lundi 24 août 2009

Charles Dejob, Marc-Antoine Muret et le glouton bibliophile. Candidat à l'Académie des ODI.




Je souhaiterais présenter aujourd’hui la candidature de Charles Dejob à l’Académie des ODI.

Né en 1847, il passe sur les bancs de l’Ecole Normale Supérieure avant de devenir Professeur de rhétorique à Laval en 1871. Il enseignera successivement dans les lycées de Bordeaux, Angoulême et Stanislas à Paris, avant de terminer sa carrière à la Faculté des Lettres de Paris en qualité de Professeur de langue et littérature de l’Europe méridionale. Il est également le créateur de l’agrégation d’italien en 1900. Il s’éteindra en 1916.

l obtint le grade de Docteur en 1881 et c’est sa thèse de doctorat que je souhaiterais vous présenter. Elle s’intitule : Marc-Antoine Muret, un professeur français en Italie dans la seconde moitié du XVIeme siècle. Celle-ci a été publiée chez Ernest Thorin en 1881. C’est un in-quarto de 496 pages plus une feuille d’errata. L’exemplaire dont je dispose a été dédicacé par l’auteur à « Monsieur le Professeur Jules Girard, hommage respectueux et reconnaissant d’un ancien élève ».

Jules Girard, Professeur de grec ancien à Normale Supérieure, fut d’ailleurs président de la fondation Thiers de 1896 à 1902 et nous retrouvons le tampon de cette fondation en page de titre.
Photo Dans ce passionnant ouvrage, peu commun dans son édition de 1881 il me semble, Charles Dejob aborde en profondeur le personnage haut en couleurs que fut Marc-Antoine Muret : sa vie tumultueuse, ses liens avec le « savant imprimeur » Paul Manuce, Cujas, les poètes de la Pléiade et sa vision de l’enseignement universitaire, considérée comme un modèle à suivre en Italie. C’est une véritable mine de renseignements sur le monde de la littérature et de l’enseignement dans la deuxième moitié du XVIeme siècle.


La thèse de Dejob présente également une critique de l’œuvre de Muret : Muret n’avait ni l’expérience ni la gravité nécessaire au poète satyrique. (…) Ses épigrammes satyriques roulent trop souvent sur des thèmes traditionnels (…) ; pourtant elles sont parfois assez divertissantes, par exemple la jolie fantaisie sur le nez bourgeonné d’un ivrogne. Mais la meilleure inspiration de Muret, ce fut alors le plaisir. Ses élégies, d’un ton assez réservé, ne sont qu’élégantes, mais ses épigrammes érotiques ont un accent personnel.

Dejob a notamment eu accès au manuscrit de la biographie inédite écrite par Colletet, a lu l’intégrale de la correspondance de Muret et a fouillé de nombreuses archives en France et en Italie (bibliothèques du Vatican, Barberini, archives de Frari, de l’Université de Padoue, etc.).

C’est à ma connaissance la seule biographie publiée de Marc-Antoine Muret (en février 2009, Gérard Oberlé a publié Les mémoires de Marc-Antoine Muret mais je ne l’ai pas lu). Je vous invite à lire cette thèse en ligne (http://www.archive.org/stream/marcantoinemure00dejogoog#page/n13/mode/1up), ou bien dans la réédition Slatkine de 1970 (Aïe ! Aïe ! Aïe ! Cela disqualifie-t-il Charles Dejob pour l’Académie des ODI ?).

Si Dejob critique Muret pour ses graves imperfections (en référence à ses mœurs), il a néanmoins le mérite de faire prévaloir l’universalité de son érudition, son talent de parole et sa légèreté d’esprit encouragée par une intelligence rapide.


En guise de conclusion, je vous laisse apprécier ces quelques lignes, dans lesquelles se reconnaîtront sans doute la plupart des lecteurs du blog :

"Peut-être aussi le goût de la bonne chère, inné chez Muret, développé sans doute à la table du Cardinal de Ferrare, ne contribua-t-il pas à fortifier sa santé. Non pas que Muret fut glouton, mais il semble ne pas avoir dédaigné les bons morceaux : après les cadeaux destinés à sa bibliothèque, ceux qu’il appréciait davantage étaient à l’adresse de son garde-manger.
"

Bonne journée,
Denis.

Bibliographie non-exhaustive de Dejob :

- De l’influence du concile de Trente sur la littérature et les Beaux-Arts chez les peuples catholiques (1884)
- Mme de Staël et l’Italie (1890)
- Instruction publique en France et en Italie (1894)
- La foi religieuse en Italie au XIVème siècle (1907)

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