mercredi 10 avril 2019

Almanach du Vrai Morvandais. 6e Année. 1914. Imprimerie Moderne Labille-Rousseau, Saulieu. Bourgogne. Morvan. Morvand. Morvandiau. Morvandelle.


Chers amis lecteurs du Bibliomane moderne,

J'ai de profondes racines ancrées dans le Morvan. Ce Morvan pauvre et rocailleux dont Rétif de la Bretonne parlait en disant (lui l'icaunais) que ses gens étaient si pauvres qu'ils venaient jusque dans les vignobles de l'Yonne près de Sacy pour vendanger le raisin pour gagner quatre sous. Tout le monde connaît ces nourrices du Morvan qui donnèrent la tétée à des dizaines de générations de rejetons de bourgeois parisiens dont les femmes ne voulaient pas déformer leur corps en élevant un minot avec leur propre lait. Ce Morvan déshérité, posé sur le granit rose, baigné par de splendides rivières, décoré de beaux vallons et collines, théâtre du flottage du bois qui a chauffé Paris pendant plusieurs siècles, ce Morvan si cher à mon cœur a aussi reçu nombre de gamins de Paris abandonnés, "ceux de l'Assistance publique", pour y être élevés à la dur entre les écuries puantes et la cour boueuse des fermes des propriétaires terriens. Tous les morvandiaux n'étaient pas pauvres ! Ces gamins de l'Assistance, mon arrière-grand-père Louis C., né en 1870, en était. Il a été élevé dans une famille du petit village de Trinquelin, petit hameau champêtre où circule le petit cours d'eau du même nom. Trinquelin est tout proche du village de St-Léger-de-Foucheret plus connu aujourd'hui sous le nom de St-Léger-Vauban, village qui a vu naître le célèbre Maréchal de France, grand architecte et ingénieur militaire du règne de Louis XIV. Son château de Bazoches est non loin, baigné dans cette même nature sauvage du Morvan. Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban les a bien connus ces pauvres gens du Morvan, à peine logés sous des maisons recouvertes de chaume, il en a d'ailleurs tiré des conclusions sur la pauvreté du royaume de France en proposant à Louis XIV une réforme de l'imposition des plus démunis. Son Projet d'une dixme royale publié en 1707 vaudra à son auteur une fin de vie moins glorieuse que celle qu'il aurait pu attendre. Ce Projet hardi visait à supprimer la taille, les aides, les douanes d'une province à l'autre, les décimes du Clergé, les affaires extraordinaires et tous autres impôts onéreux et non volontaires. Elle visait aussi à diminuer le prix du sel de moitié et plus ; le tout devant produite au Roi un revenu certain et suffisant, sans frais, sans être à charge à l'un de ses sujets plus qu'à l'autre, qui s'augmenterait considérablement par la meilleure culture des terres. Son livre fut condamné au feu. Les « années de misère » de la fin du règne du Roi Soleil (1692, 1693 et 1694) sont des années de disette alimentaire épouvantables, qui font 3 millions de morts, soit un dixième de la population. Le Morvan n'a évidemment pas été épargné. Fin de digression autobiographique. Venons-en aux faits ! Venons-en à ce qui nous intéresse ici : les livres ! ou plutôt : Un livre !


Découverte de hasard, j'ai entre les mains un ouvrage bien modeste qui n'en n'est pas moins très rare, semble-t-il. Quel est-il ? J'y viens :

Almanach du vrai Morvandais. 6ème Année. 1914. Imprimerie Moderne Labille-Rousseau, Saulieu.

Volume de format petit in-4 (21,5 x 15,5 cm), broché (ou plutôt agrafé - deux grosses agrafes perforent le dos de part en part pour maintenir les quelques 180 pages du volume. La première de couverture (voir photo) est illustrée, au dos on peut lire imprimé en long : "ALMANACH du VRAI MORVANDAIS - 1914". La quatrième de couverture est une publicité pour la Grande Chapellerie Parisienne A. Gervais située 1, Place des Terreaux à Saulieu (Côte d'Or).

Nous allons essayer de décrire ce que contient ce volume illustré en noir et blanc et en couleurs.

Outre les nombreuses publicités pour des produits médicinaux et autres (magasins locaux ou parisiens), on y trouve :

- 1 jeu de l'oracle imprimé en couleurs (2 pages)
- 1 annuaire pour 1914
- 1 calendrier imprimé en couleurs (avec les travaux du mois aux champs et au jardin)
- des petites nouvelles en français et d'autres en morvandiau
- des illustrations hors-texte en noir et en couleurs
- des articles (pour guérir un rhume ; des recettes, des renseignements utiles, etc.)
- à la fin on trouve dans des pages supplémentaires le calendrier des différentes foires de France

Quid de cet Almanach comme il en a existé tant d'autres dans les différentes régions de France ?

Ce qu'il a de particulier cet Almanach du vrai Morvandais (certains diront Morvandiau), c'est qu'il est introuvable et qu'on en parle nulle part !

C'est d'autant plus étonnant que cet Almanach de 1914 est celui de la "Sixième Année" comme l'indique la couverture et la page de titre. Si l'on s'en tient à cette information cela signifie donc qu'il a existé antérieurement 5 années (1913, 1912, 1911, 1910 et 1909).

1909 serait donc la première année de cet Almanach du vrai Morvandais.


Nous reproduisons ci-dessous l'avis "Aux Lecteurs et aux Amis" placé en tête du volume.

          Aux Lecteurs et aux Amis,

          Au moment d'entrer dans sa 6e année d'existence l'Almanach du Vrai Morvandais a le plaisir de présenter à ses nombreux lecteurs et ami (sic) ses meilleurs vœux. Il les remercie de lui avoir réservé à chacune de ses apparitions le plus cordial et le plus encourageant accueil.
          Le Vrai Morvandais cette année comme d'habitude apporte avec lui une nouvelle série d'historiettes écrites dans le savoureux patois que tout le monde connait maintenant et qui fait rire de si bon cœur. Nous espérons que celles-ci, pas plus que leurs aînées n'engendreront la mélancolie. Grâce à la collaboration d'un jeune compatriote de talent, lauréat des Ecoles des Beaux-Arts de Dijon et de Paris, plusieurs de ces histoires sont joyeusement et finement illustrées et la couverture elle-même s'est avantageusement transformée, pour devenir plus artistique et plus attirante.
          
          Comme le Vrai Morvandais rêve d'être un modeste trait d'union entre tous ceux qui s'intéressent au beau pays qu'est le Morvan, qui aiment autant ses vieux souvenirs, ses antiques coutumes, son pittoresque langage que la fraîcheur de ses vallées et le charme mélancolique de ses montagnes, il sera heureux de publier les historiettes en patois qu'on voudra bien lui adresser. A cette publication il ne mettra que ces conditions : ne faire aucune allusion pouvant blesser les opinions politiques ou religieuses de quiconque, mais "blaguer gentiment". Les questions de personnalités sans l'assentiment des intéressés seront évitées. Quant aux noms des pays mis en jeu, peu importe, puisque ce ne seront qu'anodines plaisanteries, les habitants de ce pays (seront) les premiers à rire de cette réclame inespérée. Enfin bien que le langage morvandeau à l'instar du latin brave l'honnêteté dans le genre leste ou gaulois il faudra s'arrêter à temps et ne pas dépasser la mesure permise ... même en patois.

          L'Almanach du Vrai Morvandais.

L'envoi des articles devait se faire avant le 1er otobre.

La couverture est signée A. David. Nous trouvons des dessins signés par Poulbot, Thomen, Brun, S. d'Alba, etc. Certains textes sont empruntés à Paul Arène ou encore Pierre Luguet, Montjoyeux, Désiré Mispolet, Louis Tybalt, Henri Lavedan, Roger Régis, Michel Corday, Léo Larguier, Ernest Laut, Marcel Prévost, G. Spitzmuller, Jules Moinaux, Rallye, André Theuriet, etc.

On retiendra que cet Almanach contient 5 textes rédigés en morvandiau (patois) :

- Eine Mâtrosse Réponse
- L'Ane du Mûnier
- Le Couloû
- Le Câbinet du Ministre
- Le ratais

Nous disions donc que cet Almanach du Vrai Morvandais résiste à toutes nos recherches dans les différents dépôts publics. Aucun exemplaire n'est répertorié au CCfr (Catalogue Collectif des Bibliothèque de France). Aucune occurence dans Google ... c'est dire ! Pas plus que dans Google Books ... nada ! rein du tout comme aurait dit mon grand-père (le fils de Louis C. ... oui je sais il faut suivre).

Bref, très heureux d'avoir en mains ce précieux Almanach du Vrai Morvandais qui me rattache un peu plus à mon histoire. Louis C. avait 44 ans en 1914, son fils André C. seulement 7 ans. Louis C. ne savait sans doute pas lire ni écrire correctement le français mais le morvandiau oui ! Son fils André C. m'en a transmis quelques bribes qui me reviennent en mémoire. André C. est mort en 1999 et avec lui s'est éteint dans ma famille la pratique du Morvandiau ... Ainsi va la vie !

Si un jour vous croisez un autre exemplaire de cet Almanach du Vrai Morvandais, faites-moi signe !

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

Suivent ici de nombreuses photographies de cet Almanach du Vrai Morvandais pour vous donner une idée du contenu et de sa présentation.



























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