Devanture de la Librairie ancienne Emile Nourry rue des Ecoles (près du Boulevard Saint-Michel à Paris). Vers 1910.
Puisque le thème plait, poursuivons donc encore un peu notre voyage au pays des devantures de librairies anciennes avec aujourd'hui : la librairie ancienne & moderne Emile Nourry.
C'est encore une fois l'excellent Léopold Carteret (*), qui grâce à une mémoire vivace et précise, nous fait revivre un instant en compagnie de ce libraire parisien d'adoption.
Carteret écrit : "Emile Nourry fut un grand libraire et un non moins grand savant ; né à Autun (Saône-et-Loire) en 1870, il mourut à Paris en 1935. Ses parents étaient libraires dans sa ville natale, ce qui contribua à lui donner l'amour des livres. Esprit critique, toujours en éveil, vivant dans un milieu catholique, il se croit appelé à la vocation sacerdotale, mais reconnaîtra bientôt qu'il va s'engager dans un voie qui ne lui convient pas. Il dévore les livres, tout l'intéresse : l'histoire, les sciences, la poésie, la nature de l'homme, la botanique, etc.... De bonne heure, l'histoire naturelle de l'homme le passionne, ses recherches tendant surtout à connaître l'homme pour le mieux diriger. Sa culture exceptionnelle lui permettait une compréhension immédiate des questions les plus délicates ; dans de multiples domaines, il a beaucoup aidé les savants et les écrivains scientifiques, son oeuvre est imposante et infiniment variée. L'étude des religions comparées, puis des croyances, usages et traditions populaires fut le but principal de ses travaux. Ardent à l'étude, d'une puissance de travail exceptionnelle, professeur par tempérament, il deviendra sous le pseudonyme de P. Saintyves un excellent écrivain qui s'attaquera à des sujets les plus divers, toujours avec compétence. La liste de ses oeuvres est fort longue ; citons : les Saints successeurs des dieux, 1907 ; les Vierges mères, 1908 ; le Discernement du miracle, 1909 ; la Force magique, 1914 ; Essais de folklore biblique, 1922 ; les Contes de Perrault, 1923 ; En marge de la Légende dorée, 1930 ; Manuel de folklore, 1937, etc...., sans compter d'innombrables études folkloriques ou relatives à l'histoire des religions (plus d'une centaine) parues dans diverses revues. Il a laissé inachevée la publication de deux grands "corpus" ; celui d'un Folklore préhistorique, dont 3 volumes ont paru, et celui d'un Folklore des eaux, dont seule l'introduction a vu le jour. Fondateur de la Société du Folklore français dont il fut l'animateur et qu'il présida de longues années, il était en même temps maître de conférence à l'Ecole d'anthropologie, et directeur de la Revue anthropologique. Adorant son beau métier de libraire, il en profita pour réunir durant quarante années une incomparable bibliothèque de la plus grande valeur, concernant le folklore. Dans une pieuse pensée, sa veuve l'a offerte à l'Institut. Emile Nourry, d'une santé délicate, fut enlevé prématurément à l'affection des siens, de ses nombreux amis et admirateurs. Son coeur était aussi noble que son intelligence était vive et sa culture immense. Comment put-il, tout en exerçant son métier de libraire, trouver le temps et le moyen de satisfaire son labeur de créateur ? Libraire à Dijon, puis à Paris, il prit dans la corporation de la librairie ancienne une place éminente ; son activité s'exerçait dans tous les domaines avec une prédilection marquée pour les livres les plus anciens : incunables, gothiques et livres du XVIe siècle ; et pour quelques spécialités qui l'intéressaient particulièrement tels les voyages, la médecine ancienne, l'histoire des religions, les sciences occultes, la chasse et la pêche. En 1925, ses confrères le choisirent comme président de leur syndicat (SLAM), rendant ainsi un hommage mérité à sa compétence professionnelle. Je me souviens avec mélancolie, puisqu'il devait disparaitre peu de temps après, que, dans un banquet, le président Barthou lui remit la croix qui récompensait ses travaux ; son grand ami, Me Maurice Garçon, avocat célèbre et érudit, qui avait séduit Nourry par son entière compétence dans le domaine des livres, prononça une allocution brossée de main de maître, c'est le cas de le dire, sur la valeur et les mérites de ce grand libraire. Combien d'hommes éminents ont goûté le charme de sa conversation si vivante et si instructive ! Anatole France, Henri Brémond, Abel Lefranc, Louis Barthou et tant d'autres parmi les littérateurs et les savants. Son collaborateur de toujours et son ami, M. Thiébaud, continue heureusement la tradition de cette firme ; il y réussit pleinement, grâce à ses qualités de lettré et d'amoureux des livres. Sa profonde admiration pour son patron lui fait le plus grand honneur." (pp. 70-72)
Je ne sais pas vous mais moi je ne peux évidemment pas m'empêcher d'avoir beaucoup de sympathie post-mortem pour ce libraire qui débuta dans ma bonne ville de Dijon et qui finit par réussir avec éclat dans la capitale.
Image Google Map (2011) 12 place du Théâtre à Dijon. Librairie Le Meur, ancienne Librairie Emile Nourry
La façade n'a pas changé... l'intérieur non plus...
Si Léopold Carteret nous renseigne sur l'homme il nous dit finalement assez peu de choses sur son installation en tant que libraire à Paris. Le site du Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne nous renseigne sur quelques points. Émile Nourry débuta son activité de libraire à Dijon en 1899, place du Théâtre (au n°12). Il s'est installé assez peu de temps après à Paris, tout d'abord Rue des Saints-Pères puis Rue Notre-Dame-de-Lorette. En 1909 il se fixe définitivement au 62 de la Rue des Écoles. Il fut président du SLAM de 1925 à 1928 (**).
Pour rassurer les inquiets sur le devenir de la librairie ancienne, sachez que le n°12 place du Théâtre à Dijon n'est actuellement rien moins que le bel endroit où vous avez peut-être pu voir gambader Tristan dernièrement dans les colonnes du Bibliomane moderne. Le 12 place du Théâtre à Dijon est aujourd'hui occupé par la Librairie ancienne Le Meur (la seule librairie ancienne de Dijon désormais). C'est d'ailleurs le grand-père de M. Le Meur qui s'installa dans cette belle librairie dès les années 20. L'aménagement intérieur de la librairie n'a pas changé ou très peu depuis les années 1899 et la librairie Émile Nourry. C'est toujours émouvant pour moi d'y aller flâner.
A titre d'exemple je vous présente la couverture du catalogue n°229 (le chiffre laisse rêveur...) de la librairie Émile Nourry, catalogue entièrement consacré aux impressions du XVe et du XVIe siècles (je vois d'ici le Textor se liquéfier sur place à la vue de tant de trésors bibliophiliques). Catalogue publié en 1930 et comprenant quelques 1.005 numéros tous plus désirables les uns que les autres. Les notices sont très bien rédigés. Ces catalogues sont aujourd'hui de précieux outils documentaires pour le libraire et le bibliophile moderne. La quatrième de couverture du catalogue indique d'ailleurs que la Maison Emile Nourry propose "un choix important d'ouvrages anciens et modernes en tous genres. L'un des plus grands stocks de Paris."
Il est amusant d'imaginer la rencontre d'Octave Uzanne (1851-1931) bibliophile-éditeur dandy, Émile Nourry (1870-1935) libraire-érudit et Charles Bosse (1871-1944) libraire-expert, tous trois animés à leur manière, de la même passion bouquinière.
En tous les cas, moi je me les imagine bien... pas vous ?
Enfin pour finir... il est désormais de tradition de voir ce que sont devenues en 2011 nos librairies d'antan ... Voici ci-dessous le 62 rue des Ecoles à Paris...
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne
(*) Léopold Carteret, Le Trésor du Bibliophile - Livres illustrés modernes de 1875 à 1945 et Souvenirs d'un demi-siècle de bibliophilie de 1887 à 1945 - Tome I, Paris, Léopold Carteret éditeur, 1946. (**) Sa notoriété et son extrême compétence l'ont amené à être élu président du SLAM le 26 mai 1925 avec G. Chrétien (Vice-président), M. Escoffier (secrétaire), René Colas (Trésorier), et comme conseillers: Francisque Le François, Mounastre Picamilh, H. Picard, M. Rivière-Sergent. Le bureau ainsi constitué va s'efforcer pendant trois ans de faire front à une période de difficultés économiques qui ira en s'aggravant. Déjà, chargé d'un rapport sur l'exportation des Livres précieux sous la présidence Blaizot, Nourry s'est efforcé de trouver des compromis. Il considère qu'il ne faut pas décourager l'énorme mouvement qui existe en faveur du Français et que ce mouvement en faveur de notre langue ne pourra être que proportionnel à l'importance des fonds français constitués à l'étranger. Il faut donc exporter des livres anciens tout en protégeant notre patrimoine culturel en interdisant la sortie de livres, documents ou manuscrits uniques ou réputés tels. Il suggère qu'une commission soit constituée, elle comprendrait des bibliothécaires, des douaniers, et des libraires syndiqués. Cependant, l'année suivante l'Assemblée Générale décide qu'il n'y a pas lieu de solliciter un règle- ment d'administration publique à condition que les libraires s'engagent à vendre en priorité à une bibliothèque d’État les ouvrages d'un intérêt capital. Le 28 janvier 1926, le bureau se préoccupe déjà des livres volés et rappelle que le Syndicat a fait imprimer des formulaires à la disposition des membres qui voudraient faire connaître à leurs confrères les ouvrages dérobés. Il publie la liste des membres du Syndicat, toujours soucieux de propagande, il fait savoir que 'c'est un devoir pour tous ceux qui fout commerce de livres d'occasion de faire partie de notre Syndicat.Mais, la grande inquiétude du bureau au milieu de l'année 1926concerne la dévaluation du franc. Il va publier successivement deux tableaux de concordance des prix après avoir examiné toutes les conséquences de la dépréciation du franc face à la Livre Sterling. Il fait appel à la plus grande vigilance de tous nos confrères s'ils ne veulent pas éprouver une perte réelle et racheter plus cher qu'ils ne vendent. Le premier tableau permet de réévaluer les livres cotés sur les anciens catalogues avec une majoration qui va de 50%à 5% en un an. Le second tableau propose une clef pour modifier les prix marques sur les volumes sans avoir à les effacer sans cesse: les 9 premières lettres de l'alphabet représentent les 9 premiers chiffres et la lettre S = O. Ainsi la marque en lettres contrairement à celle en chiffres ne changera pas sur les volumes. Seule son interprétation en francs sera modifiée à partir de chaque nouveau tableau réactualisé par le SLAM. Et, devant la situation économique du pays, le bureau déclare: Nous ne pouvons pas croire que notre labeur et notre vaillance qui s'incorporent au labeur et à la vaillance de tout le pays permettent une catastrophe... Nous croyons au relèvement financier de la France... nous devons participer à la contribution volontaire... . Malgré cela les banquets annuels ont lieu en février 1926 au Club de la Renaissance Française, ainsi qu'en mai 1927 et en mars 1928. A chaque fois Nourry fait preuve de verve et d'esprit en parlant ‘du bien et du mal que les libraires ont dit des femmes.Elles ont souvent traité les livres en intrus et en gêneurs mais se sont toujours montrées des compagnes et des collaboratrices dévouées et efficaces. Et il conclut par cette pirouette: ‘en vérité, les libraires, parce qu’ils connaissent les livres savent parler des femmes... (sic). Une autre fois il développe le thème suivant: Pourquoi les visages tristes sont-ils si rares, sinon introuvables parmi les libraires qui vendent des livres d'occasion ??? Les menus de ces banquets sont tantôt dessinés et gravés par Jouas, maître aquafortiste, tantôt par Louis Jou. En 1926 on remarque la présence étrangère des libraires Maggs et Rau. En 1928, Maître Maurice Garçon sera invité à présider la soirée et prononcera une allocution sur les relations particulières des libraires et des bibliophiles. Au cours de l’Assemblée Générale du 12 mai 1926, les libraires ont trouvé un 'modus vivendi' avec les commissaires priseurs après avoir protesté pour que tous les livres soient garantis et que l'on annonce clairement et sans ambiguïté leur défaut et leur manque. On publie les taxes à la vente: Ventes à la commission. 2,5%; Ventes entre libraires, 2%; ventes à l’intérieur,12%; ventes à l'exportation 12%. Dans les réunions de bureau suivantes, on établit les conditions générales approuvées par le SLAM: conditions de ventes et d’expédition, conditions de paiement, conditions spéciales pour l’étranger. Certains en viennent à proposer une addition aux statuts pour régler les différends éventuels survenant entre membres: Le Syndicat pourra se former en commission d’arbitrage afin d'arbitrer tous litiges ou contestations survenant entre des membres du Syndicat ou entre des membres du Syndicat et des tiers... Un règlement donnant la constitution et le mode du fonctionnement de la ou des commissions arbitrales sera élaboré par le bureau. Dans un autre registre, le Bouquiniste Français du 19 mars 1927 signale la parution d'un répertoire international de la Librairie Ancienne avec la liste analytique des libraires classés par pays et par spécialités. C'est la Librairie Straubing et Muller qui édite cette publication à Weimar sous le titre d'Adressbuch der Antiquare. L'Assemblée Générale du 21 mai 1928 met fin aux fonctions de Nourry dont le rôle essentiel a été de ramener la fameuse taxe de luxe de 12 à 6%, pour les livres d'une valeur de plus de 300 F, et de 6% à 3% pour les autres. On constate enfin que sa propagande active a porté ses fruits puisque le Syndicat est, alors, fort de 315 adhérents (Source site internet du SLAM)
C'est encore une fois l'excellent Léopold Carteret (*), qui grâce à une mémoire vivace et précise, nous fait revivre un instant en compagnie de ce libraire parisien d'adoption.
Portrait photographique d'Emile Nourry (1870-1935)
Carteret écrit : "Emile Nourry fut un grand libraire et un non moins grand savant ; né à Autun (Saône-et-Loire) en 1870, il mourut à Paris en 1935. Ses parents étaient libraires dans sa ville natale, ce qui contribua à lui donner l'amour des livres. Esprit critique, toujours en éveil, vivant dans un milieu catholique, il se croit appelé à la vocation sacerdotale, mais reconnaîtra bientôt qu'il va s'engager dans un voie qui ne lui convient pas. Il dévore les livres, tout l'intéresse : l'histoire, les sciences, la poésie, la nature de l'homme, la botanique, etc.... De bonne heure, l'histoire naturelle de l'homme le passionne, ses recherches tendant surtout à connaître l'homme pour le mieux diriger. Sa culture exceptionnelle lui permettait une compréhension immédiate des questions les plus délicates ; dans de multiples domaines, il a beaucoup aidé les savants et les écrivains scientifiques, son oeuvre est imposante et infiniment variée. L'étude des religions comparées, puis des croyances, usages et traditions populaires fut le but principal de ses travaux. Ardent à l'étude, d'une puissance de travail exceptionnelle, professeur par tempérament, il deviendra sous le pseudonyme de P. Saintyves un excellent écrivain qui s'attaquera à des sujets les plus divers, toujours avec compétence. La liste de ses oeuvres est fort longue ; citons : les Saints successeurs des dieux, 1907 ; les Vierges mères, 1908 ; le Discernement du miracle, 1909 ; la Force magique, 1914 ; Essais de folklore biblique, 1922 ; les Contes de Perrault, 1923 ; En marge de la Légende dorée, 1930 ; Manuel de folklore, 1937, etc...., sans compter d'innombrables études folkloriques ou relatives à l'histoire des religions (plus d'une centaine) parues dans diverses revues. Il a laissé inachevée la publication de deux grands "corpus" ; celui d'un Folklore préhistorique, dont 3 volumes ont paru, et celui d'un Folklore des eaux, dont seule l'introduction a vu le jour. Fondateur de la Société du Folklore français dont il fut l'animateur et qu'il présida de longues années, il était en même temps maître de conférence à l'Ecole d'anthropologie, et directeur de la Revue anthropologique. Adorant son beau métier de libraire, il en profita pour réunir durant quarante années une incomparable bibliothèque de la plus grande valeur, concernant le folklore. Dans une pieuse pensée, sa veuve l'a offerte à l'Institut. Emile Nourry, d'une santé délicate, fut enlevé prématurément à l'affection des siens, de ses nombreux amis et admirateurs. Son coeur était aussi noble que son intelligence était vive et sa culture immense. Comment put-il, tout en exerçant son métier de libraire, trouver le temps et le moyen de satisfaire son labeur de créateur ? Libraire à Dijon, puis à Paris, il prit dans la corporation de la librairie ancienne une place éminente ; son activité s'exerçait dans tous les domaines avec une prédilection marquée pour les livres les plus anciens : incunables, gothiques et livres du XVIe siècle ; et pour quelques spécialités qui l'intéressaient particulièrement tels les voyages, la médecine ancienne, l'histoire des religions, les sciences occultes, la chasse et la pêche. En 1925, ses confrères le choisirent comme président de leur syndicat (SLAM), rendant ainsi un hommage mérité à sa compétence professionnelle. Je me souviens avec mélancolie, puisqu'il devait disparaitre peu de temps après, que, dans un banquet, le président Barthou lui remit la croix qui récompensait ses travaux ; son grand ami, Me Maurice Garçon, avocat célèbre et érudit, qui avait séduit Nourry par son entière compétence dans le domaine des livres, prononça une allocution brossée de main de maître, c'est le cas de le dire, sur la valeur et les mérites de ce grand libraire. Combien d'hommes éminents ont goûté le charme de sa conversation si vivante et si instructive ! Anatole France, Henri Brémond, Abel Lefranc, Louis Barthou et tant d'autres parmi les littérateurs et les savants. Son collaborateur de toujours et son ami, M. Thiébaud, continue heureusement la tradition de cette firme ; il y réussit pleinement, grâce à ses qualités de lettré et d'amoureux des livres. Sa profonde admiration pour son patron lui fait le plus grand honneur." (pp. 70-72)
Je ne sais pas vous mais moi je ne peux évidemment pas m'empêcher d'avoir beaucoup de sympathie post-mortem pour ce libraire qui débuta dans ma bonne ville de Dijon et qui finit par réussir avec éclat dans la capitale.
Marquée par une flèche noire, la porte d'entrée de la Librairie Emile Nourry 12 place du Théâtre à Dijon Carte postale ancienne, vers 1900-1910
Image Google Map (2011) 12 place du Théâtre à Dijon. Librairie Le Meur, ancienne Librairie Emile Nourry
La façade n'a pas changé... l'intérieur non plus...
Pour rassurer les inquiets sur le devenir de la librairie ancienne, sachez que le n°12 place du Théâtre à Dijon n'est actuellement rien moins que le bel endroit où vous avez peut-être pu voir gambader Tristan dernièrement dans les colonnes du Bibliomane moderne. Le 12 place du Théâtre à Dijon est aujourd'hui occupé par la Librairie ancienne Le Meur (la seule librairie ancienne de Dijon désormais). C'est d'ailleurs le grand-père de M. Le Meur qui s'installa dans cette belle librairie dès les années 20. L'aménagement intérieur de la librairie n'a pas changé ou très peu depuis les années 1899 et la librairie Émile Nourry. C'est toujours émouvant pour moi d'y aller flâner.
Couverture du catalogue n°229 de la librairie Emile Nourry publié en 1930. Entièrement consacré aux impressions du XVe et XVIe siècle. Un catalogue de référence !
A titre d'exemple je vous présente la couverture du catalogue n°229 (le chiffre laisse rêveur...) de la librairie Émile Nourry, catalogue entièrement consacré aux impressions du XVe et du XVIe siècles (je vois d'ici le Textor se liquéfier sur place à la vue de tant de trésors bibliophiliques). Catalogue publié en 1930 et comprenant quelques 1.005 numéros tous plus désirables les uns que les autres. Les notices sont très bien rédigés. Ces catalogues sont aujourd'hui de précieux outils documentaires pour le libraire et le bibliophile moderne. La quatrième de couverture du catalogue indique d'ailleurs que la Maison Emile Nourry propose "un choix important d'ouvrages anciens et modernes en tous genres. L'un des plus grands stocks de Paris."
Il est amusant d'imaginer la rencontre d'Octave Uzanne (1851-1931) bibliophile-éditeur dandy, Émile Nourry (1870-1935) libraire-érudit et Charles Bosse (1871-1944) libraire-expert, tous trois animés à leur manière, de la même passion bouquinière.
En tous les cas, moi je me les imagine bien... pas vous ?
Enfin pour finir... il est désormais de tradition de voir ce que sont devenues en 2011 nos librairies d'antan ... Voici ci-dessous le 62 rue des Ecoles à Paris...
Le 62 rue des Ecoles à Paris en 2011 ...
La librairie ancienne Emile Nourry devenue une agence de voyages ...
La façade en bois a été repeinte mais on la reconnait malgré quelques modifications !!
La librairie ancienne Emile Nourry devenue une agence de voyages ...
La façade en bois a été repeinte mais on la reconnait malgré quelques modifications !!
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne
(*) Léopold Carteret, Le Trésor du Bibliophile - Livres illustrés modernes de 1875 à 1945 et Souvenirs d'un demi-siècle de bibliophilie de 1887 à 1945 - Tome I, Paris, Léopold Carteret éditeur, 1946. (**) Sa notoriété et son extrême compétence l'ont amené à être élu président du SLAM le 26 mai 1925 avec G. Chrétien (Vice-président), M. Escoffier (secrétaire), René Colas (Trésorier), et comme conseillers: Francisque Le François, Mounastre Picamilh, H. Picard, M. Rivière-Sergent. Le bureau ainsi constitué va s'efforcer pendant trois ans de faire front à une période de difficultés économiques qui ira en s'aggravant. Déjà, chargé d'un rapport sur l'exportation des Livres précieux sous la présidence Blaizot, Nourry s'est efforcé de trouver des compromis. Il considère qu'il ne faut pas décourager l'énorme mouvement qui existe en faveur du Français et que ce mouvement en faveur de notre langue ne pourra être que proportionnel à l'importance des fonds français constitués à l'étranger. Il faut donc exporter des livres anciens tout en protégeant notre patrimoine culturel en interdisant la sortie de livres, documents ou manuscrits uniques ou réputés tels. Il suggère qu'une commission soit constituée, elle comprendrait des bibliothécaires, des douaniers, et des libraires syndiqués. Cependant, l'année suivante l'Assemblée Générale décide qu'il n'y a pas lieu de solliciter un règle- ment d'administration publique à condition que les libraires s'engagent à vendre en priorité à une bibliothèque d’État les ouvrages d'un intérêt capital. Le 28 janvier 1926, le bureau se préoccupe déjà des livres volés et rappelle que le Syndicat a fait imprimer des formulaires à la disposition des membres qui voudraient faire connaître à leurs confrères les ouvrages dérobés. Il publie la liste des membres du Syndicat, toujours soucieux de propagande, il fait savoir que 'c'est un devoir pour tous ceux qui fout commerce de livres d'occasion de faire partie de notre Syndicat.Mais, la grande inquiétude du bureau au milieu de l'année 1926concerne la dévaluation du franc. Il va publier successivement deux tableaux de concordance des prix après avoir examiné toutes les conséquences de la dépréciation du franc face à la Livre Sterling. Il fait appel à la plus grande vigilance de tous nos confrères s'ils ne veulent pas éprouver une perte réelle et racheter plus cher qu'ils ne vendent. Le premier tableau permet de réévaluer les livres cotés sur les anciens catalogues avec une majoration qui va de 50%à 5% en un an. Le second tableau propose une clef pour modifier les prix marques sur les volumes sans avoir à les effacer sans cesse: les 9 premières lettres de l'alphabet représentent les 9 premiers chiffres et la lettre S = O. Ainsi la marque en lettres contrairement à celle en chiffres ne changera pas sur les volumes. Seule son interprétation en francs sera modifiée à partir de chaque nouveau tableau réactualisé par le SLAM. Et, devant la situation économique du pays, le bureau déclare: Nous ne pouvons pas croire que notre labeur et notre vaillance qui s'incorporent au labeur et à la vaillance de tout le pays permettent une catastrophe... Nous croyons au relèvement financier de la France... nous devons participer à la contribution volontaire... . Malgré cela les banquets annuels ont lieu en février 1926 au Club de la Renaissance Française, ainsi qu'en mai 1927 et en mars 1928. A chaque fois Nourry fait preuve de verve et d'esprit en parlant ‘du bien et du mal que les libraires ont dit des femmes.Elles ont souvent traité les livres en intrus et en gêneurs mais se sont toujours montrées des compagnes et des collaboratrices dévouées et efficaces. Et il conclut par cette pirouette: ‘en vérité, les libraires, parce qu’ils connaissent les livres savent parler des femmes... (sic). Une autre fois il développe le thème suivant: Pourquoi les visages tristes sont-ils si rares, sinon introuvables parmi les libraires qui vendent des livres d'occasion ??? Les menus de ces banquets sont tantôt dessinés et gravés par Jouas, maître aquafortiste, tantôt par Louis Jou. En 1926 on remarque la présence étrangère des libraires Maggs et Rau. En 1928, Maître Maurice Garçon sera invité à présider la soirée et prononcera une allocution sur les relations particulières des libraires et des bibliophiles. Au cours de l’Assemblée Générale du 12 mai 1926, les libraires ont trouvé un 'modus vivendi' avec les commissaires priseurs après avoir protesté pour que tous les livres soient garantis et que l'on annonce clairement et sans ambiguïté leur défaut et leur manque. On publie les taxes à la vente: Ventes à la commission. 2,5%; Ventes entre libraires, 2%; ventes à l’intérieur,12%; ventes à l'exportation 12%. Dans les réunions de bureau suivantes, on établit les conditions générales approuvées par le SLAM: conditions de ventes et d’expédition, conditions de paiement, conditions spéciales pour l’étranger. Certains en viennent à proposer une addition aux statuts pour régler les différends éventuels survenant entre membres: Le Syndicat pourra se former en commission d’arbitrage afin d'arbitrer tous litiges ou contestations survenant entre des membres du Syndicat ou entre des membres du Syndicat et des tiers... Un règlement donnant la constitution et le mode du fonctionnement de la ou des commissions arbitrales sera élaboré par le bureau. Dans un autre registre, le Bouquiniste Français du 19 mars 1927 signale la parution d'un répertoire international de la Librairie Ancienne avec la liste analytique des libraires classés par pays et par spécialités. C'est la Librairie Straubing et Muller qui édite cette publication à Weimar sous le titre d'Adressbuch der Antiquare. L'Assemblée Générale du 21 mai 1928 met fin aux fonctions de Nourry dont le rôle essentiel a été de ramener la fameuse taxe de luxe de 12 à 6%, pour les livres d'une valeur de plus de 300 F, et de 6% à 3% pour les autres. On constate enfin que sa propagande active a porté ses fruits puisque le Syndicat est, alors, fort de 315 adhérents (Source site internet du SLAM)
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Un lecteur attentif du Bibliomane moderne m'envoie la photo de la première de couverture du catalogue n°1 de 1911 intitulé Le Bibliophile es Sciences Psychiques, Catalogue de livres d'occasion sur les sciences occultes : Alchimie - Magie - Sorcellerie - Hypnotisme - Magnétisme - Spiritisme - Sociétés secrètes. En vente à la librairie ancienne Emile Nourry, 62, rue des Ecoles (près le Boulevard Saint-Germain), Paris. 1911.
Cet envoi très sympathique de la part d'un lecteur m'a fait pensé que j'avais acheté dernièrement 2 n° de ce catalogue, plus récents. Le n°59 de novembre 1935 et le n°60 de mai 1936. Tous les deux édités par J. Thiébaud, Librairie Emile Nourry, Successeur. Même adresse. Soit près de 2.000 numéros dans cette spécialité.
Un lecteur attentif du Bibliomane moderne m'envoie la photo de la première de couverture du catalogue n°1 de 1911 intitulé Le Bibliophile es Sciences Psychiques, Catalogue de livres d'occasion sur les sciences occultes : Alchimie - Magie - Sorcellerie - Hypnotisme - Magnétisme - Spiritisme - Sociétés secrètes. En vente à la librairie ancienne Emile Nourry, 62, rue des Ecoles (près le Boulevard Saint-Germain), Paris. 1911.
Cet envoi très sympathique de la part d'un lecteur m'a fait pensé que j'avais acheté dernièrement 2 n° de ce catalogue, plus récents. Le n°59 de novembre 1935 et le n°60 de mai 1936. Tous les deux édités par J. Thiébaud, Librairie Emile Nourry, Successeur. Même adresse. Soit près de 2.000 numéros dans cette spécialité.