Voici un billet tout en images que je ne ferai précéder que de quelques mots d’explication.
La bibliophilie peut amener l’homme à s’interroger sur lui-même, parfois même profondément, lorsque ce dernier se trouve nez à nez avec un livre rare, un livre curieux, une suite d’estampes qui l’interpelle. Voici que le cas s’est présenté à moi, et je vous en fais partager les affres aussi bien que les délices. C’est ainsi que j’ai été mis devant le fait accompli : l’homme est de rien ou l’homme est de bien. Tout le moins, voici ce qu’un ouvrage a essayé de m’inculquer d’une manière tout à fait sournoise et provocante. En clair, Enfer ou Paradis. Fromage ou dessert ! Pas les deux. Me voilà ahuri devant tant de manichéisme. Il a pourtant bien fallut que je me rende à l’évidence : des actions de notre vie de tous les jours dépend notre félicité ou notre désarroi. Et là, j’ai eu peur !
Un bibliophile qui commence à flirter avec ce genre de considérations pseudo-philosophico-irrationalistes mérite-t-il toujours un titre aussi ronflant que celui « d’amateur de livres rares » ? Je venais à en douter. Mon esprit était emporté ailleurs. Et puis je me suis mis à rêver que tout ceci n’était en fait qu’une mise en scène bien réglée pour justement générer de la peur. Alors j’allai mieux ! J’avais compris qu’en d’autres temps qui ne sont pas si anciens, il était très facile d’influencer les esprits avec de belles images, de les guider, de les orienter, d’en faire des sortes d’êtres parfaits destinés au bonheur suprême.
Je m’arrête avant que de passer aux yeux de mes lecteurs pour un exalté permanent. Ce qui serait assez facile...
Faisons simple comme annoncé en préambule. Il y a déjà trop de texte par rapport à ce que j'avais prévu au départ...
Le 16 août 1837, Benjamin Delessert, Président de la Caisse d’Epargne de Paris, offre à M. Gustave Defos, un bel album in-folio à l’italienne relié demi-maroquin vert sombre. Cet ex dono est en belles lettres dorées sur le premier plat de l’album que nous ouvrons avec délicatesse :
Vice et vertu. Album moral représentant en action les suites inévitables de bonne et de la mauvaise conduite. Douze sujets composés et lithographiés par Jules David. Ouvrage qui a obtenu le premier prix de 2.000 francs proposé par M. Benjamin Delessert, Président de la Caisse d’Epargne de Paris.
Album composé d’une suite de 12 estampes publiées par Jeannin, éditeur, 20, place du Louvre, à Paris. Les estampes sortant de l’atelier de Lemercier lithographe à Paris. La suite est composée de six premières estampes qui montrent la mauvaise conduite de l’homme et ses conséquences inévitables ; les six dernières estampes montrent la conduite admirable de l’homme de bien et ses inévitables conséquences.
Toute une époque !
M. Jules David remporte ainsi le prix de 2.000 francs pour cette magnifique suite de tableaux des mœurs dissolus et honorables !
Je ne peux m’empêcher de reprendre une partie de l’avis de l’éditeur qui écrit :
« Ce sont les douze compositions de cet artiste (Jules David) qu’on offre aujourd’hui au Public, il est à espérer qu’elles auront tout le succès auquel leur but honorable les destine ; ce but sera rempli, si ces douze petits tableaux ornent bientôt la demeure de l’ouvrier et le cabinet du fabricant : en un mot, si ce petit ouvrage peut contribuer à améliorer nos mœurs. »
La messe est dite ! Amen.
Je vous laisse maintenant en compagnie de vous-même et de ces petits tableaux, effectivement jolis et forts bien dessinés sur la pierre. Vous remarquerez le souci du détail des intérieurs pris sur le vif par Jules David. On y voit même des étagères et des livres !
Maintenant, tremblez gredins de méchante espèce ! Ou réjouissez-vous hommes droits et honorables car les portes vous sont ouvertes en grand... ou à jamais fermées !
Mais au fait, dans laquelle de ces estampes vous reconnaissez-vous donc ? Vagabond ? Débauché ? Fainéant ? Misérable ? Criminel ? Bagnard ? Econome ? Travailleur ? Etudiant ? Homme heureux ? Homme récompensé ? Philanthrope ? Sympathique jeu de chaises musicales ou aujourd’hui on peut se voir propulser d’un siège à l’autre sans plus d’inconfort que cela. Mais dans ce siècle-là il n’y avait pas de place pour les changements de mœurs… enfin, c’est ce qu’essaye de nous faire accroire ce bel album que j’ai plaisir à partager avec vous et que je feuillète régulièrement comme une sorte de vaccin contre la misère ou la richesse, selon les jours...
Maintenant, place au spectacle de l’Homme ! Certains diront, encore une fois, que c’est là balivernes bien éloignées de la bibliophilie qui nous anime ici. Je répondrai simplement ceci :
« Il n’y pas de mauvaise place pour exposer les grandeurs et les misères de l’Homme. »
Note : J’ai ajouté en haut et en bas de chaque gravure la légende qui s’y trouve sur le feuillet imprimé. Vous pouvez cliquer sur chaque estampe pour en obtenir une belle vue agrandie et la punaiser dans vos toilettes...
J'ajoute la page de titre, entièrement lithographiée avec une belle vignette :
ainsi que l'avis de l'éditeur qui est à la fin :
Bonne nuit (forcément différente de la précédente maintenant...),
Bertrand
Note bibliographique : je n'ai trouvé qu'un seul exemplaire de cet album à la Bnf (Paris) sous la cote VP-20021 Tolbiac. Mais curieusement il est indiqué au format in-8 et de l'imprimerie d'Everat, ce qui ne correspond pas à notre album.
La bibliophilie peut amener l’homme à s’interroger sur lui-même, parfois même profondément, lorsque ce dernier se trouve nez à nez avec un livre rare, un livre curieux, une suite d’estampes qui l’interpelle. Voici que le cas s’est présenté à moi, et je vous en fais partager les affres aussi bien que les délices. C’est ainsi que j’ai été mis devant le fait accompli : l’homme est de rien ou l’homme est de bien. Tout le moins, voici ce qu’un ouvrage a essayé de m’inculquer d’une manière tout à fait sournoise et provocante. En clair, Enfer ou Paradis. Fromage ou dessert ! Pas les deux. Me voilà ahuri devant tant de manichéisme. Il a pourtant bien fallut que je me rende à l’évidence : des actions de notre vie de tous les jours dépend notre félicité ou notre désarroi. Et là, j’ai eu peur !
Un bibliophile qui commence à flirter avec ce genre de considérations pseudo-philosophico-irrationalistes mérite-t-il toujours un titre aussi ronflant que celui « d’amateur de livres rares » ? Je venais à en douter. Mon esprit était emporté ailleurs. Et puis je me suis mis à rêver que tout ceci n’était en fait qu’une mise en scène bien réglée pour justement générer de la peur. Alors j’allai mieux ! J’avais compris qu’en d’autres temps qui ne sont pas si anciens, il était très facile d’influencer les esprits avec de belles images, de les guider, de les orienter, d’en faire des sortes d’êtres parfaits destinés au bonheur suprême.
Je m’arrête avant que de passer aux yeux de mes lecteurs pour un exalté permanent. Ce qui serait assez facile...
Faisons simple comme annoncé en préambule. Il y a déjà trop de texte par rapport à ce que j'avais prévu au départ...
Le 16 août 1837, Benjamin Delessert, Président de la Caisse d’Epargne de Paris, offre à M. Gustave Defos, un bel album in-folio à l’italienne relié demi-maroquin vert sombre. Cet ex dono est en belles lettres dorées sur le premier plat de l’album que nous ouvrons avec délicatesse :
Vice et vertu. Album moral représentant en action les suites inévitables de bonne et de la mauvaise conduite. Douze sujets composés et lithographiés par Jules David. Ouvrage qui a obtenu le premier prix de 2.000 francs proposé par M. Benjamin Delessert, Président de la Caisse d’Epargne de Paris.
Album composé d’une suite de 12 estampes publiées par Jeannin, éditeur, 20, place du Louvre, à Paris. Les estampes sortant de l’atelier de Lemercier lithographe à Paris. La suite est composée de six premières estampes qui montrent la mauvaise conduite de l’homme et ses conséquences inévitables ; les six dernières estampes montrent la conduite admirable de l’homme de bien et ses inévitables conséquences.
Toute une époque !
M. Jules David remporte ainsi le prix de 2.000 francs pour cette magnifique suite de tableaux des mœurs dissolus et honorables !
Je ne peux m’empêcher de reprendre une partie de l’avis de l’éditeur qui écrit :
« Ce sont les douze compositions de cet artiste (Jules David) qu’on offre aujourd’hui au Public, il est à espérer qu’elles auront tout le succès auquel leur but honorable les destine ; ce but sera rempli, si ces douze petits tableaux ornent bientôt la demeure de l’ouvrier et le cabinet du fabricant : en un mot, si ce petit ouvrage peut contribuer à améliorer nos mœurs. »
La messe est dite ! Amen.
Je vous laisse maintenant en compagnie de vous-même et de ces petits tableaux, effectivement jolis et forts bien dessinés sur la pierre. Vous remarquerez le souci du détail des intérieurs pris sur le vif par Jules David. On y voit même des étagères et des livres !
Maintenant, tremblez gredins de méchante espèce ! Ou réjouissez-vous hommes droits et honorables car les portes vous sont ouvertes en grand... ou à jamais fermées !
Mais au fait, dans laquelle de ces estampes vous reconnaissez-vous donc ? Vagabond ? Débauché ? Fainéant ? Misérable ? Criminel ? Bagnard ? Econome ? Travailleur ? Etudiant ? Homme heureux ? Homme récompensé ? Philanthrope ? Sympathique jeu de chaises musicales ou aujourd’hui on peut se voir propulser d’un siège à l’autre sans plus d’inconfort que cela. Mais dans ce siècle-là il n’y avait pas de place pour les changements de mœurs… enfin, c’est ce qu’essaye de nous faire accroire ce bel album que j’ai plaisir à partager avec vous et que je feuillète régulièrement comme une sorte de vaccin contre la misère ou la richesse, selon les jours...
Maintenant, place au spectacle de l’Homme ! Certains diront, encore une fois, que c’est là balivernes bien éloignées de la bibliophilie qui nous anime ici. Je répondrai simplement ceci :
« Il n’y pas de mauvaise place pour exposer les grandeurs et les misères de l’Homme. »
Note : J’ai ajouté en haut et en bas de chaque gravure la légende qui s’y trouve sur le feuillet imprimé. Vous pouvez cliquer sur chaque estampe pour en obtenir une belle vue agrandie et la punaiser dans vos toilettes...
DEBAUCHE.
(20 ans)
(20 ans)
FAINÉANTISE.
(25 ans)
(25 ans)
MISÈRE.
(30 ans)
(30 ans)
CRIME.
(35 ans)
(35 ans)
OPPROBE.
(40 ans)
(40 ans)
ÉCONOMIE.
(12 ans)
(12 ans)
Dis-donc, Maman, quand j'aurai six francs tu les porteras à la Caisse d'Epargne. (NDLR : nous y voilà enfin... on se demandait bien où il voulait en venir le père Delessert...)
TRAVAIL.
(20 ans)
(20 ans)
ÉTUDE.
(25 ans)
(25 ans)
BONHEUR.
(30 ans)
(30 ans)
Oui, ma fille, je crois faire ton bonheur en te donnant pour époux André qui dès aujourd'hui est mon associé. (NDLR : On voit bien tout le bonheur de la jeune fille sur ce visage épanoui...)
RÉCOMPENSE.
(45 ans)
RÉCOMPENSE.
(45 ans)
PHILANTROPIE
(50 ans)
(50 ans)
Tenez, Monsieur le Curé, Dieu a béni mes travaux, distribuez-ça pour moi aux pauvres ouvriers. (NDLR : notez bien que finalement dans cette logique la vertu entretient le vice... puisque l'ouvrier peut donc aller boire un coup et que nous sommes renvoyé à l'estampe N°2... CQFD)
J'ajoute la page de titre, entièrement lithographiée avec une belle vignette :
ainsi que l'avis de l'éditeur qui est à la fin :
Bonne nuit (forcément différente de la précédente maintenant...),
Bertrand
Note bibliographique : je n'ai trouvé qu'un seul exemplaire de cet album à la Bnf (Paris) sous la cote VP-20021 Tolbiac. Mais curieusement il est indiqué au format in-8 et de l'imprimerie d'Everat, ce qui ne correspond pas à notre album.