mardi 2 février 2010

Dion Cassius, historien, raconte Alesia. Première traduction française, 1542.


Vous avez tous entendu parler d’Alésia ? 52 avant Jésus Christ, les légions romaines envahissent le pays des Eduens. Toute la Gaule est occupée par les troupes de César; Toutes ? Non, un petit village résiste encore et toujours à l’envahisseur : Alise-Sainte-Reine.

C’est l’historien Dion qui nous raconte la bataille au livre 40 de son Histoire Romaine. Textor est allé enquêter sur le terrain, c'est-à-dire celui de sa bibliothèque, et revient avec le choc des images, et le poids des photos.

Fig 1 La mêlée.

Le combat avait été rude, Vercingétorix tente de couper le contact des romains avec les troupes germaines prêtes à appuyer César en échange d'une part du butin : la bataille a lieu près de Montbard et la cavalerie gauloise est décimée. Les centurions ralliant leurs cohortes, le chef gaulois met alors le reste de ses troupes en retraite vers l'oppidum d'Alésia avec 80000 soldats et envoie des cavaliers à la recherche de renforts dans toute la Gaule. César décide d'assiéger les gaulois en profitant de leur retraite improvisée.


Fig 2 Livre 39, Gaulois contre Césariens.

Notre héro national choisit alors de sacrifier les femmes et les enfants :

« Avant l'achèvement des travaux de siège, Vercingétorix ordonna d'abord à la cavalerie de s'éloigner, parce qu'il n'avait pas de quoi nourrir les chevaux, et afin que chacun, rentrant dans son pays, en emmenât des provisions et des secours pour Alésia. Des retards étant survenus et les vivres commençant à manquer, Vercingétorix fit sortir de la ville les enfants, les femmes et tous ceux qui étaient inutiles pour la défendre. Il espérait que cette multitude serait épargnée par les Romains, qui voudraient la faire prisonnière….. mais il fut trompé dans son attente. César n'avait pas assez de vivres pour en donner à des étrangers : il pensait d'ailleurs que toute cette foule, repoussée dans ses foyers (il ne doutait pas qu'elle n'y fût reçue), rendrait la disette plus terrible, et il lui ferma son camp. Placée entre la ville et les Romains, et ne trouvant de refuge d'aucun côté, elle périt misérablement. » (Dion, Liv. XL)


Fig 3 César dans la Bataille.



Fig 4. Le porte-enseigne, gaulois ? Romain ? Difficile à dire, ils sont tous habillés en costume italien du 16ème siècle !

C’est César lui-même qui, dans sa Guerre des Gaules, raconte que Vercingétorix est amené devant lui et jette ses armes en signe de soumission ; Dion, lui, présente une version un peu différente :

« Après la défaite, dit-il, Vercingétorix, qui n’avait été ni pris, ni blessé, pouvait fuir ; mais espérant que l’amitié qui l’avait uni autrefois à César lui ferait obtenir grâce, il se rendit auprès du Romain sans avoir fait demander la paix par un héraut, et parut soudainement en sa présence au moment où César siégeait dans son tribunal.

L’apparition du chef gaulois inspira quelque effroi, car il était d’une haute stature et il avait un aspect fort imposant sous les armes, Il se fit un profond silence. Vercingétorix tomba aux genoux de César, et le supplia en lui pressant les mains, sans proférer une parole.

Cette scène inspira la pitié des assistants, par le souvenir de l’ancienne fortune de Vercingétorix comparée à son malheur présent. César au contraire lui fit un crime des souvenirs sur lesquels il avait compté pour son salut ; il mit la lutte récente en opposition avec l’amitié que Vercingétorix rappelait, et par là, il fit ressortir plus vivement l’odieux de sa conduite. Ainsi, loin d’être touché de son infortune en ce moment ; il le jeta sur le champ dans les fers, et le fit mettre plus tard à mort ». (Dion Liv. XL)

Et voilà pourquoi Pierre est maintenant obligé d’apprendre le latin !


Fig 4 bis Vercingétorix vaincu se présente devant César.

Dion Cassius est surtout connu pour son Histoire Romaine, gigantesque ouvrage de 80 livres qui retracent les 973 ans de la vie de Rome, de sa fondation à Septime Sévère. Il lui fallut préalablement une dizaine d'années de documentation afin de rassembler toutes les informations nécessaires à l'écriture. Il commence probablement la rédaction vers 207 après avoir reçu les félicitations de l'empereur pour ses précédents ouvrages et surtout à la suite d'un songe dans lequel une divinité l'aurait encouragé à écrire une histoire des origines de Rome jusqu'à lui.

Sur le plan esthétique, l'Histoire de Dion Cassius se veut une imitation de celle de Thucydide, Cependant, Dion s'éloigne de son modèle par son goût du merveilleux et par la place qu'il ménage aux prodiges et aux présages. L'œuvre de Dion a néanmoins une importance considérable au point de vue historique, l'auteur montrant en effet un grand talent d'exposition.

L’histoire des différentes éditions de Dion est un peu compliquée et je ne suis pas sur d’avoir tout démêlé. Ecrite en grec, c’est Robert Etienne qui donne l’édition princeps en 1548 (en grec, donc, avec un titre latin. Caractères de Garamond). Mais l’œuvre avait déjà été publiée dans une première traduction en latin, de façon partielle par Georges Merula en 1490 (Scriptores Historiae Augustae latini). Je pense que c’est l’édition de Guilielmus Xylander (De son nom de naissance Wilhelm Holtzman, 1532-1576, un philologue allemand) qui constitue bien la vraie première traduction latine complète, dont voici un exemplaire complété de l’Epitome de Guillaume Le Blanc. (Chez Opporin à Bâle, 1558, in-folio. C’est aussi ma première acquisition d’un livre du 16ème siècle mais cela l’histoire ne le retiendra pas !!) (1)


Fig 5 Page de titre de la traduction de Xylander, 1558.

Avant cette traduction latine, en 1542, Claude Deroziers traduit la traduction italienne donnée par Nicolas Leonicene, en 1526 à partir du grec : Dion historien grec des faicts et gestes insignes des Romains..., premièrement traduit de grec en italien, par Messire Nicolas Leonicene,... et depuis, de italien en vulgaire francois »(2). Seule édition de cette première traduction de Dion Cassius en français et seul ouvrage du berruyer Claude Deroziers (Sur lequel je n’ai rien trouvé). Traduction d’une traduction, le texte de Desroziers est pour le moins obscur, mais il suffit d’admirer les illustrations pour comprendre l’histoire, l’artiste (inconnu ?) ayant un certain sens de la mise en scène.


Fig 6 Page de titre de la traduction de Desroziers, 1542.


Fig 7. Livre 44, César législateur.


Fig 8 Caligula. Nous nous éloignons un peu d’Alésia mais je voulais vous montrer cette gravure du livre 58 car curieusement elle est d’un style différent, tout germanique !


S’il le souhaite, Bertrand, qui effectue des fouilles archéologiques dans son jardin depuis 20 ans, pourra nous donner les détails sur la bataille d’Alésia qui auraient échappés à Dion Cassius !

Bonne Journée
Textor

(1) In-fol - (9 ff) - 676 pp - (24 ff) avec un tableau généalogique gravé des empereurs romains (replié). Apud (ex off.) Ioannem Oporinum, marsus 1558. Adams, D 509. Acheté à Bécherel.

(2) In-fol, (8ff) - 281 ff - (1 f) d'errata. Les feuillets liminaires contiennent une vignette avec les armes d'Orléans dans un beau cadre orné de mascarons et de fruits, et une autre montrant l'auteur écrivant à son pupitre dans un même cadre inversé. En tête de chaque chapitre, 22 gravures sur bois (54mn X 78mn) dans un large encadrement de 120X150 mn, placé alternativement à l'envers et à l'endroit. La vignette du f 209 porte la légende 'Soprastanti' et doit reproduire une des figures de l'édition italienne de Leonicene, parue à Venise en 1526. Celle du f 260, qui représente l'empereur à cheval est d'une facture toute germanique. Ex libris 'Doultreman' (16ème) - 'Présent de Beuchot' (XIX ème ). Brun Le livre français illustré de la Renaissance p 170 ; Cioranescu 7512, IA. 153.878; Brunet II, 713; Schweiger I, 94; pas dans Adams.

Arbre généalogique des Césars.

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