Chacun à sa devise fétiche, sa sentence favorite ou son bon mot à placer dans une soirée mondaine, ou pas...
Les imprimeurs des premiers temps de l'imprimerie avaient cette volonté de bien faire, cette rigueur du beau, qui force l'admiration et le respect, près de cinq siècles après. On ne peut le plus souvent qu'être ébahi devant tant de beauté, de savoir-faire, d'exigence de soi, face à la feuille blanche et à la presse à bras, rudimentaire, que devaient manier les ouvriers du livre au XVe et au commencement du XVIe siècle.
Un jour un ancien de l'imprimerie m'a dit qu'être imprimeur, c'était "faire du propre avec du sâle". Cela parait bien vrai déjà dans les premiers temps. On imagine les mains parfois barbouillées d'encre noire et grasse, les apprentis devant manipuler des feuilles et des formes remplies de caractères. Des essuyages incessants, des mains qu'on frotte sur son tablier, des gouttes de sueur qu'il faut à tout prix éviter de voir tomber sur la feuille fraichement et superbement imprimée. Mais ils réussissaient. Les papiers étaient beau, ils le sont restés. La plupart des éditions incunables qu'on voit aujourd'hui et qui ont été conservées dans de bonnes conditions, sont tout simplement extraordinaires de fraîcheur. Le papier est blanc ! Epais ! Solide ! Comme neuf ! Les caractères, bien encrés, sont nets. La justification des pages, bien que souvent rigide et froide (du deux colonnes à 40 ou 50 lignes environ pour les in-folio), est impeccable. On reste sans voix devant tant de beauté.
Alors, lorsque à la fin d'un livre (au colophon), vous lisez les derniers mots, qu'un imprimeur à placé là, pour vous quitter, dans le respect et la révérence, vous ne pouvez que vous incliner, et aller vous coucher, serein, en pensant tout simplement, qu'hier nos ayeux imprimeurs pouvaient être fier d'avoir accompli ce travail prodigieux que vous avez maintenant sous les yeux.
Et cette phrase je vous la donne, dans toute sa simplicité, dans toute sa grandeur, avec toute l'humilité et la force qu'elle renferme, et qu'elle nous transmet, avec pour anti-echo les quelques ridicules sentences que nos contemporains en mal de reconnaissance cherchent à nous inculquer.
La voici.
Devise de l'imprimeur Gillet Hardouyn de Paris,
se trouve tout à la fin d'un livre d'heures imprimé vers 1510.
se trouve tout à la fin d'un livre d'heures imprimé vers 1510.
Bonne nuit,
Bertrand