dimanche 25 octobre 2009

Ulrich Zell et les débuts de l’imprimerie à Cologne.


Si vous m’autorisez une blague facile, je dirais que l’histoire des débuts de l’imprimerie a déjà fait couler beaucoup d’encre et il est naturel que le Bibliomane Moderne y contribue !

Faute d’avoir sur mes rayons un Gutenberg sur vélin, je vous présente aujourd’hui la production de l’un de ses disciples directs : Ulrich Zell, proto-imprimeur de Cologne, à propos d’un petit in quarto, le Summa confessionum d’Antoninus Florentinus.(1)

Saint Antonin de Florence (Antonino Pierozzi de Forciglioni) était un dominicain, archevêque de Florence qui écrivit plusieurs ouvrages à caractère religieux qui furent des best-sellers au XVème siècle. Il est mort en 1459, soit 10 ans avant la date probable de cet exemplaire. Il s’agit d’un confessionnal, c'est-à-dire d’un livre qui s’adressait tant aux confesseurs qu'aux pénitents et qui énumérait les cas d'excommunication, les péchés, les vertus, etc…L'auteur y traite notamment des questions spécifiques à poser aux différents membres de la société de l'époque: chevaliers, juges, avocats, écoliers, médecins, pharmaciens, bouchers, etc.. La dernière partie indique comment déterminer la pénitence, les formules d'absolution.

Fig 1 Le folio 1 débute, sans titre, par une table de rubriques


Fig 2 le prologue de l’ouvrage


Fig 3 La table


L’invention de l’imprimerie est revendiquée par les Hollandais sur la base de preuves assez convaincantes qui permettent de conclure que des livres imprimés sur vélin et sur papier étaient vendus dans les Flandres en 1445-46, c'est-à-dire à une date où les ateliers de Mayence n'avaient encore rien produit. Cette thèse est étayée par Ulrich Zell lui-même dans la Chronique de Cologne qu’il publia en 1499.

L'auteur anonyme de cette chronique dit expressément, en se réclamant de l'autorité d'Ulric Zell, que Gutenberg fut précédé par des premiers essais d'imprimerie tentés en Hollande :

« Quoique l'art, tel qu'on le pratique actuellement, ait été trouvé à Mayence, cependant la première idée vient de la Hollande et des Donats qu'on imprimait dans ce pays auparavant. De ces Donats date donc le commencement de cet art. »

Ulrich est considéré comme un témoin fiable des premiers pas de l’imprimerie, car il est très probable qu’il dut travailler avec Fust et Schoeffer.

On sait que Gutenberg, génial touche à tout acariâtre, a perfectionné la technique de l’impression avec des caractères mobiles, en association avec le financier Fust. Le monde n’était pas prêt à recevoir la nouveauté, la Bible à 42 lignes se vendit mal et les associés se firent de longs procès. Sur quoi, Fust, devenu possesseur du matériel de Gutenberg, l'avait fait porter dans sa maison de la rue des Cordonniers. Il s'adjoignit bientôt Pierre Schoeffer pour diriger les travaux. Schoeffer continua de perfectionner le nouvel art et de développer des astuces telles que l'interligne, l’impression en couleur des rubriques et des capitales, l’emploi des notes marginales, etc. Quelques apprentis furent mis dans la confidence – le procédé était encore secret - dont très probablement le jeune Ulrich Zell de Hanau.

1459. impression du Rationale divinorum officiorum de G. Durand

1460. impression des Constitutiones de Clément V

Je cite ces 2 impressions car elles donnèrent leur nom à des types caractéristiques de Schoeffer, les durandus et les cléments que l’on retrouve copiés par Ulrich Zell dans ses propres éditions. C’est cette similitude entre le style des caractères de Schoeffer et de Zell qui fait dire que le second travailla dans l’atelier de Fust et Schoeffer et en adopta les astuces typographiques.

Jusqu’alors confiné à Mayence, un évènement allait précipiter la diffusion du procédé : le sac de la ville, dans la nuit du 28 octobre 1462, par les troupes de l’archevêque Adolphe de Nassau, ce qui obligea les imprimeurs à quitter la ville et à essaimer dans les centres intellectuels médiévaux qui avaient un grand besoin de livres.

C’est donc en 1463 que Ulrich Zell parvient à Cologne (Köln, Colonia Agrippina, patrie d’Agrippine) petite bourgade paisible et prospère sur les bords du Rhin, où il installa sa première presse. Cologne est la cinquième ville à connaître l’imprimerie après Mayence, Bamberg, Subiaco et Strasbourg. (2)

Il eut l'avantage de travailler pour le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qui le chargea d'imprimer le Recueil des histoires de Troye, composé par son chapelain Raoul Lefebvre. Ce recueil, paru en 1466 ou au commencement de 1467, est le premier livre imprimé en français. A partir de 1470, Ulrich Zell a déjà des concurrents à Cologne, tel Arnold Ther Hoernen.

Fig 4


Fig 5


Ce qui est bien avec Ulrich Zell, c’est qu’il occupe encore les bibliophiles de tous poils 500 ans plus tard car il avait l’habitude de ne pas dater ses éditions et la détermination de la chronologie des parutions est un vrai casse-tête ! Ses plus anciennes impressions paraissent remonter à 1463 ou 1464. Son premier livre daté parut en 1466, c’est le Super psalmo quinquagesimo liber primus de Jean Chrysostome

Voyez plutôt : Il y a au moins 3 ou 4 éditions du Summa Confessional qui selon les bibliographes sont datables des années 1469-1470.

Je vous laisse chercher les différences en prenant 3 exemples d’une même page introduisant le sermon de Jean Chrysostome De Penitencia qui suit le Confessionnal. Remarquez les « d » tantôt gothiques tantôt déjà romains.


Fig 6 Exemplaire Goff 786 - Not after 29 aug 1468


Fig 7 Exemplaire Textor ; Goff 787– About 1470 selon Goff mais Not after 1469 selon BM.


Fig 8 Exemplaire Goff 788 – About 1470


Selon certaines sources (British Museum ?), notre exemplaire serait l’édition princeps de ce texte, (Comme dirait Bertrand, il n’y a pas de mal à trouver des éditions princeps dans les années 1460 !!...) mais cela semble démenti par Goff qui la date de 1470… Que disent les experts du Bibliomane moderne ?

Quoiqu’il en soit, il est certain que les premiers imprimeurs ont atteint un degré de perfection étonnant dès leurs premières productions. Admirez la netteté des types (sans parler de la beauté du papier…) On ne s’en lasse pas ! Le seul inconvénient est le nombre des contractions qui rend le latin difficile à lire. (Pour moi en tous cas).

Fig 9


Fig 10


Fig 11


Pour les amateurs de filigranes, je vous livre celui-ci, plusieurs fois répétés sur les différents cahiers. A vos Briquet !!

Fig 12 Filigrane


Bonne journée !
Textor


1) Coll [133] f.sur 143 – ouvrage non folioté et sans signature, 27 lignes par page. BMC, I, 182 (IA.2766) – Polain, 238 – Pellechet, I, 819 – Goff, A-787 – B.M., I, 183 – G.W., 2082

(2) Histoire chronologique de l’imprimerie
http://www.letterpress.ch/SPIP/article.php3?id_article=26

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