Acquisition récente : Histoire amoureuse des Gaules par le Comte de Bussi Rabutin (sic). Édition en 5 volumes petits in-12 (14,5 x 8,5 cm), publiés sous la date de 1754, sans lieu ni nom. Je vais essayer de vous décrire le plus précisément possible l’exemplaire que j’ai sous les yeux. La collation exacte pour commencer. Tous les volumes possèdent un titre-frontispice gravé à l’eau-forte. Celui du premier volume représente deux amours enlacés dans un encadrement décoré de feuillages et de motifs rococo, il est signé des initiales « P. P. Ch. Inv. et L.L. Sc. » Le titre-frontispice du second volume, dans un encadrement similaire mais différent, montre deux colombes qui s’embrassent, il est signé des mêmes initiales. Le titre-frontispice du troisième volume montre un ensemble de fleurs, carquois et flèches, le tout dans un encadrement. Seul la signature du dessinateur « P.P. Ch. Fecit » est présente. Le titre-frontispice du quatrième volume montre une composition faite d’un sceptre, d’une couronne, d’un flambeau et d’un instrument de musique. Signature du dessinateur seulement. Enfin, le titre-frontispice du cinquième et dernier volume montre une composition faite d’une carafe, d’un plat, d’une bouteille, dans un décor floral, avec encadrement végétal. Seul le dessinateur est mentionné, comme pour les précédents. Passons à la pagination maintenant. En voici le détail :
Premier volume : 1 titre-frontispice, 1 feuillet de table des pièces contenues dans le premier tome (verso blanc), 6 pages d’avis au lecteur, XIV pages chiffrées en petit romain (lettre de Bussy au duc de Saint-Aignan), 1 feuillet blanc, 390 pages chiffrées (la dernière page se termine par un fleuron et ne comporte pas de réclame tandis que toutes les autres pages en comportent bien une, ceci indiquant bien la fin du volume, ainsi bien complet.
Deuxième volume : 1 titre-frontispice, 407 pages chiffrées. Ce volume ne contient pas de table mais le premier feuillet paginé est bien signé A, à priori il n’en faut pas. Il n’y a pas marqué FIN au dernier feuillet mais le volume est bien complet (le dernier feuillet se termine par quelques lignes seulement en haut de page)
Troisième volume : 1 titre-frontispice, 317 pages chiffrées. Ce volume ne contient pas de table mais le premier feuillet paginé est bien signé A, à priori il n’en faut pas. Il y a imprimé « Fin du tome III » à la fin du dernier feuillet.
Quatrième volume : 1 titre-frontispice, 1 feuillet de table de ce qui est contenu dans le tome IV (signé a). 272 pages chiffrées, le premier feuillet signé A. Il semblerait donc probable que les feuillets de table pour les tomes II et III manquent (ils n’ont jamais été reliés). Il y a imprimé « Fin du tome IV » à la fin du dernier feuillet.
Cinquième volume : 1 titre-frontispice, 1 feuillet de table ce qui est contenu dans le tome V (signé a). 354 pages chiffrées. Il y a imprimé « Fin du cinquième & dernier Tome » à la fin du dernier feuillet.
Description de la reliure : L’exemplaire présenté ici a été relié probablement autour de l’année 1800. Le décor des dos pourrait laisser croire un instant que la reliure date de la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec son joli décor aux petits fers, mais un bref coup d’œil sur le papier décoré des doublures et des gardes ne laisse aucun doute, ce type de décor n’existait pas avant les années 1795 ou 1800. Reliés en pleine basane racinée du plus bel effet et parfaitement conservées, ces reliures sont un exemple de ce qui se faisait de raffiné en matière de belle reliure dans les années 1795 à 1810. Malgré cela, ces reliures restent dans la catégorie des belles reliures « courantes » dans le sens où les tranches ne sont pas dorées mais jaunies et mouchetées de bleu. Ce n’est donc ni un exemplaire de grand luxe, ni un exemplaire ordinaire, à mi chemin… parfaitement conservé comme je l’ai précisé, ce qui en fait tout l’attrait et ce pourquoi je l’ai sélectionné pour faire partie de mes petits…
Concernant les titres contenus dans ces cinq volumes, voici comment ils sont répartis :
Premier volume : contient la lettre au Duc de Saint-Aignan (du 12 novembre 1665), Histoire amoureuse des Gaules (contient tous les textes habituels, Histoire de Madame de Sevigny (i.e. Sévigné), Histoire des amours de Madame de Monglas, les Maximes d’amour). On trouve en outre à la fin la traduction des épigrammes de Martial par Bussy-Rabutin. Curieusement sont annoncés dans le feuillet de table une « vie de Bussy » au début et les « Heures de Bussy » à la fin, qui ne s’y trouvent pas (!!), sans manque apparent. Notre exemplaire est en tous points conforme a celui numérisé sur Google Books et à l’exemplaire Rothschild (voir photo de la notice Rothschild).
Deuxième volume : contient « Le Palais Royal ou les amours de Madame de La Valière et autres. », « La déroute et l’adieu des filles de joie de la ville & faubourgs de Paris, etc, et la requête de Me de La Valière. », « La Princesse ou les amours de Madame. », « Junonie ou les amours de Madame de Bagneux. », « Les fausses prudes ou les amour de Madame de Brancas, et autres dames de la cour. », « Les vieilles amoureuses ».
Troisième volume : contient « Les amours de la Maréchale de La Ferté. », « La France galante ou les amours de Madame de Montespan, etc. », « Le perroquet ou les amours de Mademoiselle. ».
Quatrième volume : contient « Le Passe-temps royal ou les amours de Mademoiselle de Fontange. », « Suite de la France galante ou les amours de Madame de Maintenon, sur de nouveaux mémoires très-curieux. », « Le divorce royal ou guerre civile dans la famille du Grand Alcandre. ».
Cinquième et dernier volume : contient « La France devenue italienne avec les derniers dérèglements de la cour. », « Amours de Monseigneur le Dauphin, avec la Comtesse du Rourre. »
Provenance : L’exemplaire provient d’au moins deux bibliothèques que l’on pourrait suivre en cherchant un peu. Tout d’abord une belle étiquette ex libris, sobre, typographiée : « Bibliothèque de Luc Le Roy, Avocat. » Cette étiquette date sans aucun doute du tout début du XIXe siècle voire de l’extrême fin du XVIIIe, ce qui confirme notre datation de la reliure et indique sans doute un premier propriétaire, peut-être le commanditaire de la reliure. Tous les volumes portent cette étiquette au contreplat. On voit ensuite sur la première garde blanche (verso), le cachet rectangulaire à l’encre bleue : ANGERVILLE. Ce cachet doit dater des années 1820 à 1850, sans doute pas plus près de nous.
Voici donc l’exemplaire décrit. En français dans le texte, ou presque. Vous me direz, travail de libraire tout à fait normal en soi, mais pourquoi étaler cela dans les colonnes du Bibliomane moderne ? Tout d’abord parce que l’exemplaire est un peu un exemplaire de musée, parfait, comme je les aime. Et que j’aime bien partager ces découvertes avec vous. On ne se refait pas, hein ? (pfiou). Ensuite parce que l’autre soir je cherchais quelques informations sur cette édition que je n’avais encore jamais eu en mains depuis mes premières armes en bibliophilie… et que… et que… j’en trouve une édition presque identique, également en cinq volumes, avec les mêmes titres frontispices… mais avec une pagination totalement différente… Voyez plutôt…
Dans mon exemplaire le premier volume a 390 pages chiffrées… dans d’autres exemplaires le premier volume comporte 368 pages chiffrées… le deuxième volume a 407 pages contre 283 … le troisième 317 contre 392… le quatrième 272 contre 320 … et enfin le cinquième 354 contre 314 !! Les tables semblent disposées différemment ainsi que certains feuillets du premier volume. Les pièces présentées sont identiques dans les deux cas. Cet « autre exemplaire » est proposé par un collègue libraire en reliure du XIXe siècle. Damned ! Il existerait donc deux tirages bien distincts de cette édition de l’Histoire amoureuse de Bussy-Rabutin, et autres romans… !!!
En moins de deux le Cohen est sur mes genoux ! Cohen, édition complète de 1912… colonne 195 : la collation est précisée… et correspond à mon exemplaire hormis le premier volume qui est donné en 389 pages chiffrées… mon exemplaire est bien en 390 pages chiffrées… ça me chiffonne !!! Cohen précise par ailleurs que cette édition est assez jolie et que les titres sont l’œuvre de Choffard. Curieusement et contrairement à d’autres bibliographes, Cohen ne précise pas qu’il existe des exemplaires sur papier de Hollande (très recherchés d’après Brunet et divers autres).
Comme la plupart des catalogues consultés ne donnent aucune précision quant à la pagination exacte des volumes… pas facile de s’y retrouver !! Cette édition a toutes les caractéristiques d’une édition imprimée en Hollande. Chez qui ? Je l’ignore et les bibliographes se sont bien gardé d’avance un nom dans cette affaire. Auguste Poitevin dans sa réédition de 1857 de l’ensemble de ces romans satiriques avance la place de Londres comme lieu d’impression, sans argument.
Pour venir corroborer ce « second tirage », j’ai trouvé via Google Books une notice dans le Bulletin du Bibliophile et du Bibliothécaire de Téchener, mais impossible de remettre la main dessus… trop bien rangé sans doute… Si quelqu’un me retrouve çà !! je suis preneur. De même que je suis preneur de vos informations de pagination si vous possédez un exemplaire de l’un ou l’autre tirage de cette édition.
Cette édition que je qualifierais de « peu commune » complète et en belle condition d’époque (ici la reliure est postérieure d’une quarantaine d’année), l’est évidemment encore plus « en maroquin d’époque », encore plus… « en maroquin d’époque aux armes », encore plus rare et devenant unique avec un ex libris de Mlle de Simiane, arrière-petite-fille de la marquise de Sévigné. Gisèle de Simiane (1708-1759), l’une des trois filles de Pauline de Simiane, petite-fille de Madame de Sévigné et fille de Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan… on peut rêver… c’est Noël !! …
Quoi qu’il en soit cet exemplaire est bien bel et bon comme dirait un amateur de bonne chère (ou chair…) et il convient pour l’heure à mes envies de rabutinages …
Bonne soirée post-traumatique festive,
Bertrand Bibliomane moderne