mardi 13 octobre 2009

Fiche de libraire : Le Marot de Sébastien Gryphe et Estienne Dolet, Lyon, 1538.




Pour continuer notre exploration de l'univers de Sébastien Gryphe, imprimeur-libraire lyonnais de la première moitié du XVIe siècle, voici une belle fiche de libraire issue d'un des catalogues les plus beaux et d'une des maisons de librairie les plus prestigieuses du XXe siècle, je veux dire la librairie Maggs Bros., 34 & 35, Conduit Street, London, W. (catalogue spécial intitulé : FRENCH BOOKS FROM 1470 TO 1700 A.D., 1926 - magnifique catalogue richement illustré en noir et blanc et de 796 numéros tous plus magnifiques et rares les uns que les autres).


C'est donc sur cette impression lyonnaise des Œuvres de Clément Marot que mon attention s'est portée hier, et plus particulièrement sur une impression rare de 1538. Voici ce que nous livre la fiche très détaillée du libraire londonien.

4 parties en 1 volume in-8. Reliure de maroquin bleu doublé signée Trautz-Bauzonnet.

Très rare édition publiée par Marot lui-même avec de nombreux changements et additions. Presque entièrement imprimé en lettres gothiques, l'édition a été partagée entre Sébastien Gryphe et Etienne Dolet.

Très bel exemplaire à grandes marges dans une charmante reliure de Trautz-Bauzonnet. Provient des bibliothèques du comte de Chaponay, du baron de La Roche Lacarelle et Hector de Backer.

Le reste de la fiche est un jugement littéraire sur Clément Marot et son œuvre.

Cette édition, avec le nom de Gryphius sur le titre, serait sortie légèrement plus tard et avec quelques changements par rapport à l'édition portant sur le titre "Au logis de M. Dolet". Cette première émission étant sortie des presses de Sébastien Gryphe le dernier jour de juillet 1538 d'après les bibliographes consultés.

Doit-on les considérer d'ailleurs comme deux éditions ou bien deux émissions différentes ? ou simplement deux états d'une seule et même édition ? Elles sont toutes deux apparemment très rares (les frères Maggs en demandait la modique somme de £195 en 1926 - à mettre en comparaison des £60 demandées pour l'édition de 1550 des Quatre premiers livres des Odes de Pierre de Ronsard Vandomois (Paris, Guillaume Cavellat), dans sa première reliure en veau (n°600 du même catalogue).

Cette édition est aussi célèbre pour l'épître de Marot qui ouvre le volume. C'est une lettre à Dolet dans laquelle Marot crie contre les libraires et imprimeurs cupides qui gonflent ses œuvres des vers d'autrui pour exploiter jusqu'au bout ce que promet sa réputation. C'est une des premières revendications des droits de propriété intellectuelle. Mais dans cette époque troublée où le bûcher n'est jamais vraiment loin, c'est aussi, de la part de Marot, l'expression de la crainte de devoir se justifier sur des œuvres qui ne sont pas de lui. Les risquent qu'encours un auteur l'engage à la prudence. Dolet en fera la triste expérience.

Je n'ai pas trouvé d'exemplaires de cette rare édition actuellement à la vente sur le marché du livre rare (source internet), cependant voici quelques exemplaires croisés à travers des derniers siècles : exemplaire Didot, 28 francs ; exemplaire Bruyères-Chalabre, 89 francs ; Exemplaire Pixérecourt, 75 francs ; exemplaire Solar adjugé au prix astronomique et décalé de 1.520 francs (la reliure ou la provenance devait être d'exception) ; exemplaire Techener, 300 francs. Tous ces résultats concernent des ventes du XIXe siècle et des exemplaires à l'adresse de Dolet). Les exemplaires à l'adresse de Gryphius se trouvaient au XIXe siècle, d'un prix comparable (110 francs Coulon ; 72 francs Bignon ; 218 francs Veinant ; 350 francs Solar ; 140 francs Techener).

Pour le plaisir, vous pouvez retrouver la version texte de cette édition sur le site des Bibliothèques Virtuelles Humanistes de l'Université François Rabelais de la ville de Tours.

PS : il faudra expliquer aux autorités compétentes (qui nous lisent peut-être) qu'au XXIe siècle on est comme un assassin lorsqu'on appose de tels cachets rouges (C.E.S. RENAISSANCE) sur les pages de titres d'ouvrages aussi précieux... ce qui montre bien à quel point les universitaires sont dans leur immense majorité très éloignés des considérations bibliophiliques qui nous occupent ici. La chose est dite !

Bonne journée,
Bertrand

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