Malgré ce titre évocateur, il ne s’agit pas d’un curiosa mais d’un petit traité de cuisine, rédigé en 1654 par Nicolas Bonnefons, valet de chambre de Louis XIV. L’ouvrage fournit des détails pittoresques sur les usages culinaires du XVIIème siècle, il est divisé en trois parties :
- Le Pain, le Vin et les boissons en général.
- Les Racines (Légumes), les Fruits, les Œufs et le Lait.
- Les Volailles, les Viandes et le Poisson
L'auteur étonne par ses idées modernes ; Il fustige ceux qui masquent le « vray goust » des aliments sous des apprêts et des sauces compliqués, qu’il qualifie de « gargotage des cuisiniers qui déguisent et garnissent leurs plats en confusion ». il souhaite limiter l’usage des épices et recommande le naturel et la simplicité, comme de faire cuire les légumes avec la peau et de les éplucher une fois cuits pour conserver tout le goût.
Le plus amusant est de lire quelques recettes, mais la direction du Bibliomane Moderne décline toute responsabilité en cas de mise en œuvre malheureuse…
Biscuit du Roy
Faut prendre une livre de sucre, trois quartrons de la plus fine fleur de froment, et huit œufs ; battre le tout dans un bassin d’étain avec une gâche de bois, tant et si long temps que cette paste blanchisse en écume , et y adjoûtez du fenouil un peu concassé, battant encore long-temps après ; puis vous le dresserez dans des tourtières de fer blanc , ou de papier de telle figure que vous voudrez, lesquelles il faudra beurrer de crainte que la paste ne s’y attache ; après quoy vous les poudrerez de sucre battu pour faire la glace, il faudra que le four ait un peu plus de chapelle que d’âtre ( thermostat 7!) et en ferez auparavant un essay crainte de vous tromper.
Des melons
On les coupe par tranche et on les trempe dans la paste à beignet bien claire (faite avec farine de froment, œufs, fromage mol, et autres ingrédiens que je diray ci-après en son lieu) puis les frit avec le beurre frais ou le saindoux et les tirant de la poêle on les poudre de sel ou de sucre selon le goust de ceux devant qui on les sert. Le jus d’orange, de citron, de verjus, ou au moins de vinaigre est la vray sauce de toutes sortes de friture.
De la Rhé ou Rabe. (Classée dans le chapitre des racines)
C’est une viande si grossière que j’ay regret d’y employer le temps & le papier ; néanmoins afin que je m’acquitte de ma promesse, et que je n’obmette rien de ce qui a pu venir à ma connaissance , je diray que les villageois limozins en font le meilleurs plats de leurs banquets : quand ils la font bouillir dans le pot ils l’appellent Cartella, quand ils ne la font cuire qu’avec l’eau et le sel c’est do rondeo, s’ils la rôtissent sous la braise ils la nomment lon bellè, et lorsqu’ils la fricassent dans la poêle avec le beurre ou l’huile c’est la rabe fricassée qu’ils servent en haut bout par excellence comme le plus précieux met de tout leur festin.
Des canars
Les barboteux ou canars de paillis sont les meilleurs à bouillir, à cause qu’ils sentent moins le marais que les oyseaux de rivière ou Hallebrant. On en fait de toutes sortes de potage, mais particulièrement aux navets qui est leur vray goust, & quand ils sont cuits on prend de leur bouillon, que l’on met à part dans un petit pot avec de la chapelure de pain qui ne soit point bruslée, & quand elle est bien trempée on la passe par l’estamine avec du gras de bouillon. Quand vous voudrez servir, vous tirerez le canar, le couperez sur le pain, et verserez ces chapeleures dans le pot , y mettant un peu de verjus, puis quand il aura bouilli un bouillon seulement , vous le verserez sur le canar.
Des menues herbes de toutes sortes pour les sallades
L’estragon, la perce-pierre, le cresson, la trippe-madame, la corne de cerf, l’herbe à l’evesque ou doucette, la pimpinelle, et mille autres, tant fleurs qu’herbes servent à composer les petites salades à l’huile ou au sucre qui tant plus agréables elles sont que plus de diversitez il y a : la pimpinelle sert aussi dans le verre pour tremper le vin, & luy donner son goust et odeur.
Bon Appétit !
Textor