Le boudoir de la reine au château de Fontainebleau, est un bel exemple du goût de Marie-Antoinette.
© Photo RMN - Gérard Blot
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Je ne m'étendrai pas plus longtemps sur la description que fait M. Lacour des habitudes de lecture de la reine Marie-Antoinette, ses goûts littéraires, les influences qu'elle aura subie de la part personnes influentes de son entourage. Il suffira au lecteur du Bibliomane moderne de se reporter au document original que vous pouvez télécharger ICI.
Je concluerai simplement par la description que fait M. Lacour du document manuscrit original qui lui servit de base à cette édition de 1862 par Jules Gay, édition qui valut aux deux protagonistes, Lacour et Gay, quelques démêlés avec la justice que nous résumerons plus loin.
Passons à la description du document telle qu'elle nous est donnée :
"L'examen du catalogue suggérera bien d'autres observations à la sagacité du penseur. Passons à la description de ce document. Il porte pour titre sur la première page :
LIVRES DU BOUDOIR
et forme un in-4 de 23 feuillets, dont trois blancs, l'un simple, les deux autres composés d'un feuillet double contre-collé. La liste est écrite sur le recto des feuillets, une seule lettre alphabétique par feuillet.La reliure est de maroquin rouge encadrée d'un trois-filets, quatre fleurs de lis aux angles de chaque plat ; huit fleurs de lis au dos, sans titre. Sur les plats, un écusson aux armes de Marie-Antoinette. D'autres armes royales, précédemment dorées et effacées, s'aperçoivent sous la dorure de l'écusson. La doublure est en tabis bleu.
Les ouvrages énumérés sont au nombre de 98, comprenant environ six cent volumes. Où étaient-ils conservés ? Nous hésitons entre le palais de Versailles et celui de Trianon, et peut-être furent-ils transportés de l'un dans l'autre. Nous avons retrouvé à la bibliothèque communale de Versailles un grand nombre de livres mentionnés dans ce catalogue et portant le sceau de leur origine. La plupart sont reliés en veau et dorés sur tranche. Au dos se voient deux lettres : C.T. (Château de Trianon), surmontées d'une couronne royale, et sur les plats les armes de la reine. Le catalogue nous indique que les volumes étaient classés dans deux armoires numérotées. L'ordre du catalogue est l'ordre alphabétique ; on remarque quelques fautes peu importantes dans l'orthographe et le classement.
La reine d'Angleterre a exposé cette année au Musée de Kensington, parmi les trésors d'une exhibition générale d'objets d'art, un meuble aux armes de Marie-Antoinette et qui pourrait bien avoir été l'une des deux armoires de la bibliothèque du boudoir. Nous le décrivons pour servir de commentaire au point d'intérrogation que nous venons de poser, - et aussi pour contenter les curieux avides d'informations sur ce qui peut toucher la fille de Marie-Thérèse. Ce meuble, en bois d'acajou, est à angle droits ; il a la forme d'une bibliothèque, dont le corps principal repose sur une console. Toutes les ornementations, en cuivre doré et finement ciselées, sont du célèbre Gouthières ; les battants des portes sont couverts d'ornements en cuivre doré du goût le plus délicat. Une lyre, entourée de deux branches de laurier et surmontée d'une couronne de fleurs, au dessus de laquelle rayonne la blonde figure d'Apollon, en forme le motif principal. Le centre est occupé par deux colombes qui agitent leurs ailes en chantant. Elles sont perchées sur des enroulements d'arabesques dont les spirales sont chargées de guirlandes de fleurs, sous lesquelles se balance un faisceau de flèches enlacées d'une couronne de feuillage. Sous la corniche court une frise revêtue de bronze ornementé. Les angles sont composés de deux statuettes de femmes, en forme de cariatides, au sein nu, dont les bras relevés soutiennent une corbeille. Sur le fronton est placé un groupe des plus gracieux. Deux amours soutiennent avec des guirlandes de fleurs la couronne royale placée sur le double écusson aux armes de France et d'Autriche, d'où s'échappent, à droite, un arc et un carquois, et à gauche, une corne d'abondance. De chaque côté sont deux soucoupes à fond bleu chargées de fleurs. Le corps principal du meuble est soutenu par une console dont le tiroir représente deux groupes d'amours se livrant à l'étude. Elle repose sur huit pieds en forme de carquois qui, groupés par quatre, laissent le centre inférieur du meuble libre pour former sur chacun des côtés une tablette, sur laquelle s'élèvent deux vases bleu, d'où jaillissent des flammes."
Voilà ce qu'on peut lire sur ce précieux catalogue de la reine.
A propos de l'édition donnée par MM. Lacour et J. Gay. On notera simplement qu'ils furent attaqués en justice au titre de la contrefaçon, pour avoir utilisé un document appartenant à l'état français sans autorisation. C'est assez amusant de voir l'état français revendiquer la propriété d'un document qu'il avait lui-même pillé aux lendemains de la Révolution française... il est vrai légalement (le décret du 21 septembre, en abolissant la royauté, a supprimé le domaine privé de la couronne, et les biens qui le composait sont intégralement revenus à l'Etat) Et quand l'Etat se fait voleur ce n'est pas un crime ! C'est loi ! Tout simplement.
Finalement, les prévenus furent acquittés par le tribunal de la Seine (1864). Tout est bien qui finit bien.
Vous pouvez si vous êtes curieux lire le passionnant résumé du procès et le jugement en faveur des accusés ICI.
Bonne lecture.
Bertrand