Lorsqu'un ami en bibliophilie vous offre un cadeau si bien choisi, de deux choses l'une, soit il convoite votre femme, auquel cas vous ne pouvez plus rien, soit son amitié est tenace et durable et mérite qu'on s'y attache. Comme je n'ose même pas envisager la première hypothèse, je me rabats donc sur la deuxième et offre à l'Ami bibliophile qui se reconnaitra, toute la considération due à son rang et toute l'estime nécessaire à une union fort amicale et pérenne.
Voilà t'y pas que ce matin je reçois dans un beau paquet... un livre ! Et pas n'importe quel livre ! L'expéditeur savait son affaire, savait mon uzannophilie patentée ! Ah là, j'étais définitivement touché au cœur. Touché au cœur, le mot est faible, voyez plutôt l'ouvrage que cette personne m'envoie du maître esthético-néologistico-bibliophile :
Les surprises du cœur par Octave Uzanne.
Un joli volume in-8 publié par la librairie ancienne Edouard Rouveyre, sise au 1 rue des Saints-Pères, en 1881. Une belle adresse ! Bien connue des amateurs de jolies éditions tirées à petit nombre des années 1880.
Ce charmant volume, ici imprimé sur papier vergé de Hollande, imprimé en deux couleurs (le texte en noir et les ornements et les titres des chapitres en ocre), sort des presses de la célèbre imprimerie dijonnaise Darantière. L'achevé d'imprimer en date du 20 juin 1881 pour être exact. Darantière a imprimé de nombreux ouvrages pour le compte d'Edouard Rouveyre, celui-ci en est un exemple. L'impression est impeccable, comme à l'habitude avec cet excellent typographe justement renommé. Il a par ailleurs été tiré des exemplaires de luxe de cet ouvrage, comme suit : 4 ex. sur parchemin (j'aimerais bien en attraper un...), 12 exemplaires sur Japon (ils me conviendraient parfaitement), 20 ex. sur papier de Chine (ils me procureraient un plaisir fou), 25 ex. sur papier de Renage (sans aucun doute admirables...), 55 ex. sur papier Seychal-Mill (superbe papier !!), et enfin 6 ex. sur vélin rose (délicat à souhait pour offrir à une dame...), soit un total de 122 ex. sur papier de luxe. Le tirage sur vergé de Hollande n'est pas mentionné mais on sait que ces éditions étaient imprimées en général entre 750 et 1.000 ex. Ce qui doit être le cas ici. Ce charmant petit volume contient joli frontispice à l'eau-forte dessiné et gravé par Géry-Bichard et imprimé par A. Quantin (un grand partenaire de l'édition pour Uzanne depuis les années 1880 et les débuts de la revue Le Livre qu'imprimait également Quantin avec tout son savoir faire. Le volume qui m'a été offert a été relié vraisemblablement vers 1900 en demi-chagrin de couleur rouille avec de larges coins de chagrin également. Le dos est lisse, orné en long et les fers dorés utilisés reprennent les attributs de l'amour suggéré par le titre de l'ouvrage à savoir un angelot, deux colombes et un satyre. La relieur a eu l'intelligence de conserver le premier plat de couverture illustré et imprimé en couleurs (voir photo), le second plat de couverture est également conservé et contient une réclame pour une édition Rouveyre venant de paraître.
Un bien beau livre ! Que contient-il ? Uzanne est bavard, voire même bavassier, (et là je ne le renie pas...) ceux qui le connaissent bien le savent, ça peut plaire... ou pas. Uzanne commence son ouvrage par un "A l'éditeur de ce livre" de 4 pages et daté du 10 juin 1881, où il conclut : "Une préface, écrivait Voltaire, est une prière pour les morts ; elle ne les rescussite pas toujours. Ce livre étant d'un viveur très vivant, priez pour lui, si bon vous semble." Uzanne est âgé de tout juste 30 ans lorsqu'il écrit ces lignes. L'ouvrage se poursuit avec une "Dédicace à la Maîtresse inconnue" de 6 pages et datée de Paris, le 29 avril 1881. C'est un vibrant et sympathique plaidoyer adressé à une maîtresse inconnue, chimérique sans doute, peut-être pas tant que ça dans la tête d'un Uzanne qu'on sent tout frétillant d'amour, où il écrit : "Peut-être même m'aimez-vous déjà de cet amour assoupi d'une Belle au Bois dormant, qui ne croit plus à la vie ni au soleil des âmes, et, bien que je ne sois pas le prince Charmant, il ne faudrait qu'un coup de baguette de cette bonne fée du Hasard, pour que je parvinsse jusqu'à vous à travers bois, buissons, ronces et épines, et pour que nos sentiments mutuels s'éveillassent dans une lumière d'apothéose." Ça sent sont amoureux ça non ?!! Uzanne l'était-il à cet instant où il écrivait ? on peut le supposer. De qui ? Mystère... Je ne désespère pas un jour de désemmêler les intrigues amoureuses de celui-là même qui disait qu'il préférait ne pas s'attacher à une femme par les liens du mariage pour être sûr de pouvoir les aimer toutes (lire à ce sujet son excellent Paroissien du célibataire, publié en 1890, où tout est dit ou presque sur le sujet...) Viennent ensuite les Surprises du coeur à proprement parler, elles s'ouvrent par un échange de lettres entre Suzette de Mirefleur et Gérard d'Orgy, deux amoureux transis : "Je souffre donc, et je l'avoue, etc." enfin, bref, vous voyez le genre... Cela occupe une bonne petite moitié de l'ouvrage. On trouve à la suite une nouvelle intitulée L'organe du Diable (je ne vous fais pas de résumé...), quelques anecdotiana sur l'amour intitulé "Le hasard des petits papiers", et enfin, une série de petites devises et maximes de la main du maître intitulée malicieusement : "Piments"... je cite : "La passion étant inconstante, il fallait faire le mariage indissoluble. La société a de ces logiques !" ou encore "Les femmes veulent plutôt être aimées pour ce qu'elles rêvent d'être que pour ce qu'elles sont." (on pourrait ici volontiers taxer Uzanne de Misogynie mais il n'en n'est rien...), ou enfin "Saint Augustin n'a jamais été plus grand que dans ce mot : "la femme est l'augmentatrice du péché." Dans ce petit livre se dévoile un Uzanne fougueux, sûr de lui, de ses préceptes en matière de Feminies et d'Amour. On pourrait faire son portrait psychologico-amoureux en décortiquant ces maximes et autres bluettes verbales amoureuses. Mais je ne sais pas faire ça... je laisse cela à des médecins experts en Uzannie ! Et j'en connais ! Un médecin en retraite qui voudrait jouer aux Docteur Cabanès !
Beau livre donc ! Superbe présent apprécié à sa valeur totalement subjective et un Bibliomane moderne forcément très ému donc.
Uzanne n'en n'était pas à son coup d'essai en matière de bluette amoureuse... en 1879 il avait donné dans le même format et chez le même éditeur "le Bric-à-Brac de l'amour" et l'année suivante, en 1880, "le Calendrier de Vénus"... ouvrages de la même sauce... et il poursuivra ainsi encore et encore... mais je ne vais pas vous la rejouer sur Uzanne... je vous lasserais... Je vous prie donc de vous reporter aux articles du Bibliomane moderne sur le bonhomme... il y a matière à lire. Et Uzanne ne se donne pas à qui veut ! Et ne s'apprivoise pas si facilement ! A bon entendeur...
C'est le moment de vous souhaiter, chères amies lectrices (il faut toujours commencer par les filles...), chers amis lecteurs (je sais qu'il y en a tout de même...), les meilleurs voeux du Bibliomane moderne pour la nouvelle année 2011 qui arrive à grands pas. Les dernières 24 heures de 2010 auront bientôt vécues ...
2010 est mort ! Vive 2011 !
Post-scriptum : ce livre a été particulièrement bien choisi et je tiens encore une fois à en remercier son expéditeur... Uzanne est toujours de bon conseil dans les affaires du cœur... je vais tâcher d'en faire le meilleur usage possible... ou pas.
Bertrand Bibliomane moderne
Voilà t'y pas que ce matin je reçois dans un beau paquet... un livre ! Et pas n'importe quel livre ! L'expéditeur savait son affaire, savait mon uzannophilie patentée ! Ah là, j'étais définitivement touché au cœur. Touché au cœur, le mot est faible, voyez plutôt l'ouvrage que cette personne m'envoie du maître esthético-néologistico-bibliophile :
Les surprises du cœur par Octave Uzanne.
Un joli volume in-8 publié par la librairie ancienne Edouard Rouveyre, sise au 1 rue des Saints-Pères, en 1881. Une belle adresse ! Bien connue des amateurs de jolies éditions tirées à petit nombre des années 1880.
Ce charmant volume, ici imprimé sur papier vergé de Hollande, imprimé en deux couleurs (le texte en noir et les ornements et les titres des chapitres en ocre), sort des presses de la célèbre imprimerie dijonnaise Darantière. L'achevé d'imprimer en date du 20 juin 1881 pour être exact. Darantière a imprimé de nombreux ouvrages pour le compte d'Edouard Rouveyre, celui-ci en est un exemple. L'impression est impeccable, comme à l'habitude avec cet excellent typographe justement renommé. Il a par ailleurs été tiré des exemplaires de luxe de cet ouvrage, comme suit : 4 ex. sur parchemin (j'aimerais bien en attraper un...), 12 exemplaires sur Japon (ils me conviendraient parfaitement), 20 ex. sur papier de Chine (ils me procureraient un plaisir fou), 25 ex. sur papier de Renage (sans aucun doute admirables...), 55 ex. sur papier Seychal-Mill (superbe papier !!), et enfin 6 ex. sur vélin rose (délicat à souhait pour offrir à une dame...), soit un total de 122 ex. sur papier de luxe. Le tirage sur vergé de Hollande n'est pas mentionné mais on sait que ces éditions étaient imprimées en général entre 750 et 1.000 ex. Ce qui doit être le cas ici. Ce charmant petit volume contient joli frontispice à l'eau-forte dessiné et gravé par Géry-Bichard et imprimé par A. Quantin (un grand partenaire de l'édition pour Uzanne depuis les années 1880 et les débuts de la revue Le Livre qu'imprimait également Quantin avec tout son savoir faire. Le volume qui m'a été offert a été relié vraisemblablement vers 1900 en demi-chagrin de couleur rouille avec de larges coins de chagrin également. Le dos est lisse, orné en long et les fers dorés utilisés reprennent les attributs de l'amour suggéré par le titre de l'ouvrage à savoir un angelot, deux colombes et un satyre. La relieur a eu l'intelligence de conserver le premier plat de couverture illustré et imprimé en couleurs (voir photo), le second plat de couverture est également conservé et contient une réclame pour une édition Rouveyre venant de paraître.
Un bien beau livre ! Que contient-il ? Uzanne est bavard, voire même bavassier, (et là je ne le renie pas...) ceux qui le connaissent bien le savent, ça peut plaire... ou pas. Uzanne commence son ouvrage par un "A l'éditeur de ce livre" de 4 pages et daté du 10 juin 1881, où il conclut : "Une préface, écrivait Voltaire, est une prière pour les morts ; elle ne les rescussite pas toujours. Ce livre étant d'un viveur très vivant, priez pour lui, si bon vous semble." Uzanne est âgé de tout juste 30 ans lorsqu'il écrit ces lignes. L'ouvrage se poursuit avec une "Dédicace à la Maîtresse inconnue" de 6 pages et datée de Paris, le 29 avril 1881. C'est un vibrant et sympathique plaidoyer adressé à une maîtresse inconnue, chimérique sans doute, peut-être pas tant que ça dans la tête d'un Uzanne qu'on sent tout frétillant d'amour, où il écrit : "Peut-être même m'aimez-vous déjà de cet amour assoupi d'une Belle au Bois dormant, qui ne croit plus à la vie ni au soleil des âmes, et, bien que je ne sois pas le prince Charmant, il ne faudrait qu'un coup de baguette de cette bonne fée du Hasard, pour que je parvinsse jusqu'à vous à travers bois, buissons, ronces et épines, et pour que nos sentiments mutuels s'éveillassent dans une lumière d'apothéose." Ça sent sont amoureux ça non ?!! Uzanne l'était-il à cet instant où il écrivait ? on peut le supposer. De qui ? Mystère... Je ne désespère pas un jour de désemmêler les intrigues amoureuses de celui-là même qui disait qu'il préférait ne pas s'attacher à une femme par les liens du mariage pour être sûr de pouvoir les aimer toutes (lire à ce sujet son excellent Paroissien du célibataire, publié en 1890, où tout est dit ou presque sur le sujet...) Viennent ensuite les Surprises du coeur à proprement parler, elles s'ouvrent par un échange de lettres entre Suzette de Mirefleur et Gérard d'Orgy, deux amoureux transis : "Je souffre donc, et je l'avoue, etc." enfin, bref, vous voyez le genre... Cela occupe une bonne petite moitié de l'ouvrage. On trouve à la suite une nouvelle intitulée L'organe du Diable (je ne vous fais pas de résumé...), quelques anecdotiana sur l'amour intitulé "Le hasard des petits papiers", et enfin, une série de petites devises et maximes de la main du maître intitulée malicieusement : "Piments"... je cite : "La passion étant inconstante, il fallait faire le mariage indissoluble. La société a de ces logiques !" ou encore "Les femmes veulent plutôt être aimées pour ce qu'elles rêvent d'être que pour ce qu'elles sont." (on pourrait ici volontiers taxer Uzanne de Misogynie mais il n'en n'est rien...), ou enfin "Saint Augustin n'a jamais été plus grand que dans ce mot : "la femme est l'augmentatrice du péché." Dans ce petit livre se dévoile un Uzanne fougueux, sûr de lui, de ses préceptes en matière de Feminies et d'Amour. On pourrait faire son portrait psychologico-amoureux en décortiquant ces maximes et autres bluettes verbales amoureuses. Mais je ne sais pas faire ça... je laisse cela à des médecins experts en Uzannie ! Et j'en connais ! Un médecin en retraite qui voudrait jouer aux Docteur Cabanès !
Beau livre donc ! Superbe présent apprécié à sa valeur totalement subjective et un Bibliomane moderne forcément très ému donc.
Uzanne n'en n'était pas à son coup d'essai en matière de bluette amoureuse... en 1879 il avait donné dans le même format et chez le même éditeur "le Bric-à-Brac de l'amour" et l'année suivante, en 1880, "le Calendrier de Vénus"... ouvrages de la même sauce... et il poursuivra ainsi encore et encore... mais je ne vais pas vous la rejouer sur Uzanne... je vous lasserais... Je vous prie donc de vous reporter aux articles du Bibliomane moderne sur le bonhomme... il y a matière à lire. Et Uzanne ne se donne pas à qui veut ! Et ne s'apprivoise pas si facilement ! A bon entendeur...
C'est le moment de vous souhaiter, chères amies lectrices (il faut toujours commencer par les filles...), chers amis lecteurs (je sais qu'il y en a tout de même...), les meilleurs voeux du Bibliomane moderne pour la nouvelle année 2011 qui arrive à grands pas. Les dernières 24 heures de 2010 auront bientôt vécues ...
2010 est mort ! Vive 2011 !
Post-scriptum : ce livre a été particulièrement bien choisi et je tiens encore une fois à en remercier son expéditeur... Uzanne est toujours de bon conseil dans les affaires du cœur... je vais tâcher d'en faire le meilleur usage possible... ou pas.
Bertrand Bibliomane moderne