lundi 15 mars 2010

Le bijou de société ou l'amusement des grâces. A Paphos, L'an des plaisirs, s. d. [Paris, circa 1784]




Le bijou de société ou l'amusement des grâces.
A Paphos, L'an des plaisirs, s. d. [Paris, circa 1784]

Cet ouvrage parut pour la première fois en 1749 [1751 ?], chez Pine à Londres sous le titre de La légende joyeuse, ou les cent une leçons de Lampsaque.



Une note au crayon de bois sur la première garde blanche de mon exemplaire, indique que ce recueil parut aussi sous le titre de Cabinet de Lampsaque, ou choix d'épigrammes érotiques des plus célèbres poètes français.

Il est important de souligner que le texte est gravé en petits caractères italiques sur un papier vergé épais. Il y a quelques figures libres, les cent une gravures ne sont pas signées, mais les bibliographes s'accordent à les attribuer a Claude-Louis Desrais (*) ou à Thomas Le Clerc [Leclere ?].

Le catalogue Les délassements nous renseigne un peu plus, en nous disant que Desrais est le plus vraisemblable, étant donné l'habileté du dessin et des costumes de l'époque. L'édition proposée à la vente sur ce même catalogue, signale une note manuscrite qui indique Brichet comme graveur.




Préface


Lecteur, deux mots seulement et passe outre.

Ce n’est point pour t’exagerer l’importance de ce Recueil : je veux bien déroger pour cette fois, et sans tirer à conséquence, à l’usage ou sont mes Confreres de surfaire leurs collections.


Ce petit Manuel Epigramatique, est fait avec assez de goût et de soin, pour être jusqu’icy l’unique en son genre. Mais des lectures multipliées t’en feront mieux sentir le prix que tout ce que j’ajouterais.

Tu remarqueras sans doute de reste, que Rousseau, Ferrand, Grecourt, et Piron en ont fait presque tous les frais, et qu’il y a d’assez bonnes pieces qui voyent le jour pour la premiere fois.

Il suffit de te faire observer que dans le choix de ces Epigrames, on s’est attaché à une versification uniforme qui est le genre de Marot, et qu’elles contiennent toutes un Conte, à l’exception d’une seule qu’on peut accuser d’être dogmatique, mais qui n’est pas la moins singulière.




Choix d'épigrammes.


Epigramme XLVIII

Dans un chemin un païs traverssant,
Pierrot tenoit sa Jeannette accolée,
Sur ce de loin avisant un passant,
Il fut d'avis de quitter la mêlée.
Pourquoy fais-tu, dit la Garce affolée,
Treve du cul ? Paix, dit-il laisse moy,
Je vois quelqu'un : c'est le chemin du Roy,
Ma foi, Pierrot, peu de cas te débauche,
Il n'est pas fait plutost, comme je croy,
Pour un piéton que pour un qui chevauche.



Epigramme XLIV

Avec Scandale un Peintre en son taudis
Entretenoit gentile Cherubine,
Vous, pour le sûr, et votre concubine,
Dit Frere Luc, de Dieu serez maudits,
Epousez vous ; les Anges ébaudis
Fête en feront sur le celeste ceintre,
Epousons donc, puis qu'il faut, dit le Peintre,
Etre Cocu pour gagner Paradis.



Epigramme XLIII

Un compagnon que les Turcs avoient pris
A son retour merveilles racontoit,
En recitant comment il fut surpris,
Et ses tourmens a deux dames contoit,
L'une des deux qui si piteux cas oit
luy demanda : que font les Turcs aux femmes ?
helas ! dit-il, ces malheureux infâmes
Leur font cela tant qu'ils les font mourir
Oh ! plût à Dieu ! dit l'une de ces dames,
Que pour la foy pussions ainsi souffrir !


Epigramme LXXXVII

Un Laboureur des confins de la Bresse
Paisiblement s'ébatoit d'une Anesse.
On en fit bruit. D'abord le Compagnon
En voye expres traiter en Avignon
De cette affaire. Au retour de son homme,
Et, bien , dit-il, à combien les pardons ?
Nous faudra til, Cousin, aller à Rome ?
Non, j'ay ton fait pour quatre ducatons,
Reprit l'agent, y compris le voyage
Et le L***[Légat] même, sans tracasser,
Pour environ trois écus davantage
T'auroit, parbleu, permis de l'épouser.



Epigramme C

Le Fait, le Droit qui sur le formulaire
depuis longtemps partagent les esprits,
Faisoient grand bruit, et l'on bruitoit l'affaire
Avec chaleur lorsque l'on fut surpris
De voir Ninon terminer la querelle
Et sur le champ trouver ce tour adroit :
Tant qu'il est droit, il n'est pas fait, dit-elle,
Quand il est fait, il cesse d'etre droit.

Deux ouvrages distrayants que l'on rangera côté d'une belle édition de Maîstre Rabelais, de Salvat de Montfort, ou des Plaisantes journées du sieur Favoral.

(*) in Les Délassements du boudoir : Claude-Louis Desrais (1746 – 1816), fut un grand peintre et dessinateur qui illustra beaucoup d'ouvrages importants du XVIIIe, plusieurs livres sur les costumes, qu'il savait représenter à merveille, ainsi que la grande édition des Fables de La Fontaine gravée par Fessard. A l'époque révolutionnaire, il composa de superbes lavis satiriques et des tableaux, l'un conservé au château de Versailles peignant la mort de Kléber.



Références : Cohen, 147, 197 et 615 ; Gay-Lem., I, 399-400 ; Pia, 128 ; Dutel, A-148 ; Lib. Vrain-Les délassement du boudoir (2003), n°5 ; Bulletin Morgand n°3565 ; Peignot-Répertoire des bibliographies spéciales p.201 ; Brunet III, 940 (sous le titre de la Légende joyeuse…)

Bonne lecture.
F.-L.

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...