« Contentement passe richesse »
Ernest Quentin-Bauchart est né le 14 septembre 1830 dans l'Aisne, il est entré dans la société des Bibliophiles François en janvier 1887, il décédera en décembre 1909 dans sa 80ème année.
Ernest Quentin-Bauchart s'était retiré à la campagne dans sa propriété familiale de Villiers-le-Sec, proche de St-Quentin ; sa vie s'écoulait au milieu de ses livres dans son château de style Louis XVI, que son grand oncle, Jean de Berleux avait fait construire avant la révolution.
Ernest Quentin-Bauchart s'était retiré à la campagne dans sa propriété familiale de Villiers-le-Sec, proche de St-Quentin ; sa vie s'écoulait au milieu de ses livres dans son château de style Louis XVI, que son grand oncle, Jean de Berleux avait fait construire avant la révolution.
Là, il rêvait à ceux qui avaient été les siens, des agriculteurs renommés du pays Picard, qui avaient pris pour devise : contentement passe richesse.
Ernest Quentin-Bauchart raconte (1), comment lui était venu le goût des livres : c'était en 1862, son père reçut une lettre de Alexandre Poiret, un ami de la famille, et fils d'un naturaliste : « Cher Monsieur, vous m'avez dit souvent que votre fils aimait les livres, permettez moi de lui offrir un petit volume que je tiens de mon père et qui m'a valu de fréquentes visites de Messieurs les bouquinistes. Il ne paie pas de mine, mais on m'a assuré qu'il n'était pas sans valeur. »
Ce petit volume in-16, en cartonnage vert, faisait une triste figure ; mais il renfermait plusieurs richesses, des pièces gothiques en vers et en prose, imprimés Rouen vers le milieu du XVIe.
Ce recueil avait appartenu à Jean Berleux, grâce à la générosité de Mr Poiret, il rentrait au bercail après une absence de près d'un siècle.
Ernest Quentin-Bauchart, dira plus tard dans une lettre que c'est dans ce recueil que se trouvait le poème de Héro et Léandre, la déploration de France sur la mort de Clément Marot. Aujourd'hui, en 1910, il est chez J.Edouard de Rothschild.
Ernest Quentin-Bauchart, le néophyte, courut chez le terrible expert Potier qui lui en proposa l'achat pour Mr de Lignerolles. Il refusa de s'en séparer ; prenez garde, lui dit Potier en le reconduisant sur le pas de la porte, avec plus d'égards qu'il ne lui en avait témoignés à son entrée, vous emportez la robe de Nessus, elle vous dévorera !
« J'ai fait faire de ce recueil, 14 plaquettes et quand à la suite de circonstances pénibles j'ai du m'en séparer, j'en ai trouvé sans effort 14 000 francs. Une seconde robe de Nessus comme celle-là me ferait plaisir. »
Une facétie a été détachée de ce volume, et a été relié par Trautz en maroquin citron couvert de fleurs. Il est enfoui depuis longtemps déjà dans la bibliothèque de l'Avenue de Friedland (chez J. de Rothschild), à coté de ma fameuse Louise Labé et de mon Marot de 1532, et de tant d'autres, volumes, hélas, que je pleure tous les jours...
Cette lettre finit par cette boutade : ce Morgand achète pour 600 000 francs de livres, en revend immédiatement pour 500 000 et qui dit que les affaires vont mal ! que lui faut-il donc ? (lettre du 26 avril 1894)
On trouvera dans ses souvenirs (1) la liste des principaux livres qui entrèrent à cette époque dans sa bibliothèque, citons, entre autres : La complainte du berger et la response de la pastourelle de Granson, d'Alain Chartier, Paris, vers 1510 ; L'amour de Cupido et de Psiché de J. Maugin, Paris, 1586, avec une suite de 32 estampes sur cuivre d'après les peintures de Raphaël, aujourd'hui au musée de Condé ; La Fontaine, édition des fermiers Généraux, aux armes de Mme du Barry ; la première édition complète des fables de La Fontaine trouvé par le libraire Miard dans la boîte à papier d'un épicier de Cambrai et payé 5 francs.
Il n'est pas possible d'énumérer la nomenclature des livres de la bibliothèque d’Ernest Quentin-Bauchart, on la trouvera dans « Mes livres... » (2), dont les 3 éditions successives sont citées en fin de cet article.
La bibliofolie en 1870
Jetons maintenant un coup d'œil sur l’incroyable activité qui anima le marché des livres en France de 1872 à 1880.
Henri Béraldi nous l'a décrit avec sa verve habituelle dans « La bibliothèque d'un bibliophile » (Lille, Danel, 1885), et Ernest Quentin-Bauchart (1) parle de cette période comme celle d'un passé qu'on ne reverra plus.
Le bibliophile de ce temps là était un être à part, doué d'un tempérament spécial, passionné pour les livres comme d'autres le sont pour les femmes ou pour le jeu ; il courait dès le matin, les étalages de boutiques, rentrant le soir épuisé, rêvait la nuit à des occasions manquées ou à poursuivre, et recommençait le lendemain. Ce fut une fièvre, une fureur, une sorte de satyriasis, le rut des livres !
Henri Béraldi, en se rappelant cette époque si amusante tient le même langage : une folie ! un délire ! c'était le sabbat des livres ; ils chevauchaient en ronde folle...Le bibliophile de 1875 était aimable et accueillant, remuant et agité, achetant, vendant, brocantant, échangeant, usant de tous les moyens pour parvenir à la possession de l'irréprochable et de l'exquis.
Le bibliophile de ce temps là était un être à part, doué d'un tempérament spécial, passionné pour les livres comme d'autres le sont pour les femmes ou pour le jeu ; il courait dès le matin, les étalages de boutiques, rentrant le soir épuisé, rêvait la nuit à des occasions manquées ou à poursuivre, et recommençait le lendemain. Ce fut une fièvre, une fureur, une sorte de satyriasis, le rut des livres !
Henri Béraldi, en se rappelant cette époque si amusante tient le même langage : une folie ! un délire ! c'était le sabbat des livres ; ils chevauchaient en ronde folle...Le bibliophile de 1875 était aimable et accueillant, remuant et agité, achetant, vendant, brocantant, échangeant, usant de tous les moyens pour parvenir à la possession de l'irréprochable et de l'exquis.
Un autre s'écrie « ce n'est plus de l'amour, c'est de la luxure », et Mr Charles Cousin (qui signait le toqué), en appliquant cette expression à tous ses confrères. C'était avec Ernest Quentin-Bauchart, le baron Sosthène de la Roche-Lacarelle, le baron Jérôme Pichon, le baron J. Edouard de Rothschild, le comte de Fresnes, Eugène Paillet, Mr de Villeneuve, le baron Roger Portalis, le comte de Mosbourg, Emmanuel Bocher, Le Barbier Tinan de Lignerolles, Germain Bapst, Cherrier, Gallimard, Daguin, Sauvage, et d'autres, que la mort a déjà fait disparaitre.
Quels étaient donc les raisons de cette fureur et les éléments de cet état d'esprit qu'on ne reverra peut-être pas ? l’époque était particulièrement favorable, la France commençait à respirer et les affaires dans un immense essor, reprenaient de toutes parts ; la prospérité régnait dans toutes les branches du commerce et de l'industrie et l'argent roulait avec une incroyable facilité.
Des libraires, Labitte, Techener, Rouquette, Fontaine, Morgand, Porquet, avec leurs connaissances étendues, un flair et un sens commercial étonnants, surchauffaient une clientèle riche et ardente, qui, pleine de goût et de délicatesse, cherchaient souvent dans les exemplaires de prix, le livre, avec son illustration en différent état, sa qualité, sa provenance et sa reliure constituait autant d'éléments divers qui permettaient de stimuler le zèle et les désirs de ces bibliophiles endiablés.
Enfin des catalogues bien rédigés et des manuels, où les détails des éditions rares étaient élucidés avec soin, permettaient à des néophytes d'entrer dans la bibliophilie avec des connaissances que leurs anciens n'avaient acquises que par une longue expérience.
Il faut savoir grâce à ces amateurs ce que leur passion a rendu à la bibliophilie. C'est grâce à eux, à leur recherche, à leur goût, à leur furetage obstiné que tant de merveilles enfouies en province ou perdues sur les quais, ont étés sauvées de l'oubli et de la destruction.
Ainsi de sa retraite campagnarde Ernest Quentin-Bauchart, épanchait il ses regrets « hélas, j'ai suivi avec le même désenchantement que vous (avec J. Pichon) les deux ventes de notre pauvre ami Mr Lignerolles, à part le livre bibelot qui va aux étoiles, le reste se donne pour rien ; il n'y a plus de bibliophiles, la bibliothèque a fait place à l'étagère et bientôt ces jolis poèmes, ces romans de chevalerie, ces pièces rares et si curieuses, ces classiques aujourd'hui si dédaignés ne se trouvent plus que dans la poussière dans les dépôts publics... je ne pleure pas, mais j'avoue un dégoût profond pour ce monde nouveau si différent du notre et que je ressens moins de regrets à m'en tenir éloigné »
Ernest Quentin-Bauchart, fit habiller quelques uns de ses livres par Trautz (6), comme la plupart des amateurs de cette époque, il était un Trautz-Bauzonnettiste ardent, quand le grand artiste décéda, quelques obstinés, tels que Lacarelle et de Fresnes, jurèrent qu’ils ne feraient plus jamais relier, le dernier des relieurs ayant disparu.
Quentin-Bauchart se déclarait vénérant Trautz-Zolâtre et ne cessait dans toutes ses publications de célébrer le génie de ce relieur.
Des libraires, Labitte, Techener, Rouquette, Fontaine, Morgand, Porquet, avec leurs connaissances étendues, un flair et un sens commercial étonnants, surchauffaient une clientèle riche et ardente, qui, pleine de goût et de délicatesse, cherchaient souvent dans les exemplaires de prix, le livre, avec son illustration en différent état, sa qualité, sa provenance et sa reliure constituait autant d'éléments divers qui permettaient de stimuler le zèle et les désirs de ces bibliophiles endiablés.
Enfin des catalogues bien rédigés et des manuels, où les détails des éditions rares étaient élucidés avec soin, permettaient à des néophytes d'entrer dans la bibliophilie avec des connaissances que leurs anciens n'avaient acquises que par une longue expérience.
Il faut savoir grâce à ces amateurs ce que leur passion a rendu à la bibliophilie. C'est grâce à eux, à leur recherche, à leur goût, à leur furetage obstiné que tant de merveilles enfouies en province ou perdues sur les quais, ont étés sauvées de l'oubli et de la destruction.
Ainsi de sa retraite campagnarde Ernest Quentin-Bauchart, épanchait il ses regrets « hélas, j'ai suivi avec le même désenchantement que vous (avec J. Pichon) les deux ventes de notre pauvre ami Mr Lignerolles, à part le livre bibelot qui va aux étoiles, le reste se donne pour rien ; il n'y a plus de bibliophiles, la bibliothèque a fait place à l'étagère et bientôt ces jolis poèmes, ces romans de chevalerie, ces pièces rares et si curieuses, ces classiques aujourd'hui si dédaignés ne se trouvent plus que dans la poussière dans les dépôts publics... je ne pleure pas, mais j'avoue un dégoût profond pour ce monde nouveau si différent du notre et que je ressens moins de regrets à m'en tenir éloigné »
Ernest Quentin-Bauchart, fit habiller quelques uns de ses livres par Trautz (6), comme la plupart des amateurs de cette époque, il était un Trautz-Bauzonnettiste ardent, quand le grand artiste décéda, quelques obstinés, tels que Lacarelle et de Fresnes, jurèrent qu’ils ne feraient plus jamais relier, le dernier des relieurs ayant disparu.
Quentin-Bauchart se déclarait vénérant Trautz-Zolâtre et ne cessait dans toutes ses publications de célébrer le génie de ce relieur.
Il reconnut tout de même, la perfection de Cuzin (7) et de Mercier (8), et ne niait pas la science technique des Lortic (9), M. Michel (10), Capé (11), Duru (12) et Chambolle (13), tout en déplorant certaines de leurs innovations, car il était l'ennemi de la reliure symbolique.
Vous trouverez en tête de cet article l'ex-libris que Trautz lui imprimait sur des petits rectangles de cuir de couleurs variées.
Ernest Quentin-Bauchart aimait le livre pour le livre, sans avoir le secret espoir que ceux qu'il avait acheté seraient plus tard l'objet d'une plus value.
Ernest Quentin-Bauchart aimait le livre pour le livre, sans avoir le secret espoir que ceux qu'il avait acheté seraient plus tard l'objet d'une plus value.
Toujours sur la brèche pendant près de 20 ans, il eut quelques bonnes fortunes : un étranger, le comte A..., fils d'un ambassadeur bien introduit dans la haute société parisienne, avait découvert en Hongrie, dans un village, et payé 10 francs, un exemplaire de Daphnis et Chloé de 1757, in-4 sur hollande, et relié par Dubuisson pour Mme de Pompadour, avec un luxe d'ornements merveilleusement appropriés à sa destination et à son époque.
Le maroquin rouge, couvert de cœurs enflammés de carquois, de moutons enrubannés, et de colombes amoureuses avec les armes de la marquise en mosaïque sur fond vert était d'un fraicheur idéale.
Le maroquin rouge, couvert de cœurs enflammés de carquois, de moutons enrubannés, et de colombes amoureuses avec les armes de la marquise en mosaïque sur fond vert était d'un fraicheur idéale.
A. Fontaine avait donné 100 francs pour ce morceau de roi ; le lendemain je l'achetais 3000, grande rumeur dans le landerneau des bibliophiles. Du plus petit au plus grand, on me jeta la pierre, je gâtais les prix ! c'était de l'hystérie, du priapisme ! le Daphnis de Mme de Pompadour a réapparu il y a quelques années à la vente de mon ami Lacarelle, il a été payé 7000 francs !
Du reste, Ernest Quentin-Bauchart fut particulièrement heureux avec le roman de Longus.
Conquet avait acheté, venant d'Italie, un magnifique exemplaire des amours pastorales de Daphnis et Chloé, édition de 1718, aux armes du régent dans une reliure de Padeloup (14).
Conquet avait acheté, venant d'Italie, un magnifique exemplaire des amours pastorales de Daphnis et Chloé, édition de 1718, aux armes du régent dans une reliure de Padeloup (14).
Par une singulière aberration, E. Paillet le refusa et se repentit toute sa vie de ne pas avoir donné les 1500 francs qu'on lui demandait.
Damascène Morgand en fit l'achat en 1879 et le revendit 13000 francs à Ernest Quentin-Bauchart, qui tout fier de son acquisition, l'exhiba devant le petit cénacle qui se réunissait chez Rouquette (passage Choiseul).
Quel objet ! s'écriait-il, serait plus capable de faire tressaillir les entrailles d'un bibliophile ? la plus charmante production du XVIIIe siècle, recouverte d'une reliure à ornement en mosaïque aux armes de Philippe d'Orléans, régent de France !, tous les éléments de la curiosité se trouvent réunis dans ce morceau doublement royal : ouvrage rare et recherché, reliure exceptionnelle, provenance illustre, tous les bibliophiles regrettaient, sans toutefois l'avouer, d'avoir laissé échapper une telle occasion.
Ce Daphnis qui fut adjugé 17500 francs à la vente de Ernest Quentin-Bauchart, figurera plus tard à celle du comte de Mosbourg et fut acheté 12500 francs par Edouard Rahir pour le baron Ferdinand de Rothschild qui l'a gardé jusqu'à sa mort dans son château en Angleterre, où il est encore conservé. Il vaudrait aujourd'hui plus de 20000 francs.
C'était le temps ou le patissier François de 1655, un des plus rares de la collection des Elzevier, atteignait des prix fabuleux. Ernest Quentin-Bauchart en possédait un très bel exemplaire qui passa entre les mains de son ami E. Paillet, et qui était relié par Trautz en maroquin citron, compartiments doublés de maroquin bleu dans le genre de Gascon.
Comme on en colportait certains exemplaires en feuilles, on crut à un trucage, et un jury dont faisait parti Ernest Quentin-Bauchart, fut constitué qui rendit un verdict d'acquittement.
Ernest Quentin-Bauchart s'était peu à peu séparé de ses livres, quelques opuscules qu'il publia à cette occasion permettent de suivre le mouvement de sa bibliothèque, en effet dans « Mes livres », dont il fit successivement 3 éditions successives en 1874, 1877 et 1881 (2), il a catalogué son cabinet et a fait connaitre les prix auxquels il avait cédé ses exemplaires, soit à des confrères, soit à des libraires.
Ernest Quentin-Bauchart publia en 1885, un petit volume (1), dans lequel il développa ses idées de bibliophile telles qu’il les concevait et rappela ses souvenirs de collectionneur. Il adressa cet opuscule « aux derniers bibliophiles de son temps », en prononçant un de profundis sur l'âge héroïque des livres, c'est aussi dans cet opuscule que l'auteur a inséré de petites notices sur une danseuse bibliophile du XVIIIe, Mlle Le Duc, sur les livres de Mme du Barry et sur les collections de Mme de Chamillart, il semble que ces pièces sont des additions « Aux femmes bibliophiles » (3).
En 1884, il publie le catalogue des livres de la reine Marie-Antoinette (4) qu’elle avait au château des Tuileries. Cette étude sur la reine amena Quentin-Bauchart à s'occuper des femmes bibliophiles.
En 1886 parut les 2 grands volumes in-8 « Les femmes bibliophiles » (3), c’est son ouvrage majeur.
Sur chacune de ces nobles dames citées, il donne un court aperçu bibliographique, et d'une main légère cite un bon mot ou une anecdote amusante, qui nous laisse une impression vivante du personnage. Ce bel ouvrage bien imprimé par Danel est enrichi de nombreux médaillons héraldiques et de reproductions de reliures.
C'est ce livre qui lui ouvrit les portes de la Société des Bibliophiles François en 1887.
Les recherches qu'il fit pour cet ouvrage le conduisirent à s'occuper de la bibliothèque de Fontainebleau et d'en écrire l'histoire (5); il décrivit un à un tous les exemplaires de bibliothèque nés avec François 1er.
Il y ajouta des notes intéressantes sur les reliures et termina par un appendice où l'on trouvait des renseignements curieux sur le XVIe et sur l'interprétation du chiffre de Henri II.
Vers 1904, Ernest Quentin-Bauchart parut rarement aux séances de la Société et se retira dans son château familial, il y vivait de ses souvenirs et prenait une grande joie d'y voir son nom se perpétuer dans une descendance dont les succès étaient chers à son cœur de père et de grand-père.
Damascène Morgand en fit l'achat en 1879 et le revendit 13000 francs à Ernest Quentin-Bauchart, qui tout fier de son acquisition, l'exhiba devant le petit cénacle qui se réunissait chez Rouquette (passage Choiseul).
Quel objet ! s'écriait-il, serait plus capable de faire tressaillir les entrailles d'un bibliophile ? la plus charmante production du XVIIIe siècle, recouverte d'une reliure à ornement en mosaïque aux armes de Philippe d'Orléans, régent de France !, tous les éléments de la curiosité se trouvent réunis dans ce morceau doublement royal : ouvrage rare et recherché, reliure exceptionnelle, provenance illustre, tous les bibliophiles regrettaient, sans toutefois l'avouer, d'avoir laissé échapper une telle occasion.
Ce Daphnis qui fut adjugé 17500 francs à la vente de Ernest Quentin-Bauchart, figurera plus tard à celle du comte de Mosbourg et fut acheté 12500 francs par Edouard Rahir pour le baron Ferdinand de Rothschild qui l'a gardé jusqu'à sa mort dans son château en Angleterre, où il est encore conservé. Il vaudrait aujourd'hui plus de 20000 francs.
C'était le temps ou le patissier François de 1655, un des plus rares de la collection des Elzevier, atteignait des prix fabuleux. Ernest Quentin-Bauchart en possédait un très bel exemplaire qui passa entre les mains de son ami E. Paillet, et qui était relié par Trautz en maroquin citron, compartiments doublés de maroquin bleu dans le genre de Gascon.
Comme on en colportait certains exemplaires en feuilles, on crut à un trucage, et un jury dont faisait parti Ernest Quentin-Bauchart, fut constitué qui rendit un verdict d'acquittement.
Ernest Quentin-Bauchart s'était peu à peu séparé de ses livres, quelques opuscules qu'il publia à cette occasion permettent de suivre le mouvement de sa bibliothèque, en effet dans « Mes livres », dont il fit successivement 3 éditions successives en 1874, 1877 et 1881 (2), il a catalogué son cabinet et a fait connaitre les prix auxquels il avait cédé ses exemplaires, soit à des confrères, soit à des libraires.
Ernest Quentin-Bauchart publia en 1885, un petit volume (1), dans lequel il développa ses idées de bibliophile telles qu’il les concevait et rappela ses souvenirs de collectionneur. Il adressa cet opuscule « aux derniers bibliophiles de son temps », en prononçant un de profundis sur l'âge héroïque des livres, c'est aussi dans cet opuscule que l'auteur a inséré de petites notices sur une danseuse bibliophile du XVIIIe, Mlle Le Duc, sur les livres de Mme du Barry et sur les collections de Mme de Chamillart, il semble que ces pièces sont des additions « Aux femmes bibliophiles » (3).
En 1884, il publie le catalogue des livres de la reine Marie-Antoinette (4) qu’elle avait au château des Tuileries. Cette étude sur la reine amena Quentin-Bauchart à s'occuper des femmes bibliophiles.
En 1886 parut les 2 grands volumes in-8 « Les femmes bibliophiles » (3), c’est son ouvrage majeur.
Sur chacune de ces nobles dames citées, il donne un court aperçu bibliographique, et d'une main légère cite un bon mot ou une anecdote amusante, qui nous laisse une impression vivante du personnage. Ce bel ouvrage bien imprimé par Danel est enrichi de nombreux médaillons héraldiques et de reproductions de reliures.
C'est ce livre qui lui ouvrit les portes de la Société des Bibliophiles François en 1887.
Les recherches qu'il fit pour cet ouvrage le conduisirent à s'occuper de la bibliothèque de Fontainebleau et d'en écrire l'histoire (5); il décrivit un à un tous les exemplaires de bibliothèque nés avec François 1er.
Il y ajouta des notes intéressantes sur les reliures et termina par un appendice où l'on trouvait des renseignements curieux sur le XVIe et sur l'interprétation du chiffre de Henri II.
Vers 1904, Ernest Quentin-Bauchart parut rarement aux séances de la Société et se retira dans son château familial, il y vivait de ses souvenirs et prenait une grande joie d'y voir son nom se perpétuer dans une descendance dont les succès étaient chers à son cœur de père et de grand-père.
Ouvrages de Quentin-Bauchart
(1) - A travers les livres, souvenir d'outre-tombe, Paris, 1895, in-12, 111pp., tirage à 200 ex.
(2) - 1864-1874, Mes livresParis, 1874, in-12, 56pp., non mis dans le commerce, 20 sur Whatman et 2 sur Japon (ouvrage rare, mais incomplet)- 1864-1874, Mes livresParis, 1877, pet. in-8, réimpression de l'édition précédente-1864-1881, Mes livresParis, 1881, 200 ex., cette édition est la plus complète, Ad. Labitte y a fait figurer le catalogue des livres de Quentin-Bauchart, vendus à Drouot le 14/2/1881, et à ajouté quelques articles important, cédés pour la plupart au baron James de Rothschild
(3) -Les femmes bibliophiles de FranceParis, 1886, 2 vol., gr. in-8, 466pp.+476pp., 50 ex. sur Chine, 300 ex. sur Vergé tous numérotés à l'exception de quelques uns offert en dons.-Catalogue d'une petite collection de livres précieux appartenant à M.E.Q.BParis, 1881, pet. in-8, 30pp., 60 numéros décrits
(4) - Bibliothèque de la reine Marie-Antoinette au château des Tuileries, publié d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par E.Q.BParis, 1884, in-18, 181pp., 300 ex.
(5) - La bibliothèque de Fontainebleau et les livres des derniers Valois à la Bibliothèque nationale (1515-1589)Paris, 1891, gr. in-8, 234pp., 10 ex. sur Japon, 40 sur Hollande et 250 sur Hollande (avec un beau frontispice en couleur de François 1er)
(4) - Bibliothèque de la reine Marie-Antoinette au château des Tuileries, publié d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par E.Q.BParis, 1884, in-18, 181pp., 300 ex.
(5) - La bibliothèque de Fontainebleau et les livres des derniers Valois à la Bibliothèque nationale (1515-1589)Paris, 1891, gr. in-8, 234pp., 10 ex. sur Japon, 40 sur Hollande et 250 sur Hollande (avec un beau frontispice en couleur de François 1er)
(6) Trautz excerça de 1830 jusqu'à environ 1851
(7) Cuzin exerça de 1900 jusqu'à 1939…environ
(8) Mercier exeça de1910 à 1939
(9) Lortic exerça de 1884 jusqu’en 1928, peut-être même plus tôt
(10) Marius Michel doreur en 1866, puis relieur jusqu’en 1925
(11) Capé eut comme doreur Jean Marius-Micel, le père de Henri Marius-Michel, voir (10)
(12) Duru exceça de 1843 à 1863
(13) Chambolle début vers 1852, associé à Duru en 1861, décès en 1898
(14) Padeloup début vers 1712, décès en 1758
- Le livre d'heure d’Henri II, Paris, 1890, 32pp.
- Mélanges bibliographiques (1895-1905), Paris, 1904, in-8 carré, 233pp., tiré à petit nombre, ce recueil contient les articles suivants : 1-Le miroir d'Origny et l'abbaye royale d'Origny-Sainte-Benoîte, paru dans le Bulletin du Bibliophile de 1897 ; 2-Les Fareinistes et leur livre, paru dans le Bulletin...de 1900 ; 3-Les commentaires de la guerre Gallique, paru dans la Revue Biblio-iconographique de 1897.
4-La bibliothèque secrète de Mme de Verrue. L'état de sa vaiselle d'argent et le partage de son tabac. Ces documents ont paru dans les Femmes bibliophiles...T1, pp.420 et suiv. ; 5-Les livres de Marie-Antoinette chez les particuliers et dans les bibliothèques publiques de Périgueux et de Bourges, paru dans
Cet article m'a été inspiré par l'ouvrage du comte Alexandre de Laborde-Ernest Quentin-Bauchart bibliophile, 1830-1909, Paris, 1910, 41pp., et par « Les femmes bibliophiles », acquis lors de la foire St-Sulpice en juin 2008.
Amitiés bibliographiques
Xavier