mardi 7 octobre 2008

La vie et l'œuvre de Marius Michel (1846-1925)


Les récents commentaires du blog du bibliomane m'ont amené à vous proposer un court article, extrait d'une plaquette que j'ai eu le bonheur d'acquérir (pour trois francs, six sous) il y maintenant quelques années, et intitulée : "Exposition rétrospective. Mai-Juin 1927."


C'est un catalogue d'une exposition rétrospective consacrée à Marius Michel et qui s'est tenue au Palais des Beaux-arts de la Ville de Paris de mai à juin 1927.


Page de titre de la plaquette consacrée à Marius-Michel


Voici donc un court résumé de l'écrit de Paul Istel.


Né à Paris le 28 décembre 1846, Henri-François-Victor Michel, dit Marius-Michel, débuta dans l'atelier familial où son père, doreur renommé; exécutait pour les relieurs Franz (1), Duru (2) et l'atelier Capé (nous en avons déjà parlé dans ce blog), les répliques de Clovis Eve (3) et de Le Gascon (4) qui, vers le milieu du 19ème siècle, représentaient pour les bibliophiles le type définitif de la reliure d'art.


Mais ce travail de copiste ne satisfaisait pas le néophyte dont l'apprentissage prolongé avait été suivi du traditionnel tour de France et qui, le crayon à la main, courant les églises et les musées, avait en découvrant l'aspect multiple de la beauté, pris conscience de ses aspirations et des ses forces naissantes.


Ses premiers travaux, qui datent de 1876, se ressentent encore de la dévotion qu'il témoignait aux grands ornemanistes du XVIème siècle : ses combinaisons symétriques à bandes entrelacées et à compartiments, ses médaillons et ses cartouches architecturaux rappellent les compositions de Geoffroy Tory et les arabesques de Jacques du Cerceau (5), c'est-à-dire les modèles mêmes dont s'étaient inspirés les relieurs de Grolier (6) et de Henri II (7).


Les recherches du jeune artiste le conduisent vers une technique "nouvelle" et dont le procédé semblait perdu depuis le XVIème siècle ; celle du cuir gravé et ciselé, si habillement utilisé par les maîtres ouvriers du moyen âge et de la Renaissance.


Marius commença l'exécution de ses reliures incisées par la décoration d'un grand Faust que suivit la magnifique série des Quatre Fils Aymon (8). En même temps, il poursuivait l'étude de la flore ornementale, scrutait l'emploi que les Egyptiens avaient fait du lotus, les Grecs de la palme et de l'acanthe, les gothiques des plantes régionales, et décomposait les humbles volutes du chou, les enroulements capricieux de la ronce, les spirales du lierre et les vrilles légères de la vigne ; il trouvait dans le champ infini de la nature l'idée de ses adaptations stylisées.


Exemple de reliure mosaïquée dans le style moderne

Marius-Michel possédait les qualités éclatantes qui ont fait sa renommée : la sureté de l'œil et de l'outil, la plénitude et la délicatesse du goût, le souci du détail toujours subordonné à l'ensemble.


En grand ouvrier, Marius a toujours apporté les soins les plus diligents à la science constructive du corps d'ouvrage, au choix des peaux, des soies et des papiers impeccables, aux secrets de la ficelle et du carton, à tout ce qui donne à ses reliures le merveilleux équilibre et le galbe parfait qui charment le toucher autant que la vue.


Tout entier, il va se donner à la réalisation d'un principe qu'il défendra contre les hostilités routinières et fera triompher, après vingt ans de lutte et de labeur opiniâtre : l'approbation du décor au contenu de l'ouvrage.


Exemple de reliure mosaïquée dans le style ancien

Le succès de ses idées et de ses travaux, la Médaille d'honneur au Salon, la rosette d'officier de la légion d'honneur, les amitiés les plus flatteuses dans le monde des arts et des lettres n'avaient rien changé au labeur et à la modestie de ce grand artisan. Lorsqu’il s'éteignit le 9 mai 1925, il laissait une œuvre importante dont l'exposition actuelle donne une image particulièrement choisie. Eparses dans les bibliothèques et les collections des deux continents, les reliures de ce Parisien de Paris affirment la persistante maîtrise du goût et de l'esprit français. Le nom de Marius-Michel, franc et net comme un fer bien frappé, caractérisera désormais un genre et une époque et s'inscrira dans l'histoire glorieuse de nos arts décoratifs.


S'ensuit quelques photos de l'œuvre de Marius-Michel tirés de divers ouvrages dont il serait fastidieux de faire la liste ici.


Maroquin mosaïqué trois couleurs,
décor pastiche ancien d'inspiration Art nouveau


Cuir incisé, pyrogravé et peint,
encastré dans un plein maroquin


Il est à noter que nous attendons la parution (pour 2009) d'un ouvrage écrit par un éminent artisan Parisien. J'ai communiqué des ouvrages, dont cette plaquette, pour aider à sa réalisation. Je serai donc prévenu de sa parution ; et je ne manquerai pas de vous en tenir informé par l'entremise de ce blog.


Marius-Michel (1846-1925),
vers la fin de sa vie


(1) Franz Ostermann : dit Franz, relieur d’origine alsacienne, il avait son atelier Bld. Malesherbes en 1872, puis rue Ampère, il exerça jusqu’en 1938.
(2) Hippolyte Duru : il exerça de 1843 à 1863 date à laquelle il se retira, et laissa la direction à son associé Chambolle et dont les reliures seront signées Chambolle-Duru.
(3) Clovis Eve : actif de 1584 à 1634, fut le relieur de Henri III, de Henri IV et de Louis XIII. Il fut l'un de ceux qui assurèrent la vogue du décor à semé. Il est l'auteur des étonnantes reliures à emblèmes macabres (squelettes, cercueils, têtes de mort) faites pour la Compagnie des confrères de la Mort, créée par Henri III, et qui regroupait un petit nombre de pénitents de stricte observance.
(4) Le Gascon : (-1661 ?), relieur actif dans la première moitié du XVIIe siècle, reçu maître en 1615 (?), on se rapportera aux ouvrages de Thoinan, Devauchelle, Gruel et du supplément de la vente de R. Esmérian pour tente d’éclaircir le mystérieux Le Gascon.
(5) Jacques Ier Androuet du Cerceau : (1515?-1585), est un des grands architectes français de la seconde moitié du XVIe siècle surtout célèbre pour ses gravures d'architecture et ses publications.
(6) Jean Grolier de Servières : (1479 - 1565), bibliophile français de la Renaissance, trésorier général des finances, surnommé le Prince des bibliophiles.(7) Henri II : (1519 – 1559), il est le fils de François Ier.
(8) Les Quatre Fils Aymon : preux célébrés par la littérature médiévale, fils du duc Aymon, ils avaient pour nom Renaud, Guichard, Alard et Richardet ; ils possédaient en commun, selon la légende, un seul cheval, devenu célèbre sous le nom de Bayard. La forêt des Ardennes et le château de Montauban furent les théâtres de leurs exploits.

Pour évocation... presque conforme.

Amitiés bibliographiques

Xavier


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