samedi 4 juillet 2009

Les interrogations d'une restauratrice de livres anciens.



Je viens de lire votre billet de ces derniers jours (mon RV quotidien) sur le Bibliomane Moderne, ainsi que les commentaires qui y sont associés.

Je me pose régulièrement la question de savoir si un ouvrage doit être restauré ou non et en quel terme, c'est un débat récurrent pour moi.

Je voudrais bien connaître votre opinion en temps que libraires et/ou bibliophiles ?

D'après les commentaires, les avis sont partagés, certains pensent que la restauration doit se voir et d'autres pensent qu'elle doit être la plus imperceptible possible.

Cela m'intéresse beaucoup de comprendre les raisons de ces choix esthétiques, quel est le but d'une restauration visible, un but muséographique, d'honnêteté intellectuelle, de préservation de l'ancien?

On voit souvent, lors de visites de musées, de la céramique mise au jour lors de chantiers de fouilles archéologiques, elle a été remontée et les lacunes comblées au plâtre, sans estompage. J'entends tout à fait qu'on ne puisse faire de raccord au décor manquant, mais quand même, le plâtre blanc associé à de la céramique protohistorique plutôt ocre, ça "claque". Et malgré cet inconfort visuel, je comprends bien les raisons et le choix du conservateur quand il explique vouloir rester neutre face à une possible "inconnue" de l'aspect original de l'artefact.

En tant que restauratrice, et même si le professionnel n'est pas un faiseur de miracle, j'aurais tendance à penser que la restauration dite "visible" ne l'est que pour pallier à un manque de compétence. Mais je peux me tromper complètement. Qu'en pensez vous?

Connaissez vous les raisons précises des choix des personnes préférant une restauration qui se voit?
On m'a appris lors de ma formation à faire des restaurations réversibles (au moins par un restaurateur) et invisibles au maximum (évidemment, qui peut le plus peut le moins).

La réversibilité pose le problème de la pérennité d'une restauration. Effectivement, à quoi sert de restaurer un ouvrage si cela ne doit pas durer dans le temps?
Je serais très curieuse de débattre de ce sujet avec tous ceux qui voudront bien apporter de l'eau à mon moulin. Sur ce thème les avis sont partagés et souvent très tranchés. J'ai assisté à des disputes assez impressionnantes sur le sujet.

L'an dernier, j'ai montré des photos de mon travail à un atelier de reliure d'un centre d'archives. Un des relieurs était enchanté et l'autre outré, il m'a dit que ce type de travail (l'estompage de restaurations) allait à l'encontre de toute déontologie professionnelle, que c'était du travail de faussaire et de la malhonnêteté envers le bibliophile.

Je ne peux m'empêcher de me dire que tout bibliophile aguerri verra bien évidemment la restauration, aussi fine soit-elle...
En ce qui concerne le fait de restaurer ou non un ouvrage, cette question elle aussi nécessite d'être débattue autant que possible.

La restauration à mon sens se doit d'être au service de l'ouvrage avant tout. Redonner des conditions de consultation optimales au livre est le but premier de toute intervention. Mais dans le cas d'un ouvrage presque unique, d'un concept de reliure semblant être non codifié à ce jour, ne vaut-il mieux pas le laisser en l'état et d'en assurer la conservation?


Tout est envisageable à partir du moment où il y a discussion et j'aimerais vraiment recueillir l'avis de tous ceux qui voudront bien entrer dans le débat..

Amitiés,

Mélodie HANSSEN,
Restauratrice de Livres Anciens

www.restaurationdelivresanciens.com

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