Après l’atelier de l’imprimeur vu par Josse Bade, voici celui des enlumineurs illustré par leurs dernières productions à la fin du XVeme siècle.
Pendant une longue période allant de l’effondrement de l’empire romain au XIIIeme siècle, la production des livres trouve refuge dans les grands centres religieux d’occident. La fabrication et la copie des ouvrages sont encouragées par la règle de St Benoist qui prescrit la présence de livres au sein des monastères. Les abbayes se dotent d’un atelier de copie, le scriptorium, une pièce ouvrant sur le cloitre et parfois chauffée. L’Armarius, responsable de la bibliothèque dirige le travail des scribes. Une division du travail s’instaure entre le copiste, le correcteur, le rubricateur, l’enlumineur et le relieur.
L’essor des écoles épiscopales puis de l’université fait sortir le copiste des monastères et des ateliers urbains s’organise autour du librarium, pour faire face à la demande croissante en ouvrages d’études.
Les premiers imprimeurs avaient le souci de rester au plus près du livre manuscrit, probablement pour ne pas trop choquer leurs clients avec cette nouveauté, mais aussi parce que la profession des copistes et des rubricateurs, dotée de privilèges, a du sérieusement souffrir de cette révolution.
Ainsi les caractères cherchèrent à imiter l’écriture et la mise en page réservait des espaces pour reprendre à la main les lettrines autrefois richement ornées d’entrelacs, de feuillage ou de figures zoomorphes.
L’enlumineur (mais à cette époque il serait plus juste de l’appeler « peintre en lettres » !) reçoit la feuille déjà imprimée sur laquelle des espaces ont été délimités par l’imprimeur pour qu’il puisse y réaliser ses peintures.
Il est doté d’une plume ou d’un calame (de roseau), d’un canif pour tailler la plume, d’un grattoir, d’une pierre ponce, d’un crayon de plomb. Ses couleurs sont obtenues à partir de substances végétales ou minérales, (la noix de galle pour le noir, l’hématite, le carmin ou un sulfure de plomb (le minium qui a donné le mot miniature) pour le rouge, le pastel pour le bleu).
L’ouvrage présenté pour illustrer ce travail de lettrines peintes et de rubricature est une des premières éditions de l’Histoire Naturelle de Pline l’ancien, imprimée à Venise par Rainaldus de Novimagio, le 6 juin 1483. (Fig 1 et 2). Le choix fut difficile parmi les centaines de lettrines de cet ouvrage !
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Les traités d’écriture évoquent l’emploi de plumes de canard, de corbeau, de cygnes, et même de vautour, mais entre toutes, c’est la plume d’oie qui est préférées des enlumineurs. Ils précisent qu’il est préférable d’utiliser la troisième ou la quatrième plume sous l’aile gauche d’un jars (facile !). La taille de la plume aura une influence sur le style, une taille biseautée à gauche favorisant la réalisation de pleins et de déliés, une taille symétrique permet des verticales accentuées et des horizontales plus fines. (Fig 3 et 4)
La rubricature avait une fonction pratique issue des origines de la lecture. La lecture à voie haute dans le réfectoire des moines imposait de repérer rapidement les pauses (Il n’y avait pas de prompteur !) Le passage à la lecture silencieuse et privée au XIIIème siècle et l’apparition progressive de la ponctuation, à partir du Nord de la France, n’a pas fait disparaitre l’usage de la rubricature, devenu plus ornementale que réellement utile. (Fig 5 et 6)
Voici encore quelques pages pour terminer. Mes références ont été prises dans le très intéressant ouvrage de vulgarisation de Sophie Cassagnes-Brouquet, « la Passion du Livre au Moyen Age ». Et pour compléter vos connaissances, si vous êtes en vacances dans l’Ouest, vous pouvez faire un détour par le magnifique musée du Scriptorium d’Avranches, qui présente une sélection de manuscrit de l’Abbaye du Mont St Michel. (Fig 7, 8, 9, 10)
Bonne Journée,
Textor