mardi 19 mai 2015

Augustin Legrand, un pionnier inconnu du livre de jeunesse, par Jacques Desse.


Quand une étude bibliographique semble aussi passionnante dès les premières lignes, le Bibliomane moderne se doit de s'en faire l'écho, et ce avec le plus grand plaisir. Voici donc une étude inédite par Jacques Desse intitulée Augustin Legrand, un pionnier inconnu du livre de jeunesse.

Bonne lecture !


Vous pouvez lire également sur un sujet connexe : L'invention du livre à tirettes : Le livre joujou, de Jean-Pierre Brès (1831), par Jacques Desse.

dimanche 3 mai 2015

Philibert Falcoz, érudit savoyard (1867-1950)

Ce site a rendu hommage par le passé à des auteurs oubliés ou méconnus et leur a redonné une certaine gloire posthume. Il appartenait donc au Bibliomane Moderne d’honorer cet amateur d’histoire locale que fut Philibert Falcoz, érudit savoyard, académicien et membre agrégé de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie.

On rencontre de temps à autre chez les libraires ces petites plaquettes consacrées au régionalisme savoyard. (J’en rappelle la liste en annexe à cet article).


Fig 1 Les Mélanges Savoyards de Philibert Falcoz



Fig 2 Quelques plaquettes signées Falcoz



Fig 3 Notice sur Saint Hélène du Lac, 1922



Fig 4 Du même Auteur



Fig 5 Souvenirs d’un touriste à travers la Savoie, 1899


Philibert Falcoz est la figure typique de ces lettrés du XIXème siècle qui animaient les sociétés savantes et contribuaient à faire progresser les sciences humaines grâce à leurs travaux de fourmi dans les archives notariales, les chartes et les livres de comptes des siècles précédents. Il fallait posséder le latin et le grec, avoir des notions de paléographie et une bonne culture classique pour écrire dans un style souvent brillant ces sommes historiques puisées à la source (et dont les preuves, patiemment retranscrites en annexes des ouvrages, ont parfois disparu aujourd’hui). L’archiviste Gabriel Pérouse, Timoléon Chapperon ou Léon Menabrea, bien connus des amoureux de l’histoire de la Savoie, sont de ceux-là.

Philibert Falcoz fut une figure plus discrète et à mon grand étonnement, aucune monographie ne lui est consacrée. Si vous « googlelisez » son nom, vous trouverez essentiellement des notices de libraires proposant une des nombreuses plaquettes dont il est l’auteur, ou bien encore quelques références sur des blogs consacrés à l’histoire d’Arbin, village près de Montmélian (Savoie) où il a vécu et où il fut inhumé.
  
Il n’est que justice de lui dédier à notre tour une notice, lui qui, en 1924, avait conté l’histoire d’un de mes lointains ancêtres grâce à la documentation que lui avait fourni un grand-oncle, Joseph Vallin.

La quête bibliophilique conduit parfois à de curieux hasard. A quelques mois d’intervalle, je suis tombé sur une petite partie de sa bibliothèque chez un libraire grenoblois puis, au hasard d’une promenade dans le village d’Arbin, sur sa sépulture. Trouver les Mélanges Savoyards collationnés par Philibert Falcoz relevait déjà d’une prouesse mais découvrir sa tombe quasi détruite, sans vraiment la chercher, défit le calcul des probabilités ! 

Voyez plutôt dans quel état d’abandon je l’ai trouvée. Je me suis dit que la municipalité d’Arbin avait bien peu d’égards pour ses figures historiques….  Après une bonne heure de puzzle, j’ai pu reconstituer la plaque de marbre qui gisait sur le caveau depuis plusieurs mois déjà et déchiffrer le nom de notre érudit et de sa famille. 



Fig 6 Le cimetière d’Arbin en Savoie et la tombe détruite de la famille Falcoz



Fig 7 La plaque de marbre avant reconstitution



Fig 8 la plaque de marbre après reconstitution


Nous savons, somme toute, peu de chose de Philibert Falcoz, sauf ce qu’il veut bien nous dire sur lui dans ses notices et ce que laissent transparaître les brochures qu’il a patiemment collectionnées et fait relier.  Brochures qu’il entendait bien transmettre à la postérité puisqu’il avait assorti chaque volume d’un ex-libris et d’une mention : « Les brochures ont été collectionnées par Ph Falcoz, membre agrégé de l’Académie de Savoie, officier de l’instruction publique».

Philibert est né le 24 Mai 1867, place St Léger à Chambéry, il était le fils d’Alexis Falcoz, avocat né à Saint Jean de Maurienne (1821-1874) et de Jeanne Alibert (1828-1893). Google Books le qualifie parfois dans ses notices « d’Abbé Ph. Falcoz », ce qui est plutôt surprenant pour quelqu’un qui s’est marié à 27 ans avec Marie Duluc de Grenoble (1872-1947) et qui était employé au Crédit Lyonnais de Grenoble en 1892 puis de Chambéry en 1909, lors de sa seconde entrée à la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie.  Sa vocation d’abbé, s’il l’a jamais été, a dû être très furtive. Ce qui est certain c’est que mon grand-oncle l’a rencontré alors qu’il était lui-même archiviste au Crédit Lyonnais de Chambéry. D’ailleurs l’état civil mentionne à son mariage « employé de banque ».



Fig 8 bis


Philibert Falcoz eut l’existence de ces notables provinciaux que l’aisance matérielle laissait libres de se livrer à leur passion. Son père avait acheté pour le rebâtir le vieux château de la Pérouse à Arbin, en 1852. Philibert y vécut là son enfance, demeure imposante sur des fondations et une terrasse médiévale,  de quoi donner le goût de l’histoire.

C’est dans sa brochure sur Sainte Hélène du Lac qu’il nous donne le plus d’information sur sa famille et son intérêt pour les alentours de Montmélian. Au Chef-Lieu, derrière l''Eglise, se trouve  une grande maison à la haute toiture appelée « Le Château » ; elle existe toujours aujourd’hui. Construite en 1629 par noble Etienne Brunet, la demeure passa ensuite aux  mains des de Roberty, baron de Sainte Hélène du lac, puis des de Gerbaix de Sonnaz qui l’agrandirent. En 1855, le Château fut vendu à Etienne Rey, administrateur du domaine. A la mort de la veuve d’Etienne Rey en 1892, Philibert Falcoz, son petit neveu, devint héritier des deux tiers de cette propriété ainsi que du château lui-même. C’est à cette époque qu’il y séjourna et qu’il commença à écrire des notices historiques, la première sur le domaine de Combilioles à St Hélène du lac, propriété d’un cousin. En 1895, Philibert Falcoz finit par revendre la propriété à des marchands de domaines qui la morcelèrent. Malgré l’attrait du village de St Hélène, il devait être compliqué d’entretenir deux châteaux à une dizaine de kilomètres de distance !



Fig 9 Notes de Ph. Falcoz



Fig 10 Mélanges savoyards avec ex-libris



Fig 11 Mélanges savoyards avec ex-libris



Fig 12 Mélanges savoyards avec ex-libris



Fig 13 Page de titre manuscrite de Philibert Falcoz sur l’Histoire de Chambéry de L. Menabrea, ouvrage paru en livraisons et demeuré inachevé

Il écrit dans les Mélanges savoyards qu’il est Officier de l’Instruction Publique, ce qui colle mal avec son poste à la Banque, à moins d’un brusque changement de carrière au cours de sa vie, que je n’ai pas réussi à retrouver. J’en déduis que son entrée à l’Académie de Savoie, dont il semblait être très fier, lui avait permis d’obtenir les palmes académiques, honneur réservé en général aux professeurs et autres membres de l’Instruction publique.

Ce titre d’Académicien n’apparait que tardivement, alors qu’il fut membre agrégé de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie pendant une très longue période. Les statuts de la Société requéraient  que les prétendants soient majeurs. C’est donc à la séance du 20 Décembre 1891 que Messieurs Marie-Girod et Guigues présentèrent l’impétrant pour qu’il puisse être admis dès l’année 1892 à l’âge de 25 ans tout juste.

Dès cette année-là, au cours d’une séance  du 16 Novembre 1892, il donne lecture de ses travaux sur le domaine des Combilioles, à St Hélène du Lac. Par ailleurs, il travaille à une histoire de Montmélian qui parait en feuilleton dans le courrier des Alpes.

Curieusement le bulletin de la Société Savoisienne pour l’année 1909 enregistre à nouveau son entrée dans cette société savante (Séance du 21 Novembre). Il a donc quitté le cercle pour une raison inconnue. Nous pourrions penser que c’est à la suite de son éloignement à Grenoble, pour raison professionnelle, mais ce n’est pas la bonne raison puisque qu’en 1892 il est enregistré dans la liste des membres effectifs sous cette adresse : «Falcoz Philibert, au Crédit lyonnais à Grenoble». Un autre événement a dû l’empêcher d’assister aux séances. A partir de 1909, son assiduité est très grande ; Il présente ses travaux sur un rythme soutenu jusqu’au milieu des années 30 et, demeurant à Chambéry, rue Croix d’or, il lui est facile de se rendre aux séances de la Société Savoisienne qui se déroulent non loin de là, au château des Ducs. Par la suite il sera nommé Trésorier de l’association. Quoi de plus normal pour un banquier…



Fig 14 Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie, année 1892



Fig 15 Séance de la Société Savoisienne du 20 Décembre 1891



Fig 16 Séance de la Société Savoisienne du 21 Novembre 1909


En 1924, à la séance du 28 juin, alors que l’archiviste Gabriel Pérouse présidait la séance, Philibert Falcoz fit une intervention qui est resté dans les annales de l’Histoire de Savoie :

« M.Philibert Falcoz rappelle qu'en Savoie, dit-il, on nommait autrefois Sarvan (en français, servan) un esprit follet, lutin, familier, ayant des griffes et des ailes. Cet esprit imaginaire a eu pour origine le feu-follet, flamme légère et fugitive produite par des émanations de phosphore d'hydrogène qui se dégage des endroits marécageux et des cimetières; certains troncs d'arbres, en pourrissant, produisent parfois les mêmes émanations, comme le saule et le peuplier. Nos campagnards, ajoute-t-il, appelaient aussi jadis les feux-follets, parfois, les francs-maçons; ils estropiaient généralement ce mot et disaient avoir vu les flancs-maçons».

Puis la savante assemblée aborda une autre question tout aussi pointue, de celles qui font avancer les sciences.

La même année, à la séance du 27 janvier, Falcoz s’était déjà fait remarquer : « M. Philibert Falcoz présente un écusson qu'il vient de peindre pour l'offrir à la ville de Montmélian. Ce sont les armoiries de cette ville : de gueules au chef cousu de même chargé d'une croix d'argent. Ainsi, comme Chambéry, la capitale, la place forte de Montmélian portait les mêmes couleurs et le même emblème que la dynastie, avec une disposition différente. M. Carie observe que, dans le chef de cet écusson, la croix blanche affecte la même forme qu'elle avait sur les anciens pennons : allusion à l'importance militaire de la forteresse savoyarde.»

Comme on savait se distraire avant internet !



Fig.17 Recueil de Philibert Falcoz sur le Chevalier de Rosaz



Fig.18 Tonton Joseph !

J’espère vous avoir donné envie de lire les opuscules de Philibert Falcoz, en éclairant un peu la vie d’un auteur qui fut si utile pour l’histoire de sa région. Dans la brochure sur Montmélian et ses environs, l’auteur introduit son propos par cette pensée : « Tout savoyard aime d’un ardent amour le petit coin de terre qui le vit naître et qui le verra mourir, il entoure de l’affection la plus tendre la ville aux alentours gracieux où s’égarèrent ses premiers pas, et le modeste village qui ouvrit sa jeune âme aux douces émotions de la nature.»  Voilà qui résume tout Falcoz, le fil rouge de son œuvre.

Bonne journée
Textor

ANNEXE :

Bibliographie Succincte des Œuvres de Philibert Falcoz

(La plupart des travaux ont paru à la fois dans les Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie et en tirés à part, dont nous signalons les références lorsque nous en avons connaissance.)
 

1893     Communication sur le domaine des Combilioles à Sainte-Hélène-du-Lac in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, Vol. 32 (1893).
1898     L'abbé Lovet, souvenir affectueux d'un ami. Chambéry, Imprimerie Générale de Savoie.
1899     Le Bourget du lac: le château, l'église, le prieuré. Chambéry, Paris, Imprimerie savoisienne.
1899     Souvenir d'un touriste à travers la Savoie - Légendes et descriptions. in Imprimerie Générale Savoisienne.
1900     La Tour des Mollettes. Chambéry, Imprimerie Générale Savoisienne.
1910     Notice sur Montmélian.
1911     La Croix du Nivolet depuis son érection.          
1911     Notice sur la commune d'Arbin (Savoie). Chambéry, F.Gentil.
1912     La Révolution de 1848 à Chambéry.     
1912     Les ruines du château de Saint-Claude à Saint-Cassin près Chambéry. 
1912     Un récit savoyard. La révolution de 1848 à Chambéry. Chambéry, Nancy, André Perrin,             libraire.
1913     Les ruines du château de Montagny près de Chambéry. Chambéry, Nancy, André Perrin,           libraire.
1913     Notice sur la commune d'Arbin. in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, Vol. 53
1913     Souvenirs d'un touriste. Légendes et récits savoyards. Chambéry, Paris, Imprimerie savoisienne.
1914     L'abbé Lovet, souvenir affectueux d'un ami. Chambéry, F. Gentil.
1914     La Gorge de Saint-Saturnin près Chambéry (Savoie). Chambéry, Nancy, André Perrin, libraire.
1914     Les ruines du château de Saint-Cassin près Chambéry (Savoie) .
1916     La commune de Saint-Cassin sous l'administration de M. Joseph-Marie Chabord, (1892-           1914). Chambéry, F.Gentil.
1917     Le lac d'Aiguebelette et ses deux îles (légende). Poeme.
1917     Le lac d'Aiguebelette et ses deux îles. Chambéry, F.Gentil.
1917     Notice sur Aiguebelette et son lac. Chambéry, F.Gentil.
1918     Notice sur Aiguebelette et son lac. (Situation et antiquités, le château féodal, le lac, les             châteaux de l'Epine, de Montbel, et de Lépin) in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, Vol. 58.
1920     Notice sur Chambéry-le-Vieux, paroisse de Sainte-Ombre. Chambéry, Paris, Dardel, Libraire.
1922     Notice sur Sainte-Hélène-du-Lac.          
1924     Le chevalier François de Rosaz, bienfaiteur de la ville de Montmélian (Savoie) in Mémoires et    Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, (1920-1924)
1924     Le chevalier François de Rosaz, bienfaiteur de la ville de Montmélian. Chambéry, Imprimerie    Chambérienne
1925     Guide du touriste. Montmélian et ses environs avec une notice sur chacune des quatorze          communes formant ce canton, ainsi que sur diverses promenades et excursions concernant cette région. Chambéry, Imprimerie Chambérienne.
1925     Renseignements sur un prétendu projet d'insurrection attribué au clergé de Tarentaise (en          1855). in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, (1925-1926).
1925     Un épisode de la Révolution à Sainte-Hélène-du-Lac (Savoie). in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, (1925-1926)
1925     Une fête à Montmélian (Le 10 novembre 1844) à l'occasion de l'inauguration du portrait de M. le comte Pillet-Will. in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, (1925-1926).
1926     Notice sur la fonderie de canons établie à Montmélian en 1563 à laquelle se rattache la            fonderie de quelques cloches et autres objets.          
1927     Chambéry, il y a 50 ans (1877). Chambéry, Paris, Dardel, Libraire
1929     Les sapeurs-pompiers de Chambéry. Chambéry, Imprimerie Réunies de Chambéry
1929     Les sapeurs-pompiers de Chambéry. Notice historique illustrée. in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, (1927-1929).
1933     L'ours de Montagnole dit "Lalet".         
1933     Les innocents et la Maîtrise métropolitaine de Chambéry (notice historique). Chambéry,             Imprimerie Réunies.
1935     Les dangers que représentait autrefois Chambéry la nuit. Chronique chambérienne. Chambéry, Imprimerie Réunies.
1936     La chapelle du Mont-Saint-Michel près Chambéry (Savoie). Notice historique illustrée    Chambéry, Imprimeries Réunies.
1936     La chapelle du Mont-Saint-Michel près Chambéry.        
           

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