mardi 2 juin 2009

Les caractères de civilité ou l’art de contrefaire agréablement les lettres écrites.


Yves Perousseaux, dans son ouvrage sur l’histoire de la typographie, nous apprend que c’est en 1556 que Robert Granjon s’installa à Lyon et créa un curieux caractère qui imite l’écriture manuscrite du temps, en gothique cursive, utilisée couramment et enseignée dans les écoles.

« Granjon avait en tête la création d’un caractère typiquement français dans le but que les français aient un caractère bien à eux, comme les grecs et les hébreux avaient le leur. »

Le caractère cursif de Granjon d’abord appelé « lettres françaises d’art de main » fut utilisées pour la première fois par lui-même dans la composition du « Dialogue de la vie et de la Mort » (Lyon 1557) qu’il édita et imprima sur ses presses.

On utilisera également ces lettres françaises d’art de main pour l’impression des livres scolaires dans le but de servir de modèles pour les exercices d’écriture.

Parmi ces livres certains eurent une grande vogue ; ce fut le cas de la traduction d’un ouvrage d’Erasme : « la civilité puérile distribuée par petitz chapitres et sommaires » (Anvers, Jean Bellère, 1559) D’où le nom qui est resté d’appeler ces lettres, caractères de civilité.

A la suite de Robert Granjon, plusieurs imprimeurs, notamment à Lyon, lui achèteront ses caractères ou en forgeront de semblables, comme dans cet avant-propos des Chroniques de Savoye imprimé par Jean de Tournes, (Lyon 1602) (Voir fig. 1).

Fig. 1

Puis la mode passa à Anvers où Christophe Plantin, toujours à la recherche de nouveauté, les emploiera, ce qui donnera l’idée à d’autres imprimeurs flamands de fondre leurs propres caractères de civilité, dans un style plus proches de l’écriture manuscrite existant dans les Flandres, tels qu’Ameet Tavernier ou Pierre Simon Fournier.

Au XVIIème siècle, en France, l’idée sera reprise par Pierre Moreau qui éditera une trentaine d’ouvrages avec les caractères de sa composition entre 1643 et 1648. Maître-écrivain et ancien clerc aux Finances, il obtint un brevet d'Imprimeur ordinaire du Roi, mais il semble qu'il suscita quelques jalousies parmi la communauté des libraires et imprimeurs car un arrêt de 1648 lui fit défense d'exercer. L’Eneide de Virgile dans la traduction en vers de Pierre Perrin est l'une de ses dernières productions. (Voir fig. 2 et 3). En 1787, après être passés entre les mains de plusieurs imprimeurs, ces caractères furent achetés par l'Imprimerie Royale.

Fig. 2



Fig. 3
Et pour finir un exemple du XVIIIème siècle qui confine au Rococo avec « les fideles tableaux de l'art d'écrire par colonnes de démonstration » de Sébastien Royllet. (Voir fig. 4 et 5). Recueil donnant des échantillons de calligraphies à main levée, avec de riches ornements de traits de plume d'une grande élégance (Paris - .Fr. Chereau, 1767).

Fig. 4


Fig. 5


On voit qu’à travers les siècles, les tentatives ont été nombreuses de reproduire l’écriture manuscrite, mais n’était-ce pas déjà l’objectif de Gutenberg pour sa Bible à 42 lignes ou d’Alde Manuce avec ses italiques ?

Textor pour,
Bertrand pour la mise en ligne

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