On peut lire dans la rubrique « Chronique du livre » de la revue Le Livre dirigée par Octave Uzanne, pour l’année 1881 : « Nous recevons de notre savant collaborateur Gustave Brunet, de Bordeaux, les détails suivants sur le Bibliomane Boulard. Il nous semble que maintenant la question est épuisée et que chacun se déclarera satisfait : Vous réclamez, dans la dernière livraison du Livre, p. 120, quelques renseignements sur le bibliomane Boulard, «si peu connu de notre génération» :
Antoine-Marie-Henri Boulard, né à Paris le 5 septembre 1754, mourut dans la même ville le 6 mai 1825. Il fut notaire, maire du 10e arrondissement, député au Corps législatif. Il traduisit de l'anglais divers ouvrages, il publia quelques écrits oubliés aujourd'hui. Quérard les a énumérés dans sa France littéraire. Consulter également la Biographie nouvelle des contemporains, par Arnault, Jouy, etc., l'annuaire nécrologique de Mahul, 1825, la Nouvelle biographie générale (Didot frères), t. VI, p. 640.
Ce qui a sauvé Boulard d'un oubli complet, c'est sa passion excessive pour les livres. Il les achetait en masse et sans choix ; tout ce qui était imprimé était bon pour lui. Après sa mort, on fit de ce qu'il y avait de mieux dans ces entassements de volumes une vente publique dont il fut imprimé un catalogue qui remplit cinq volumes in-8°, et on adjugea en lots d'innombrables paquets. Il y avait bien peu de livres précieux ; le Manuel du libraire indique (article Claude Dupin) un exemplaire des observations de ce fermier général sur l'esprit des lois, 1749, 2 vol. 8° (tirées, dit-on, à six exemplaires seulement), comme s'étant trouvées «parmi les 200.000 ou 300.000 volumes amassés par M. Boulard, ancien notaire. On ne connaît, ce nous semble, qu'un seul autre bibliomane qui ait connu Boulard et ait réuni, sans trop choisir, une énorme quantité de volumes ; il s'agit de Richard Heber (voir le Manuel, I, 923) ; mais celui-ci avait du moins rassemblé un grand nombre de livres précieux.
Anecdotiana Boulardii :
« M. Deschanel aurait pu citer, à ce propos, les agissements du fameux bibliomane Boulard. Quand on lui demandait à emporter un livre, il ne refusait jamais. Seulement, ne sachant où le prendre dans les monceaux de volumes qui constituaient sa bibliothèque, ou plutôt ses bibliothèques, — car il avait plusieurs appartements dans Paris, bondés de livres jusqu'à l'antichambre inclusivement, — il allait acheter un nouvel exemplaire du livre demandé. » (Bulletin du Bibliophile, 1900).
Nodier montre le bibliomane Boulard longeant les quais de Paris par une chaleur tropicale aussi bien que par un froid de décembre, bravant alternativement le soleil et la gelée, probablement aussi les pluies torrentielles ou les vents impétueux ; Boulard savait analyser d'un coup d'œil tout un étalage, ce qui est très utile pour un amateur : il existe un diagnostic pour ceux qui se mettent à la chasse des livres tout aussi bien que pour les successeurs d'Hippocrate. C’est Boulard qui serait l’inspiration du Bibliomane de Nodier (publié par Conquet à Paris en 1895).
Sur le personnage Boulard lire : Boulard Bibliomane ou la médecine des passions. De Jean Baptiste Félix Descuret, Numa Raflin. Publié par Noël, 1991. 26 pages.
La gravure que nous donnons en tête de ce message a été publiée dans la revue Le Livre (1881), accompagnée du poème ci-dessus.
Amitiés bibliomanes,
Bertrand