mercredi 9 novembre 2011

Symphorien Champier, chroniqueur du chevalier Bayard.


Pierre Terrail, dit le chevalier Bayard,
« sans peur et sans reproche », a pris une place importante dans l’imaginaire collectif, au même titre que du Guesclin ou Jeanne d’Arc. Son histoire mêlée de faits légendaires a donné lieu à toute une suite d’œuvres littéraires et de chroniques, dont celle de Symphorien Champier que je vous présente aujourd’hui, dans une version abrégée, peu connue, publiée pour la première fois vers 1547, à la suite d’une contrefaçon bâloise des statuts de Bourgogne donnée par Etienne Dolet.


Fig 1 Ce modeste vélin tout fripé (De ceux que Bertrand m’abandonne volontiers dans les ventes aux enchères !) protège un abrégé de la vie du chevalier Bayard.


Fig 2 Le première page du De vita & moribus Petri Terralii par Champier (alias Symphoriani Campegii)


On connait l’histoire de ce chevalier et de ses faits d’armes aussi nombreux qu’invraisemblables : Seul contre 200 espagnols au pont de Garigliano, il arrête l’ennemi pendant que l’artillerie française se remet en ordre de bataille. Même pas peur !

À Guinegatte, en 1513, face aux Anglais, Bayard refuse de fuir avec le reste de l'armée. Fait prisonnier, il est libéré sans rançon par le roi Henri VIII, qui n’a rien à lui reprocher, et récompense ainsi son courage.

François 1er, jeune roi de 20 ans, à peine monté sur le trône, rêve d’égaler les exploits de son idole et veut immédiatement en découdre avec les soldats de l’Empire de Charles Quint. La légende raconte qu’au lendemain de la bataille de Marignan (1515), le roi demande à Bayard de l’adouber comme chevalier.

Fig 3 L’exemplaire conservait un extrait de catalogue de libraire.


Mais, la belle aventure s’arrête en avril 1524, alors que l'armée française conduite par Guillaume de Bonnivet se retrouve face à l'armée espagnole près de Milan. Privé des renforts suisses qu'il attendait, Bonnivet se voit contraint de faire retraite. Bayard, qui commandait l'arrière-garde, est atteint par un coup d'arquebuse. La colonne vertébrale brisée, il se fait étendre au pied d'un arbre, pour ne pas tourner le dos à l'ennemi (manquerait plus que ça !) et ordonne à ses compagnons de se retirer (hormis son maître d'hôtel Jacques Joffrey). A l'arrivée des capitaines espagnols, il reconnaît parmi eux le duc Charles de Bourbon, connétable de France en 1516 qui, après avoir été spolié de ses biens par la Reine-Mère Louise de Savoie, devint félon et passa au service de Charles Quint en 1523. Au Duc de Bourbon qui lui dit « J'ai grande pitié de vous, en vous voyant en cet état, après avoir été si vertueux chevalier », Bayard aurait répondu : « Monsieur, il n'y a point de pitié en moy, car je meurs en homme de bien, mais j'ai pitié de vous, de vous voir servir contre votre prince, et votre patrie et votre serment ». (Et toc, le connétable au tatami !). Pas rancuniers, ses ennemis le pleurent et lui font des funérailles dignes d’un roi.



Fig 4 Cet épisode est conté dans les Mémoires de Martin du Bellay, ici l’édition originale in-folio de 1569.


Symphorien Champier est le premier en date des biographes du chevalier Bayard. Son livre, écrit en français et intitulé Les gestes ensemble la vie du preux chevalier Bayard, a été publié en novembre 1525, soit un peu plus d’un an après la mort du chevalier.


L’auteur, né vers 1471, médecin et humaniste lyonnais, était un parent de Pierre Terrail. Il a publié des livres de médecine, d’histoire et des œuvres galantes (comme la Nef des femmes vertueuses, 1516). Ses sources sont directes, il dit avoir rencontré « plusieurs gentilshommes et autres qui ont suivi le capitaine Bayard. » mais certainement aussi l’oncle du chevalier, l’évêque de Grenoble, et Bayard lui-même, qu’il a pu soigner à Lyon en1507. Pour autant Champier cherche moins la vérité historique que l’édification du mythe d’un des derniers preux chevaliers.

En 1527, paraît La très joyeuse, plaisante et récréative histoire du gentil seigneur de Bayard, dont l'auteur, nommé le Loyal serviteur, serait Jacques de Mailles. Il est à peu près certain que cet auteur a eu en mains le livre de Champier, car l'un dérive de l'autre, mais il a brodé de nombreuses anecdotes, transformant le récit en chanson de geste. Peut-être à cause de cet aspect plus plaisant et récréatif, l‘œuvre du Loyal Serviteur sera beaucoup lue, commentée et rééditée alors que le livre de Champier tombera vite dans l’oubli.


Fig 5 Lettre de Symphorien Champier à Nicolas Chesneau datée de 1523.


Fig 6 Une page de la vie de Bayard.


Fig 7 Epitaphe sur Bayard par Hilaire Berthulphi.


Je ne saurais dire de quand date mon abrégé de la vie du Chevalier Bayard, accompagné d’une suite de petits textes de Champier ou d’autres auteurs. Ce qui est troublant, c’est la date figurant sur la lettre introduisant cette suite de textes que Champier adresse au célèbre éditeur parisien Nicolas Chesneau (alias Nicolaus à Querceto). Elle est datée de 1523, (voir haut de la page 243 - fig 2) soit deux ans avant la publication de la Vie du Preux Chevalier Bayard, et même un an avant sa mort ! Il se peut que Symphorien Champier ait eu l’idée d’écrire l’histoire de son cousin assez tôt et ces textes constitueraient en quelque sorte les premières ébauches. A moins qu’il ne s’agisse simplement d’une erreur d’impression …

Les bayardologues sont priés de commenter.

Bonne journée
Textor

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