lundi 2 mai 2011

Salon du livre ancien au Grand Palais (édition 2011) : trois petits jours et puis s'en vont.



Ça y est, c'est fini ! L'édition 2011 du Salon du Livre ancien au Grand Palais, à Paris, c'est terminé ! Les livres précieux ont été soigneusement remis en caisses, les vitrines démontées, les tapis rouges roulés, et ce jusqu'à l'année prochaine. J'imagine aisément le niveau d'anxiété des différents marchands-libraires lors du remballage. Ne pas endommager un livre. Le ballet des diables pourrait-on appeler cela ! J'ai connu cela moi-même lors de quelques salons et j'avoue que je ne suis vraiment pas fait pour ce genre de manifestations. Ce sont vraiment beaucoup d'efforts et beaucoup d'inquiétudes pour les livres. Gageons cependant que tout s'est bien passé pour tout le monde et que les livres et manuscrits des divers exposants sont désormais à nouveau posés sur les rayonnages de leurs librairies. Mais pas tous ! Il y eut très certainement un grand nombre de volumes vendus pendant ces trois jours. Depuis les manuscrits enluminés du XIIIe au XVIe siècle en passant par les livres illustrés modernes ou les livres d'artiste du XXe siècle, plusieurs centaines de volumes ont changé de mains pour aller s'échouer en douceur, soit sur les rayonnages d'un amateur bibliophile, soit sur ceux d'un libraire.


Pour ma part cette édition 2011 fut un bon cru. Depuis que cette manifestation se déroule sous les verrières du Grand Palais (avril 2007), lieu magnifique et vraiment propice à mettre en valeur la "bibliophilie internationale", je n'avais jamais rien ramené de mes visites annuelles. Cette année fut toute différente puisque je réalisai un grand écart des plus improbables à savoir l'acquisition dans la même journée d'un ouvrage imprimé en 1530 et un autre imprimé en 1947. Post-incunable pour l'un avec tous les émerveillements typographiques que cela suppose, illustré moderne pour l'autre avec dessin original de l'artiste. C'est ensuite un petit manuscrit daté 1810 qui attira mon regard, relié en plein maroquin du XIXe siècle. Une pièce de théâtre sur laquelle tout ou à peu près reste à chercher (et je suis curieux de nature). Le lendemain (samedi) je devais succombé à une impression de 1539 en beaux caractères de Simon de Colines dans une jolie reliure signée en maroquin du XIXe siècle. Je ne pouvais quitter le Grand Palais sans acheter le superbe ouvrage consacré à Geoffroy Tory : Imprimeur de François Ier, graphiste avant la lettre (éditions Rmn-Grand Palais, Paris, 2011, 158 pages, 35 euros). Et puis j'ai flâné, et puis flâné encore ... finalement mon regard s'est posé sur une lettre autographe signée de Victor Hugo. Toute résistance était impossible. J'ai succombé. Le prix était sympathique et la librairie qui la vendait l'était tout autant, ce qui a bien sur joué en faveur d'une abdication rapide. Cette lettre est très belle et vous en aurez la primeur très bientôt (quelques recherches qui sont en cours seront nécessaires pour en bien faire l'histoire).


J'ai quitté le Grand Palais en milieu d'après-midi samedi, satisfait. Forcément frustré face à cette immense masse de livres rares et précieux. Mais je pense que la frustration est un excellent moteur en tout ou à peu près. On devient plus exigeant dans ses choix lorsqu'on n'a qu'un porte-monnaie moitié-vide. On est moins tenté de commettre une erreur grossière.


Quelques réflexions en vrac sur cette édition 2011. Tout d'abord j'ai été très heureux de rencontrer quelques amis de la biblio-blogosphère. Je ne les cite pas, ils se reconnaitront. J'ai eu l'occasion de discuter avec quelques libraires fort sympathiques, ouverts, qui connaissaient bien leur affaire et m'ont appris quelques sympathiques petites anecdotes livresques. J'en remercie d'autres, à vrai dire j'ai deux noms sur le bout de la langue, pour leur accueil odieux ou à peu près tel. L'un me voyant prendre sur sa table pour lecture un catalogue de la quatrième partie de la vente Wittock me dit "c'est juste pour consultation !" et lui de me prendre le catalogue des mains, l'ensemble de la pile posée sur la table, et de les remettre dans un meuble-vitrine, bien cachés. Visiblement ce libraire ne souhaitait pas qu'on sache quoi que ce soit de cette vente de l'Expédition d’Égypte. Étonnant non ? Un autre, me voyant prendre son dernier catalogue sur la table me dit d'un air inquisiteur : "Vous cherchez quoi ?" Je réponds : "Des livres anciens !" et lui de me rétorquer : "Non, parce que des catalogues je n'en n'ai pas beaucoup alors..." et lui de prendre la pile de catalogues et de la retirer de sa table. J'ai conservé celui que j'avais en mains. Cet homme m’approchât de si près que je pu sentir comme une effluve vinassière caractéristique. Parait-il que ce libraire est fort sympathique ... avec ceux qui montrent bourse pleine. C'est possible. Pour ma part je me fierai donc à cette première impression et délaisserai désormais les rayonnages de ce libraire sans intérêt et fort désagréable. Néanmoins il ne faudrait pas que deux libraires sans manières n'occultent la sympathie générale et le bon accueil de tous les autres. Je maintiens que majoritairement l'ambiance était agréable.


Je dois bien avouer que je n'ai fait que survoler la partie "Estampes & Dessins" accolée au salon du livre. C'était malgré tout un coup d’œil agréable et intéressant. Cependant que dire lorsqu'une estampe de Callot ou de Gillot est proposée encadrée à 4 ou 6.000 euros quand de l'autre côté du salon on trouve un livre entier, illustré par les mêmes artistes, en reliure de l'époque, à quelques milliers d'euros ? C'est étonnant ! On ne peut que comprendre que des milliers de livres à gravures aient été cassés au cours des siècles ...

Quoi d'autre ? le stand "Politiquement incorrect ?" était à mon sens une belle initiative et l'exposition des divers titres judicieusement sélectionnés était très intéressante et bien mise en valeur. La Bibliothèque Jacques Doucet dévoilait des merveilles du XIXe et du XXe siècle essentiellement. Des reliures d'art de Rose Adler par exemple. Des manuscrits d'auteurs emblématiques.


J'avoue que j'ai certainement dû rater quelque chose. Par exemple je sais que je suis passé à côté du stand consacré aux Villages du livre. C'est dommage. Manque de temps ou de motivation ? Le stand de la BNF reprenait quelques estampes en rapport avec le thème "Politiquement incorrect ?", exposait les beaux livres de bibliographie édités par cette institution incontournable lorsqu'il s'agit de proposer des ouvrages de qualité.

En conclusion, je retiendrai qu'on peut bien sur acheter au Grand Palais, et ce, y compris lorsqu'on est libraire (j'ai d'ailleurs pu noter à plusieurs reprises de belles tractations à mots couverts entre (grands) libraires). Disons que si vous veniez au Grand Palais avec 500 euros dans la poche vous pouviez faire un bel achat. Si vous aviez entre 1.000 et 2.000 euros vous pouviez repartir avec un très beau livre, une belle reliure, une édition originale d'un bon auteur ou un bon livre de science ou de philosophie, un beau livre illustré. Évidemment il y avait comme toujours des livres incroyables, des prix stratosphériques (le prix moyen des très beaux livres rares et précieux se situe je pense entre 10.000 et 100.000 euros). Les livres proposés au delà de 100.000 euros devaient se compter malgré tout par dizaines voire par centaines.


Je pense que c'est une erreur de venir au Grand Palais si l'on pense que "le libraire est par définition quelqu'un qui a acheté le livre moins cher avant". Bien sur que beaucoup de livres provenaient des ventes de livres des années ou des mois précédents (ventes ALDE, Pierre Bergé, ARTCURIAL, PIASA, MILLON, etc.). Il faut bien que les beaux livres, les livres rares, viennent de quelque part ! Et j'aurais envie de dire à quelqu'un qui se demande pourquoi tel livre se trouve au Grand Palais à 50.000 euros alors qu'il a été vendu 20.000 euros chez ALDE, il fallait l'acheter chez ALDE !! ou ne pas regretter.


La librairie ancienne, que je n’effleure que du bout des doigts, en libraire comme en bibliophile, n'est finalement qu'un monde assez petit, clos, avec ses règles (tacites et écrites), avec ses cohérences et ses contradictions. Quoi qu'il en soit, bien que n'étant pas membre du SLAM (Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne), je suis heureux de participer, de près ou de loin, tous les ans, à cette grand messe, sans pour autant exposer.

Et pour vous, cet année, le Grand Palais, c'était comment ?

Bonne journée,
Bibliomane moderne

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