samedi 28 février 2009

Une histoire de bouquiniste(s)... in extremis


Chers amis,

vous connaissiez deux heures moins le quart avant J.C., vous connaitrez désormais, une heure moins le quart avant minuit... ou comment publier in extremis le message du jour sur le Bibliomane moderne quand on rentre tard...

Faisons court justement (ou presque...).

Un Champerret bien morose ne m'a pas "dérouillé" ce week-end, loin de là ! J'ai plus dépensé en breuvages et nourritures terrestres diverses et variées qu'en Belles Lettres... Le manque d'envie d'acheter ? Le livre qui ne se trouve pas là où on l'attend ? Un état d'esprit distrait ? Bref, rien. Pas un livre, pas une plaquette n'aura rejoint mon sac à dos durant mon court périple Champerresque de ce début d'année... de crise semble-t-il ?!...

Après quelques vengeances mesquines sur quelque canard confit et autres Berthilloneries parisianesques, c'est au Marché Brassens (ou Brancion pour les puristes) que mon dévolu s'est porté. Et là, sans l'aide d'un ami qui, lui, avait ses yeux bien en place, je serais passé à côté d'une petite plaquette sur papier de chine de 1876 (dont je vous ferai bientôt les honneurs) et qui a finalement finie dans mon sac pour une somme assez modeste. Quelques catalogues de libraires plus loin (également dans mon sac pour quelques euros), catalogues duement estampillés des quatre lettres d'or du Parnasse bibliopolesque, sinon toujours rien. ... Le vide. Pas de livres du XVIe siècle. Pas d'ouvrages illustrés en si bon état que vous ne pouvez résister. Rien. Il fallait me résoudre à rejoindre ma vie aux champs avec ce maigre butin documentatoire (ne vous inquiétez pas pour les mots que j'invente, ce sont les miens, je les assume très bien et ça va très bien ainsi... n'est-ce pas Valérie !).

Sur un dernier coup de tête insensé (vu mon état de fatigue... deux jours à la ville... rendez-vous compte...) je file en direction de la rive gauche et me voici, comme un enfant, à fouiner sans grand espoir dans les boîtes vertes du quai St-Michel et des Grands Augustins.... Quelques mètres, quelques boîtes, misère et déception, quelques réflexions après du style "Des livres du XVIe siècle, ici ! Vous voulez rire. C'est une blague !"... Je vois bien décidément que les temps ont changés et qu'il faut se résoudre au coup de chance, à l'improbable, en un mot, au surréalisme (ce qui n'est pas trop mon truc... j'aime la Bretagne mais pas spécialement Breton...). Je repartirai donc bredouille de cette visite des quais...

Et puis, à l'angle du pont St-Michel en allant vers les Grands Augustins, une boite. Pas plus riche que les autres, certes, mais avec, dressé pile en face de moi, un livre criant ! Tout emballé de plastique anti-touriste, bien emmailloté comme un enfant pas sage.

Le voici ce livre qui me faisait de l'oeil juste en face de moi.


Diantre ! Quel beau titre !

Acheter ce titre sur les quais à Paris ! Cela ne s'invente pas ! Il y a de ces destins qui ne vous oublient pas ! Merci la vie comme dirait je ne sais plus qui...

Je connais ce livre. Je palpe. Je retourne. J'observe. Je soupèse. J'imagine comment il peut être à l'intérieur... Je cherche un marchand. Je me retourne. Quelqu'un. Ouf ! (car certaines boîtes semblent surveillées par des fantômes invisibles au commun des bibliophiles... ce qui ne permet pas... d'acheter, le plus souvent).

- Bonjour.
- Bonjour.
- Combien ce livre ?
- C'est un très bon livre. Encore hier un collègue voulait me l'acheter (que ne l'a-t-il fait ??)
- Je sais que c'est un bon livre, je le connais. Me feriez-vous un prix ?
- Non !
- Même pas un petit quelque chose pour dire...
- Non !

.... silence de ma part... je repose le livre... dubitatif...

Je quitte la boîte en ayant reposé le livre. Déçu. Je fais quelques mètres. J'hésite. J'arrive vers le quai de Conti je crois... Je fais demi tour. Me voici à nouveau devant la boîte verte délabrée. Je reprend le livre en main et me retourne vers le bouquiniste qui était au même endroit.

- Rien. Même pas 5 euros ?
- Non, rien.
- Bon, je le prends. (il y a de ces décisions lestes qu'il faut savoir prendre gaillardement fussent-elles au péril de quelques dizaines d'euros seulement...)

Je paye le brave (enfin je n'en sais rien...) bouquiniste. Je mets le livre emailloté dans mon sac. Je me dirige vers St-Michel et Notre-Dame pour poursuivre ma visite.

Je me dis que j'ai peut-être acheté ce livre alors que je n'aurais pas dû. Et puis non ! Je me dis que ce livre est bien mieux sur mes rayons qu'à misérer dans cette boîte humide, défendu par un bouquiniste un peu rude et au ton peu sympathique. Je ne lui en veux pas cependant. Il a défendu son livre. Pas avec grand tact, il faut l'avouer, mais il l'a défendu. C'est honorable.

Je repars avec un livre qui me plait, que je connais puisque j'en ai déjà un exemplaire bien relié (celui-ci est broché mais neuf, non coupé, jamais lu).

Tout en marchant, je déchire l'emaillotage étriqué qui ligotait littéralement ce bébé cadum de la bouquinisterie ; j'ouvre le volume. Il est non coupé ! Il n'a jamais été lu ! On lit sur le faux-titre un envoi de l'auteur à un bibliophile qui fréquentait visiblement assiduement les quais en 1956. C'est un des exemplaires numérotés sur beau papier. En un mot, l'affaire n'a pas été si mauvaise. Je suis tout de même heureux de mon escapade sur les rives bouquinières.

A bientôt pour discuter plus avant de cet intéressant livre,
pour l'heure, les diablotins du sommeil sont sur mes talons,
j'y cours...

Bertrand

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