine, un charmeur de la plus fine érudition, tint essentiellement, en dépit d’un accès de goutte, à être le cicérone de ses collègues au milieu des trésors de ses galeries et de sa bibliothèque. Par surcroît de courtoisie, il avait fait partir et mettre sur tables les principaux livres de cette collection unique au monde et qui atteindrait au minimum cinq ou six millions si jamais elle pouvait être dispersée. Livres sur vélin en édition unique des plus célèbres ouvrages du XVIIIe siècle, avec dessins originaux, miniatures, premiers états, autographes, remarques, reliures étincelantes, manuscrits inoubliables, entre autres, les fameuses Heures du duc de Berry, incunables, antiphonaires … les Amis des Livres furent autorisés à tout inspecter, manier, caresser … Bien des mains tremblaient d’émotion et de crainte en touchant de telles merveilles ! bien des prunelles se dilataient d’admiration et d’envie, et je ne serais guère étonné que parmi mes collègues il se trouvât, à la suite de cette visite, quelques passionné en délire atteint de la monomanie des grandeurs et incurablement fou. Il faut avoir l’âme d’un sage et d’un philosophe pour approcher de ce Paradis du bibliophile sans en emporter une morsure d’envie ou un rayon trop éblouissant dans la cervelle.
Jules Janin, dans le Bibliophile français, a décrit, il y a près de quinze ans, la bibliothèque du duc. Que de nouvelles richesses depuis cette époque ! un gros in-4° ne suffirait point à la description des ouvrages principaux ; en parler ici, si petitement que ce soit, serait déraisonnable ; mieux vaudrait reproduire in extenso les titres des livres de premier ordre qui ont passé dans les plus célèbres ventes de France, d’Angleterre et d’Italie depuis quarante ans. On s’étonne que le propriétaire d’une si glorieuse collection puisse avoir encore un desideratum, et cependant le duc d’Aumale achète, achète encore, achète toujours.
Après un court séjour dans ce milieu troublant, les Amis des Livres avaient besoin d’air, sous peine de succomber aux émotions ; le duc a compris qu’au-delà de l’enthousiasme, on entre dans le fanatisme, et qu’un pas de plus on tombe dans la folie ; aussi, par mesure de prudence, a-t-il invité ses hôtes à une promenade en forêt. Des voitures attelées en poste ont emmené à travers les taillis, au-delà des anciens bosquets de Sylvie, les passionnés de Grolier, de Clovis Eve ou de Bauzonnet, encore fiévreux et pantelants, berçant leurs rêves inassouvis. Deux heures plus tard, l’express ramenait tous ces fiévreux à Paris. Il sera longtemps question, mes frères, de cette superbe journée aux dîners de Durand[4].

Octave Uzanne


Octave Uzanne n'a pas dû être peu content d'avoir réussi à ce que le duc d'Aumale devienne aussi Président d'Honneur des Bibliophiles contemporains fondés à la fin de l'année 1889. Nous vous invitons à la lecture ou à la relecture de quelques lettres échangées entre Octave Uzanne et Eugène Paillet en 1890. Dans sa revue Le Livre Moderne, Uzanne n'a pas été très tendre avec les Amis des Livres qu'il avait alors laissé tomber.

Bertrand Hugonnard-Roche


[1] In revue Le Livre, Bibliographie moderne, cinquième année, sixième livraison, 10 juin 1884 (n°54), pp. 353-360 ; p. 360 pour l’extrait présenté ici.
[2] Les Amis des Livres furent fondés en 1880 à l’initiative du grand bibliophile Eugène Paillet. Il eut l’idée de faire imprimer en 1874 un livre illustré, la Chronique du règne de Charles IX, avec des eaux-fortes originales d’Edmond Morin ; puis un autre bibliophile, M. Cherrier, faisait imprimer par Jouaust les Scènes de la vie de Bohème, illustrées par A. Bichard ; enfin en 1880, M. Billard édita Fortunio de Théophile Gautier, et la Société fut définitivement constituée cette même année 1880, sous la présidence de M. Eugène Paillet durant vingt et une années. Henri Béraldi lui succéda en 1901 et ce jusqu’en 1931. Victor Mercier lui succéda pendant trois années seulement. Cette société existait encore en 1943. (L. Carteret, Sociétés de Bibliophiles, Le Trésor du Bibliophile, tome deuxième, pp. 189-194). Octave Uzanne fut des Amis des Livres jusqu’en 1888 ou 1889 ? Puis il prît ses distances lorsqu’il créa lui-même une société de bibliophiles : les Bibliophiles contemporains. Nous essaierons prochainement de retracer le parcours d’Octave Uzanne au sein des Amis des Livres.
[3] Henri Eugène Philippe Louis d’Orléans — simplement appelé 
Henri d’Orléans —, prince du sang, prince d’Orléans, duc d’Aumale, est un militaire et un homme politique français, né à Paris le 16 janvier 1822 et mort au domaine du Zucco à Giardinello (Sicile) le 7 mai 1897. Il fût en 1889-1890 président d’honneur des Bibliophiles contemporains nouvellement fondés par Octave Uzanne.
[4] Probablement le lieu de rendez-vous des Amis des Livres ?

vendredi 26 octobre 2012

Barthélémy de Chasseneuz, Encyclopédiste bourguignon (1546).

Monsieur de Chasseneuz aimait l'ordre et la discipline. Normal, il était juriste.

Il entreprit de rédiger un livre contenant toutes les dignités et les préséances de la Société, chacun se voyant attribuer une place dans le Monde, une place immuable qui contribuait á l'harmonie globale. Les puissants trônaient au sommet de la hiérarchie, puis venaient leurs obligés, les grands feudataires et leurs vassaux, puis les subalternes, et ainsi de suite, dans une belle ordonnance médiévale, jusqu’aux aventuriers et personnes d’occasion. Le Monde de Barthélémy de Chasseneuz était rassurant.


Fig 1 l’Homme au centre de l’Univers.


Il intitula cette somme le Catalogus Gloriae Mundi. (Le Catalogue de la Gloire du Monde). C'est un des beaux livres à gravures de la première moitié du XVIe siècle et cet article n'est qu'un prétexte à vous présenter de belles images.

Barthélémy de Chasseneuz était né en 1480 en Saône-et-Loire; il fit son droit à Dole et dans les villes d’Italie. Procureur à Autun en 1508, membre du Parlement de Bourgogne en 1525, il en devint le Premier Président en 1532. Au hasard de ses digressions, il nous donne dans le Catalogus des détails sur sa vie et plus généralement sur la vie quotidienne en Bourgogne à la Renaissance. Avocat, il avait acquis une réputation dans une spécialité devenue rare aujourd’hui mais qui pourrait bien revenir à la mode : la défense des animaux au criminel.

Comme souvent chez les pénalistes actuels, c’est par des arguties procédurales qu’il obtenait l’acquittement de ses clients à quatre pattes. Ainsi, les habitants de l’Auxois, souffrant de la dévastation des récoltes, avaient fait citer à comparaitre tous les rats de la région devant la juridiction ecclésiastique. Barthélémy de Chasseneuz plaida haut et fort que la procédure n’avait pas été respectée et il démontra que le délai qu'on avait donné aux rats était trop court pour qu’ils puissent tous comparaître au jour de l'assignation, d'autant plus qu'il n'y avait point de chemin où les chats ne fussent en embuscade pour les prendre. Il obtint un nouveau délai de citation, mis à profit par les rats pour fuir le navire de la justice. (1)

Une autre fois, un cochon au regard lubrique convaincu d’outrage sur une relieuse de la bonne société ne dut son salut qu’aux arguments convaincants de Chasseneuz sur la légitime défense. Ce fait d’armes m’amène tout naturellement et sans transition à vous présenter la reliure de cet exemplaire : une peau de cochon estampée à froid dont les motifs macabres plairont certainement aux amateurs de vanités. J’ai néanmoins pris le soin de compter les pores du porc pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une peau humaine. Mais non, il s’agit bien du cochon qui échappa à l’excommunication.


Fig 2 Reliure de porc estampée dont on distingue, outre le grain de la peau en triangle, les motifs macabres.


Barthélémy de Chasseneuz était fier d’être bourguignon (C’est un euphémisme de le dire !) et il ne perdait jamais une occasion de célébrer sa belle région et les antiquités de Dijon ou d’Autun, donnant moultes détails pittoresques sur la vie quotidienne et les évènements marquants, comme cette visite en 1521 de Guillaume Budé et François 1er qui s’intéressèrent aux monuments de la ville de Dijon. (Part. II, Cons.5) Il poussait l’amour de sa patrie jusqu’au chauvinisme et il en résulta une querelle avec Ravisius Textor. Le Textor (mon homonyme) préférait le Côte du Rhône aux grands crus de Beaune (nobody’s perfect !). Chasseneuz ne le supporta pas et le fit savoir ! (2) Pourtant les deux compères avaient fréquenté les même bancs d’école à Corbignière (?) sous la férule de maitre Vincent Galgand et Chasseneuz raconte avec attendrissement leurs blagues de potaches dans les mines d’argent de la région. (3)


Fig 3 Part. X Cons. 32 un dicton estudiantin en vulgus dans le texte.


Textor et Chasseneuz avaient toutefois un point commun : le gout de l’accumulation. S’il fallait classer le Catalogus Gloriae Mundi dans un genre, il se rapprocherait davantage de l’encyclopédie que de la somme juridique. A l’origine le Catalogus fut composé à l’occasion d’une discussion de préséance entre officiers destinée à être insérée dans l’autre ouvrage fondamental de Barthélémy de Chasseneuz, les Consuetidines (Gloses sur la Coutume de Bourgogne) mais son auteur trouva la matière trop volumineuse et en fit un traité à part, le Tractatus in materia praelationis et praecedentiae diversorum, qui, au fil du temps, fut considérablement étoffé jusqu’à devenir une compilation de ses connaissances sur des sujets très divers en rapport avec le Monde, la société humaine et la dignité de l’Homme.


Fig 4 Le pape et l’ordre ecclésiastique.



Fig 5 L’arbre de France.


Je n'ai qu'un regret en feuillant ce livre : C'est de ne pas connaître le nom du graveur dont le style est pourtant bien caractéristique. Personne ne semble s'en être préoccupé et pourtant le titre figure au catalogue de nombreuses bibliothèques.

J'ai pourtant ma petite idée sur l’identité du graveur, je vous la livre pour ce qu'elle vaut : L'ouvrage a été publié pour la première fois à Lyon chez Simon Vincent en 1529. L’exemplaire présenté est la seconde édition de 1546, mais les bois sont repris à l’identique (sauf les encadrements des titres). Or, comme je l’avais mentionné à propos d’une édition de Térence de 1522, (Voir BM 26 Juillet 2010) une petite recherche sur l’entourage artistique de Simon Vincent, nous apprend qu’il s’est adjoint à différentes reprises les services de Guillaume II Le Roy, non seulement pour l’illustration proprement dite mais aussi pour l’ornementation typographique. Baudrier reconnait chez cet artiste le style du « Maitre au Nombril » qui avait la particularité de prolonger le nombril de ses personnages d’un fort trait vertical. (4) Dans l’édition du Catalogus de 1529 les lettrines historiées sont identiques à celle du Térence de 1522. Les gravures du Catalogus sont plus soignées que celles du Térence et la comparaison stylistique s’avère difficile pour un non spécialiste, d’autant qu’aucun personnage ne montre son nombril. Ceci dit, les hachures du dessin, la forme des yeux, le regroupement serré des personnages et le gout pour l’anecdote pourrait être dans la manière de Guillaume II Le Roy, bien que personne, à ma connaissance, ne l’ait jamais mentionné. (5)


Fig 6 Au sommet de la gravure, le connétable entre le maréchal et le bailli.



Fig 7 Au bas de la gravure, les avanturiez, autrement dit la piétaille.


Quoiqu'il en soit de l'identité du graveur, l'homme avait du talent. Quiconque a essayé d'illustrer un ouvrage de droit me comprendra et connaît la difficulté de l'exercice ! Pour représenter le monde harmonieux de Chasseneuz, notre artiste a opté pour trois cycles de gravures: la hiérarchie des dignités, la place de l’homme dans le cosmos, et la vie quotidienne des artisans bourguignons (Ce dernier thème se retrouve dans les lettrines historiées de Simon Vincent de l’E.O.).

Dans la première catégorie figurent une intéressante suite de tableaux sur lesquels sont rassemblés les différents ordres de la Société : Les armoiries du roi de France est au sommet d'un arbre aux multiples branches dont chaque rameau porte les armes d’un vassal. Sur un autre tableau le Pape et la hiérarchie ecclésiastique, sur un autre, les gens de robe, les gens d'épée, etc ....

Dans la série cosmologique figure un planétarium, bien sur, mais aussi cette représentation de l’homme et de la femme au centre de l’univers (Voir Fig. 1). L’homme cite un passage des psaumes : Omnia subjecisti sub pedibus eius (Toutes choses est assujetties à ses pieds). Et la femme répond par un extrait des Métamorphoses d’Ovide : Os homini sublime dedit caelumque tueri jussit et erectos ad sidera tollere vultus, c'est-à-dire Dieu (Prométhée) donna à l'homme un visage tourné vers le haut et lui imposa de regarder le ciel et de lever les yeux vers les astres. La gravure illustre magnifiquement cette idée reprise de Pic de la Mirandole que l’homme est au centre du Monde et possède seul le libre arbitre de s’abaisser au niveau des bêtes ou de s’élever jusqu’au divin.


Fig 8 Le Cosmos.


Enfin, le dernier thème iconographique est consacré aux connaissances et aux vertus, exclusivement représentés par des figures féminines (Aux hommes le pouvoir, aux femmes la science !) auxquelles se mêlent curieusement les différents métiers du petit peuple des villes : la fourbisseuse, la mercière, la marchande des quat ’saisons, etc…. (6) (7)


Fig 9 La Mercière cache des incunables dans l’arrière-boutique.



Fig 10 La Fourbisseuse joue les tympanestria à ses heures perdues.



Fig 11 La Marchande des Quat ‘saisons se diversifie dans les instruments de jardinage.


Au fil des différentes éditions, plus d’une vingtaine entre 1529 et 1692, les éditeurs mettront en valeur dans le titre l’aspect encyclopédique de l’ouvrage, ce qui contribuera à son succès. Puis Monsieur de Chasseneuz et son Catalogue tomberont dans l’oubli.

Sic transit Gloria Mundi !

Bonne Journée
Textor


(1) Cette anecdote, probablement légendaire, est rapportée par le Président de Thou et son origine serait un ouvrage publié à Genève en 1570 : « L’Histoire des Vrays Témoins de la Vérité » (tout un progamme !)
(2) Part. XII Cons. 84 : Textor nescio qua ratione motus…nisus est laudare vina Vivaresia juxta Rhodanum…
(3) Part. XII Cons. 95 : Ego etiam accepi in dicto oppido (Corbigniaco) prima litteram principia circa annum Domini 1488, … tum eramus juvenes …sub ferula Magistri Vincentii Galgandi qui fuit gymnarsiacha antecessor illus Veturelli quem Textor dicit suo tempore fuisse praeceptore seu rectorem scholarum dicti oppidi Corbigniaci…
(4) Voir Baudrier et plus récemment Magali Vène in « France 1500 », ed. RMN p 232.
(5) Comparez notamment les bouquets d’herbe de la Fig. 1 avec ceux de la Fig. 8 dans l’article sur Terence : Ils sont identiques.
(6) L’exemplaire présenté est la seconde édition de 1546 qui se collationne comme suit : In-fol de (8) 330 ff. ill 13 grav. à pleine page, 51 bois gravés dans le texte, une vignette représentant un atelier d’imprimeur (p 230). Marque d’Antoine Vincent au v°du dern. f.
(7) Sur cet ouvrage, voir François Secret Le Catalogus Gloriae Mundi de Barthélémy de Chasseneuz et la Dignitas Hominis – Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance T 20 n°1 (1958) p 170-176.


Fig 12 Des canards bourguignons assurément !

lundi 22 octobre 2012

De l'Imitation de Jésus-Christ (1692) suite ...

Il y a quelques mois, Bertrand m'avait déjà laissé les colonnes du Bibliomane pour parler de cette fameuse édition De l'Imitation de Jésus-Christ, Paris, Antoine Dezallier, 1692, édition originale de la traduction de l'abbé de Choisy (article à relire ici)



Depuis cet article, j'ai pu identifier quelques exemplaires en plus, et notamment en tenir un autre en main, que j'ai pu comparer avec le premier exemplaire que j'ai eu.

Comparons les deux exemplaires que je connais :
  • Le premier, celui décrit dans le précédent article, est un exemplaire à la croix de Saint-Cyr, avec mention de propriétaire de la main de madame de Maintenon, comme les autres exemplaires à la croix de Saint-Cyr connus. Exemplaire très frais. Aucune trace de cet exemplaire trouvée.
  • Le second est un exemplaire en maroquin rouge à la Du Seuil d'époque, reliure d'une très bonne main. Exemplaire avec quelques rousseurs, papier légèrement jauni. Aucune trace de cet exemplaire trouvé
La première chose qui m'a donc sauté aux yeux, c'est la différence de fraîcheur de ces deux exemplaires, d'autant que le premier m'avait déjà plu en raison de cette fraîcheur. Cela n'est pas uniquement dû à la conservation de l'ouvrage, nous avons bien ici deux exemplaires sur des papiers différents en qualité, notamment l'épaisseur et les marges, et cela saute aussi aux yeux quand vous les avez côte à côte :
  1. Epaisseur (hors reliure) : 22mm contre 18mm
  2. Hauteur : 161mm contre 157mm
De toutes façons, nous sommes visiblement face à un exemplaire de présent pour le premier, ce qui explique cette différence en partie cette différence. Néanmoins, il est intéressant de voir que le seul autre exemplaire dont nous avons la hauteur a des marges plus courtes : il s'agit de l'exemplaire n°6 (cf liste ci-dessous) en maroquin doublé qui a une hauteur de 150mm.

Exemplaire n°6

Liste des exemplaires répertoriés :
  1. Nodier (1844, n°20, vendu 100fr à du Roure), du Rouge (1848, n°120, 53fr), Borluut de Noordonkt (1858, 140fr), Léopold Double (1863, n°18, 285fr à Huillard), Huillard (1870, n°120), Librairie A. Fontaine (1872, n°4004, 525fr), Benzon (1875, n°39, 1000fr), amateur anglais [Richard Lion] (1882, n°46)
    Exemplaire à la Croix de Saint-Cyr ayant appartenu à Madame de Blosset (mention autographe de la main de madame de Maintenon), demoiselle de Saint-Cyr
  2. Yemeniz (1867, n°260, 400fr), Bancel (1882, n°39 bis)
    Exemplaire à la Croix de Saint-Cyr ayant appartenu à Madame de Saint-Pars (mention autographe de la main de madame de Maintenon), demoiselle de Saint-Cyr
  3. Brunet (1868, n°58)
    Maroquin bleu de Bozerian jeune
  4. Librairie Morgand-Fatout (n°23429, 350fr)
    Maroquin bleu de Trautz Bauzonnet
  5. Librairie Morgand-Fatout (n°25569, 150fr)
    Maroquin rouge de Chambolle-Duru
  6. Vente chez Godeau-Solanet-Audap (17 mars 1975, 6000fr), PBA Auctions (Pierre Bergé - 21 juin 2007, n°378, 7000€) [1]
    Maroquin doublé, probablement de Luc-Antoine Boyet, faisant partie de la quinzaine de reliures à décor plein or connues. La description de 1975 est assez succincte mais correspond bien à celle de 2007.
  7. Exemplaire à la Croix de Saint-Cyr ayant appartenu à Madame de Jas (mention autographe de la main de madame de Maintenon), demoiselle de Saint-Cyr
  8. Maroquin rouge à la Du Seuil d'époque
  9. Odiot, Lignerolles, Jacques Guérin (Tajan - 15 novembre 1996, 50000fr)
    Reliure maroquin rouge janséniste, frappé du lion doré des Aubigné, couronné, au centre des plats
    Je n'ai eu aucun des catalogues donc j'indique cet exemplaire en raison de la provenance. Il faudrait donc mettre la main sur le catalogue Lignerolles ou le catalogue Tajan de 1996 pour voir ce que dit exactement la description
  10. Poulain-Le Fur (24 novembre 1989, 1800fr)
    Maroquin brun janséniste doublé de maroquin rouge, croix de Saint-Cyr en médaillon. Reliure de Chambolle-Duru.
    Je n'ai pas eu non plus le catalogue de cette vente. J'indique cet exemplaire car ayant été relié par Chambolle-Duru, cela montre que c'était un exemplaire de valeur, et non un des exemplaires sans la fameuse gravure qui n'aurait donc "aucune valeur" (dixit Charles Nodier)

Wall


Note :
[1]De l'imitation de Jésus Christ 
Paris, Antoine Dezallier, 1692 In-12 (150 x 92 mm) 
COLLATION: 3 ff.bl.; 1 frontispice; 1f. titre avec fleuron; 3 ff.n.ch. pour l'épitre «Au Roy» de l'Abbé de Choisy et l'Approbation; 333 pp.ch; 9 pp.n.ch. Table des chapitres; 1 p.n.ch. Extrait du privilège; 3 ff.bl.
ILLUSTRATION : frontispice, une petite vignette représentant la chapelle de Versailles en tête de l'épitre, et de 4 figures (pp. 1, 70, 11, 273) d'après Mariette
RELIURE DE L' ÉPOQUE : maroquin rouge, dos à cinq nerfs richement orné, plats entièrement couverts d'un décor aux petits fers, entrelacs et pointillés dorés, pièce de titre de maroquin olive, doublures de maroquin vert bronze, ornées d'une dentelle dorée en encadrement, dentelle sur les coupes, tranches dorées sur marbrures, fermoirs Reliure légèrement frottée, rousseurs Traduction nouvelle par Mr l'Abbé de Choisy. Edition rare et recherchée, avec la figure du 2e livre (p.70), représentant une jeune femme dans la chapelle de Versailles, avec les mots : « Audi filia », figure qui a été supprimée dans la plupart des exemplaires Très bel exemplaire réglé, dans une riche et fine reliure doublée du temps, que l'on peut attribuer à Luc Antoine Boyet.
Les reliures «plein or» sont très rares d'après la notice du catalogue de l'exposition « Relieurs français du XVII siècle » Chefs d'oeuvre du Musée Condé», seule une quinzaine de reliure à décor plein or, serait connue. L'exmplaire présenté posséde le décor uniquement sur les plats, les doublures étant de maroquin vert à dentelle.

mardi 9 octobre 2012

Ivresse néoplatonicienne de Marsile Ficin (1501).

Que faire pendant une pause à durée indéterminée du Bibliomane Moderne ? Errer dans les couloirs de la BNF ? Aller au Salon de l’Auto ? Repeindre sa cuisine ? Il faut un remède au spleen…

Et pourquoi ne pas simplement tuer le temps, avant qu’il ne nous tue, dans la bibliothèque à relire les néoplatoniciens ?

Tiens, à propos de spleen, je vous conseille la lecture du De Triplici Vita, plus communément appelé les Trois Livres de la Vie, de Marsile Ficin. Un petit ouvrage in-quarto, en lettres rondes, dans une agaçante édition Canada Dry de 1501: Ce livre a le style d’un incunable, le papier d’un incunable, les caractères d’un incunable, mais n’est pas un incunable (à deux mois près ! Grrr …) (1). Il est sorti des presses du bolognais Benedicto Hectoris (Alias Benoit Faelli) imprimeur actif entre 1487 et 1523, connu notamment pour avoir édité les œuvres de Beroalde l’Ancien.


Fig 1 La page de titre du De Triplici Vita donne le programme et le plan de l’œuvre.


Nous sommes à Florence au temps de Laurent le Magnifique. Marsile Ficin (1433-1499), fasciné par Platon depuis l’époque de ses études à Bologne, sut faire partager son enthousiasme pour le grand philosophe de l'Antiquité à son protecteur Côme de Médicis. Les circonstances étaient favorables à une restauration des lettres à Florence. A la suite du concile de 1439, convoqué à Florence par le pape Eugène IV pour rapprocher les Églises d'Orient et d'Occident, plusieurs savants grecs venus pour cette occasion se fixèrent en Toscane. Ils firent connaitre les auteurs grecs de l’Antiquité : Platon, Plotin, Aristote. La mode était lancée. En 1459, Jean Argyropoulos donnait des conférences sur la langue et la littérature grecques et Marsile Ficin devint son élève. Ce dernier se lança dans la traduction en latin des dialogues de Platon avec le concours d’un aéropage de savants. Telle fut l'origine de la célèbre Académie platonicienne fondée sous l'inspiration de Georges Gémiste Pléthon, que Cosme installa dans sa villa à Careggi près de Florence. Elle fut nommée Académie en référence à celle fondée par Platon en 387 av.J.C . Marcile Ficin en prit la tête. L’Académie de Careggi aura une influence immense sur l’art et l’humanisme de la Renaissance. (2)

En fait, Marsile Ficin n’était pas prof de grec et latin, contrairement à ce qu’on pourrait croire, mais médecin et philosophe (Il est très souhaitable d’être philosophe lorsqu’on veut pratiquer la médecine à l’époque); il dit le destin des hommes et soigne leur âme. En quelque sorte, c’était un psy. C’est à ce titre qu’il a écrit plusieurs ouvrages difficiles à classer entre philosophie platonicienne et médecine astrologique dont le De Triplici Vita est une bonne illustration.


Fig 2 Reliure postérieure, en vélin de réemploi.



Fig 3 Le premier Chapitre.


L’ouvrage est rédigé dans les années 1480. Il a d’abord circulé sous forme manuscrite avant d’être publié à Florence en 1489 pour la première fois par Antonio di Bartolommeo Miscomini. Gros succès de librairie, on ne compte pas moins de six éditions incunables dans les dix ans qui ont suivi dont celle de Venise (Bartholomaeus Pelusius, Gabriel Bracius de Brisighella, Johannes Bissolus et Benedictus Mangius, 1498) sur laquelle mon exemplaire est fidèlement copié. Il sera ensuite constamment réédité jusqu’au 17ème siècle. "La vogue du traité écrit par le philosophe florentin Marsilius Ficinus sur les règles de conduite appropriées à divers états fut considérable dès la fin du XVe siècle et ne fit que croître au cours du XVIe siècle" (Simon).

L’œuvre est composée de trois livres : De la vie saine, suivi De la vie longue (logique, non ?) et clôturé par la Vie au Ciel. C’est sans doute, le premier livre de l’histoire à se préoccuper de la santé de l’âme. Une traduction française de 1581, éditée par Abel Langelier, en vente en ce moment chez un libraire parisien porte au titre : « les trois livres de la vie. Le I pour conserver la santé des studieux. Le II pour prolonger la vie. Le III pour acquérir la vie du ciel. »


Fig 4 Un ancien lecteur a laissé sa marque : « Adrianus Brant, Nieg ? est possessor »


Comme Ficin l’annonce dans l’introduction, le De Vita s’adresse aux hommes qui se vouent à des activités intellectuelles, écrivains, philosophes, théologiens; c’est eux qu’il cherche à soigner car leur cerveau s’assèche et se raidit à la lecture des livres arides des scholastiques, ils deviennent mélancoliques et trainent leur spleen dans les palais florentins. Les poètes et les philosophes, prédestinés à leur naissance par Saturne, sont particulièrement exposés à cette maladie. Ficin rappelle à ses lecteurs qu’il est lui-même né sous l’influence de Saturne qui lui a imprimé le sceau de la mélancolie, mais il a la solution : il leur conseille l'hygiène, la diète, l'usage des parfums, l'emploi de talismans pour lutter contre les effets maléfiques, et surtout l’écoute de la musique et la consommation de vins. Il trouve aux vins beaucoup de vertus dont celle de stimuler l’activité cérébrale. Un bon Chasse-spleen 2005 (à déboucher une heure avant la dégustation) est la potion magique. Comme le dit souvent Ficin en paraphrasant son maitre Platon : « le vin, y a que çà d’vrai » (in vino veritas, traduction libre)

Le De Vita approfondit des thèmes esquissés dans un livre précédent sur la théologie platonicienne, consacré aux preuves que l’âme agit sans le corps. Indépendance toute relative puisqu’il affirme en suite que notre âme possède de fait un corps plus lourd que d’autres âmes, c’est pourquoi elle est tourmentée quelque fois et empêchée plus que d’autres de se livrer à la contemplation. Allez y comprendre quelque chose !….


Fig 5 Le colophon de Benedetto Faelli.


Des passages magnifiques sur l’immortalité de l’âme et sa nature divine côtoient des considérations plus terre à terre et il ne craint pas de nous livrer des remèdes de bonne-femme à faire dresser les cheveux sur la tête comme seul le Moyen-âge a pu en produire. Notre philosophe connait ses classiques, Galien et Hippocrate, et la théorie de l’équilibre entre les quatre humeurs (le chaud et le froid, l’humide et le sec) mais il avait assimilé les symboles et l’hermétique tirés de sa connaissance de Platon, et aussi l’Astrologie. Forcément, la guérison des lunatiques ne serait pas possible sans une connaissance sérieuse des planètes…

Marsile Ficin n’est pas l’auteur oublié que vous pourriez imaginez, réservé à quelques bibliophiles pithiatiques. Il existe aujourd’hui une société très active, créée en 1998 rue d’Ulm, dont l’objet est de développer les recherches sur Marsile Ficin, son œuvre et la postérité de celle-ci, et plus largement sur le néoplatonisme renaissant et moderne. (3)

Bonne Journée
Textor


(1) Coll.: In-4 de 118 ff. (le dern. blanc).

(2) Voir la thèse d’André Chastel : Art et Humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique.

lundi 8 octobre 2012

Eau-forte non identifiée (1876) ... (Félicien Rops identifié - Frontispice pour les Comédies d'Alfred de Musset).


Voici une eau-forte que je viens de trouver, reliée dans un volume, et qui, à priori, n'a pas grand chose à faire là. Je ne sais pas pourquoi elle a été reliée en tête. Elle porte en bas la date de 1876. Aucune signature, aucune marque. Tirage sur beau papier de type Whatman, assez épais.

A première vue, deux noms me viennent à l'esprit : Jules-Adolphe Chauvet et Félicien Rops. J'opterais malgré tout pour le premier.

Quelqu'un a-t-il déjà vu cette estampe ? Je serais curieux de savoir à quel livre elle se rapporte. Le sujet est complexe et curieux. J'avoue que je ne sais pas trop quoi y voir. Et vous ?

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne


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Les explications en images par Xavier.





samedi 6 octobre 2012

Des reliures en peau humaine.


Pour prolonger les articles d'Hugues (http://bibliophilie.blogspot.fr/2007/06/les-reliures-en-peau-brrr-humaine.html) et de Xavier (http://bibliophilie.blogspot.fr/2008/01/lidentification-des-cuirs-utiliss-en.html) voici quelques photos en gros plan d'une reliure en peau humaine.

On sait que la peau humaine ressemble à la peau de cochon. Seul un examen attentif du grain de la peau permet de les différencier. Le pore du porc est triangulaire, tandis que celui de l'humain forme un quadrilatère. Pour le porc, je vous ressort une photo caractéristique de mon article (http://le-bibliomane.blogspot.fr/2011/03/reliure-en-peau-humaine-ou-en-peau-de.html)


Reliure en peau de porc.

La forme triangulaire y est très reconnaissable. Pour la reliure en peau humaine, j'ai profité d'une exposition pour la vente d'un tel ouvrage pour prendre des gros plan avec mon reflex et zoom macro. Hélas, j'avais oublié ma batterie. Du coup ce sera des photos prises avec mon smartphone.


Reliure en peau humaine selon le descriptif de l'expert. (3 vues).





Je trouve que le grain y est moins caractéristique et s'il n'y avait eu une note dans l'ouvrage précisant que la reliure était en peau humaine (comme très souvent pour ces ouvrage reliés comme ici au XIXe siècle), je n'y aurai pas prêté plus d'attention que cela. Certainement une question de pilosité. Peut-être juste un peu bizarre cette reliure.

NDLR (j'ai cru utilise d'ajouter pour illustration la peau du dessus de la main gauche du Bibliomane himself.. je vous laisse juger de l’implantation des poils ;-)


Peau humaine (Bibliomane himself... bien vivant ! pas encore prêt à être relié pleine peau...)


Bonne journée,
Eric

mardi 2 octobre 2012

Le Bibliomane Moderne se met en pause à durée indéterminée ...


Dénué de tout renfort extérieur et n'ayant que deux bras, deux jambes et un cerveau déjà bien occupé, le Bibliomane moderne se met en pause à durée indéterminée (PDI) ...

Bertrand
Bibliomane moderne

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