Chers amis,
souvent ce qui frappe de prime abord le bibliophile, c'est une belle reliure, un beau décor aux petits fers, un maroquin d'une qualité exceptionnelle, ou une typographie gracieuse et sensuelle, une mise en page harmonieuse, un titre accrocheur même, la plupart du temps, et c'est de plus en plus valable en nos jours modernes tout tournés vers l'image et ses avatars, c'est l'illustration d'un livre qui l'emporte sur tout le reste, avec il faut le reconnaître, une légitimité parfois douteuse.
Fi des illustrés d'artistes tels que Picasso, Dali, Cocteau pour n'en citer que trois parmi les plus connus. Fi des Gus Bofa, des Fontanarosa, des Dubout, des Touchet et autres P.-E. Bécat. Ils sont tous connus et reconnus dans le monde du livre illustré, leur gloire n'est plus à faire.
Ce qui est ennuyeux, c'est que, tel le brave mouton guidé par notre bon vieux Panurge, on en finit par oublier qu'il en existe d'autres, qui méritent bien qu'on se penche un jour sur leur oeuvre, pour finalement découvrir qu'elle n'avait rien à envier aux "maîtres".
Ce n'est pas faire oeuvre de découvreur es bibliophilie que d'acheter des livres illustrés par Dali ou Picasso avec force monnaie lorsque ces deux peintres sont devenus de célèbres icônes bibliophiliques (en plus d'être les artistes que l'on sait). D'ailleurs, franchement, qui sait, peut-être leur gloire d'artiste rejaillit-elle tout naturellement sur leur oeuvre d'illustrateur, ce qui n'irait pas sans poser l'épineux problème du "carriérisme artistique" (si j'osais... bardé de mes très faibles lumières dans le domaine). Je laisse à d'autres, plus calés que moi sur le sujet, nous confirmer que c'est parce que Picasso s'appelle Picasso et Dali s'appelle Dali que leurs livres illustrés se vendent au prix safran ! Mais je dévie de l'objet initial de ce billet.
Je voulais justement vous dire que l'on peut être frappé, émerveillé, stupéfait, par le travail d'illustration d'un artiste qu'on ne connait pas ! Ni de Eve, ni de Adam...
Cela a été le cas dernièrement lorsque j'ai ouvert pour la première fois le petit volume écrit par Adolphe Retté, Paradoxe sur l'amour, publié aux édition de "La Plume" rue Bonaparte à Paris en 1893. Ce mince ouvrage d'à peine 30 pages s'ouvre sur un frontispice ahurissant de force, de douleur, de ténèbre et de blasphème. Il est signé d'Emile-H. Meyer. Je vous laisse l'admirer... ou le détester.
Frontispice à l'eau-forte par Emile-H. Meyer pour le Paradoxe sur l'amour d'Adolphe Retté (1893). Tirage à 154 exemplaire seulement.
Il y a quelque chose de christique dans cette eau-forte. De diabolique, de merveilleux et d'angoissant. Je n'arrive jamais à la regarder sans émotion. Il y a de l'Adam, de l'Eve... de la femme et de l'homme, de la vie et de la mort. Le symbolisme me semble bien présent.
Emile-H. Meyer, même si l'on trouve quelques toiles adjugées dernièrement (Artnet) n'a visiblement pas laissé une grand trace dans lé mémoire du livre illustré. Et c'est à mon sens une bavure que j'avais envie de réparer.
Connaissiez-vous Emile-H. Meyer (1) ? peintre ? graveur à l'eau-forte ?
Faites-nous partager vos impressions sur l'homme et son oeuvre.
Bonne journée,
Bertrand
(1) Nous avons trouvé sur un site américain (AskArt) la notice suivante : Born in Maryland, Emil Meyer was a painter and teacher who studied in Munich, Germany in 1891, and then settled in Washington DC, where he was active in the Society of Washington Artists. He exhibited at the Pennsylvania Academy in 1890 and the National Academy of Design in 1891. In the early 1900s, he taught at Columbia University in New York. Source: Who Was Who in American Art by Peter Falk. Né dans la Maryland, Emile Meyer est un peintre et professeur qui fit ses études à Munich (Allemagne). En 1891 il s'installa à Washington où il fut membre de la Society of Washington Artists. Il exposa à la Pennsylvania Academy en 1890 et à la National Academy of Design en 1891. Au début des années 1900 il enseigna à la Columbia University de New York.