Le bel article du 17 juillet sur le Thesaurus cicéronien, nous rappelle combien Cicéron était tendance au cours de ce XVIeme siècle, et me donne envie de vous parler du petit pamphlet d’Ortensio Landi, le Cicero Relegatus, Cicero Revocatus ! (Fig. 1)
Ortensio Landi, pour ceux qui ne connaitraient pas, est né à Milan vers 1512. Il est entré en religion, chez les Augustins, sous le nom de fra Geremia da Milano et s'est trouvé, entre 1531 et 1533, au couvent de San Giacomo Maggiore de Bologne. Après avoir quitté l'habit monacal il a fait des études de médecine, toujours à Bologne, puis, il a beaucoup voyagé tant à l'intérieur de l'Italie (Naples, Lucques, ...) qu'à l'extérieur (France, Allemagne, Suisse).
Vers 1531 il écrit sa première œuvre, le Cicero Relegatus, publiée en 1534 simultanément à Lyon et à Venise. La priorité de l'édition sortie de l'atelier de Gryphe sur celle imprimée à Venise par Melchior Sessa la même année s'expliquerait par le fait que Landi avait travaillé comme correcteur d'imprimerie chez l'illustre lyonnais.
A partir de 1555 sa trace est perdue. Il a écrit une trentaine d'ouvrages parmi lesquels un dialogue In Desiderii Erasmi funus et une variation en italien sur le thème de l’Utopia de Thomas More (que Landi a été le premier à traduire en Italien), le Commentario delle piu notabili e mostruose cose d'Italia e altri luoghi qui raconte le voyage à travers l'Italie entrepris par un habitant de l'île Utopia.
Ortensio Landi avait 20 ans lorsqu'il a écrit le Cicero Relegatus divisée en deux parties : l'exil de Cicéron suivi du rappel de Cicéron. Nous sommes dans le cadre de la polémique née à la suite de la publication du Ciceronianus d’Erasme (Faut-il imiter Cicéron? qui peut ou a pu imiter Cicéron? quelle est la limite de l'imitation de Cicéron, ...).
Le thème est très curieux et tient de la farce ( d’ailleurs Landi a mis comme sous-titre Dialogui Festivi) : deux étudiants, de retour au pays et apprennent la maladie d'un ami. Ils décident de lui rendre visite; ils le trouvent entouré d'une multitude d'amis et de connaissances qui rivalisent d'adresse et d'ingéniosité pour alléger ses souffrances en racontant des histoires et des fables, à la manière du Decameron. (p.7, (...) morbum facetis narrationibus aut lepidis fabellis alleuarent).
Interrogés par le malade sur ce qu'ils rapportent de neuf, ils citent des traités et des discours de Cicéron. Ils s'attendent à ce que cette nouvelle provoque de l'intérêt et de la joie auprès du cercle réuni mais ils doivent déchanter : c'est comme s'ils avaient annoncés un désastre ou même la fin du monde (p. 8, (...) ut uiderer magnam aliquam futuram cladem aut supremum aliquod exitium nunciauisse).
Une discussion vive s'engage à ce propos et, pour empêcher qu'on en vienne aux mains, le malade organise un tour de table demandant à ceux qui le veulent de donner leur avis sur Cicéron. Pas moins de huit intervenants vont énumérer, l'un après l'autre, les griefs qu'ils ont à formuler contre Cicéron. Ces griefs sont présentés et développés soit uniquement à partir de références à des œuvres de Cicéron, soit sous la forme de réminiscences ou même de citations directes puisées dans le corpus cicéronien.
Après la dernière intervention, l'assemblée conclut à la culpabilité de Cicéron et, après avoir délibéré sur la peine, décide de l'exiler en Scythie !
J’ose à peine vous montrer la reliure qui est un petit vélin tout simple et tout fripé, mais que j’aime néanmoins beaucoup, peut-être parce que son format ‘livre de poche’ permet de penser qu’il a du séjourner dans la pelisse herminé de quelques professeurs de lettres. Le relieur a puisé, comme souvent, dans son stock de vieux grimoires du XIV ou XVème siècle pour constituer sa reliure. (Fig. 2,3 et 4)
Fig. 3
Fig. 4
Bonne Journée,Textor