c'est en réalité une vue de près d'une attaque de vers sur un coin de reliure en veau du XVIIIe siècle...
"La bibliothèque des savants laborieux n'est jamais attaquée des vers. Je finirai ces préceptes de bibliatrique par l'indication d'un préservatif qui ne manque jamais son effet. Il consiste à circonscrire, tous les mois, plus ou moins, chaque tablette d'un ou deux coups de pinceau imbibé de l'essence vestimentale de Dupleix, qu'on ne saurait trop recommander à tous les propriétaires de collections, et que je ne crois pas moins digne de la faveur des dames qui ont à cœur de ravir aux larves des teignes et des dermestes leurs mérinos et leurs cachemires. Enfin, les amateurs, qui joignent quelques connaissances en histoire naturelle à la connaissance plus ou moins approfondie des livres, ne se trompent pas sur l'ennemi qu'ils ont à combattre. Les plus à craindre de tous s'annoncent par des trous cylindriques que la poussière qui s'entasse d'abord au-dessous rend très-faciles à remarquer. Cette espèce de danger, presque inévitable au temps des reliures de bois, a diminué avec les reliures en peau, et surtout avec les maroquins du Levant. Le cuir de Russie l'a rendue, je le répète, presque nulle. Il est à souhaiter qu'on introduise, dans la préparation des peaux les plus communes, ou l'ingrédient précieux qui lui donne ce privilège, ou tout autre qui aura la même efficacité. Les analogues ne manquent pas dans la nature, et celui-ci se présentera dès qu'on voudra le chercher, et peut-être sans qu'on le cherche. L'odeur vive du tan récent est d'elle-même préservatrice, et les magasins où il n'entre que des reliures neuves sont bien plus rarement attaqués que les autres. La reliure est un art dont tout le monde sent le prix. C'est un plaisir qui n'a rien de ridicule, quoi qu'on en dise, que de voir revêtus d'une parure magnifique et honorés d'une sorte de culte les ouvrages d'un auteur qu'on aime. Blâme-t-on Alexandre d'avoir renfermé les poèmes d'Homère dans la plus riche cassette de Darius ? Il ne faut cependant pas trop exagérer l'importance de cet accessoire, et celle qu'il a prise dans ces derniers temps passe un peu la mesure. Des livres fort médiocres ont monté à des prix énormes, à la vente de M. Maccarty, presque sans autre recommandation qu'une brillante dorure et des compartiments dessinés de la main de Boyet, de Duseuil ou de Padeloup. Le nom de Derome attaché au revers des gardes d'un livre, en double, en triple la valeur. Il en sera autant un jour des beaux ouvrages de M. Simier, de M. Bozérian, de M. Noël, de M. Courteval, qui a retrouvé le secret des jolies reliures en vélin de Hollande ; de M. Chaumont, dont les veaux-fauves rivalisent d'élégance, de lustre et de solidité avec les maroquins."
Extrait du Bulletin du Bibliophile, p. 68, 44e année, 1877.
Bonne nuit,
Bertrand