Le mercredi est le jour des enfants ! Ce matin le programme était chargé. Pourtant le timing serré m'a permis en fin de course (c'est le cas de le dire) de passer voir l'exposition de reliures Daniel Knoderer à la Médiathèque Jacques Prévert à Montbard, tout près de chez moi. Patrie du grand Buffon, ville du TGV (qui me permet d'être à Drouot en tout juste un peu plus d'une heure), ville d'art et d'histoire comme on aime dire en France en général. Concernant l'histoire c'est certain que Buffon, avec son cabinet de travail dans la tour de son château et les Forges qui sont toutes proches (village qui porte le nom même de Buffon), concernant l'art, j'ai envie de dire que la ville fait ce qu'elle peut, qu'elle se démène pour animer ses rues et ses habitants d'un goût éclectique pour l'art dans tous les genres. Et ce n'est déjà pas si mal pour une petite bourgade de moins de 6.000 habitants. J'ai donc poussé les portes de la Médiathèque et, tout de suite à l'entrée, à droite, on pouvait voir des éclatements multicolores, des formes ahurissantes, et pour celui ou celle qui savait regarder, des livres ...
Qui est Daniel Knoderer ? Un artiste lui a été consacré dans l'excellente revue Art & Métiers du Livre (n°250 - octobre/novembre 2005). Je vous invite à le lire. La librairie Privat-L'art de voir présentait alors "une rétrospective des œuvres de Daniel Knoderer. Une sélection d'une soixantaine de reliures, réalisées entre 1977 à 2005, offre l'occasion de découvrir le travail de ce relieur longtemps marginalisé à la fois par le milieu et les collectionneurs."
"De formation très classique, Knoderer réalise d'abord des reliures « jansénistes » d'un grand dépouillement. Puis, dès 1977, il libère son imaginaire au profit d'un décor fantastique qui déborde le livre, le phagocyte. L'objet seul compte, oubliant le texte qui parfois ne peut être lu. Surgissent alors des assemblages/sculptures, mosaïques de matériaux étranges, hétéroclites, tirés de la vie quotidienne : lame de rasoir, morceaux de transistor, fils électriques, le tout, animé. Des livres que l'on doit voir de tous côtés, tuant à jamais la notion de bibliothèque." (Le Point - Publié le 02/03/1996).
L'atelier dans lequel travaille Daniel Knoderer n'est pas très éloigné de Montbard, à Molesme pour être exact. "Il crée des pièces uniques, expérimentales, à la fois sculpturales, picturales et musicales, à travers lesquelles s’exprime l’esprit inventif et fantasque de leur auteur. Ces livres aux formes inédites invitent au voyage et préparent à la lecture. Créateur de ces reliures originales qui sont de véritables œuvres d’art, Daniel Knoderer utilise tous les matériaux dont il dispose, les plus usuels qu’il détourne de leur fonction initiale et qu’il transforme au gré de sa volonté et de son imagination." (Le Bien Public - 17 mai 2012).
La revue de presse étant faite, le mieux est de se faire son idée par soi-même, de visu si possible. Que retient-on de prime abord de ces reliures fantasques ? La forme : Knoderer n'a aucune limite. Les plats des volumes peuvent tout à fait déborder, s'arrondir, devenir pointus, prendre du volume, rien ne l'arrête. La couleur : Knoderer utilise des couleurs vives, criardes, presque toujours mélangées pour faire comme aboutir à une explosion multicolore sans limite, encore une fois. Le livre : absent, très absent. Je serais bien en peine de vous dire le titre d'un seul des ouvrages sur lesquels étaient posés ses reliures explosives. Le livre, le contenu, le texte est littéralement balayé par l'enveloppe décorative. La présentation : les reliures sont parfois présentées à plat, ou debout, à vrai dire cela dépend de ce qu'il est possible de faire avec telle ou telle, car pratiquement aucun des volumes que j'ai pu voir n'a la forme traditionnelle d'un livre qu'on peut ranger dans une bibliothèque, que ce soit debout ou même à plat.
Alors ? Qu'ai-je vu ? Des livres ? Des livres-objets ? Des objets ? Des oeuvres d'art ? A vrai dire je préfère vous laisser répondre à cette épineuse question.
Je ne suis pas très connaisseur en matière d'art moderne. Je ne suis pas très amateur non plus. Pendant que je regardais cette exposition déroutante je ne pouvais m'empêcher de penser au fameux monochrome de Whiteman ou à ce mobile de Kundelitch, vous voyez ? Il y a quelques chose qui me gêne par dessus tout en matière d'art, c'est lorsque j'ai (en tant qu'observateur) la désagréable sensation que l'artiste s'est méchamment foutu de ma gueule (je ne trouve pas d'autre expression adéquate). Est-ce ici le cas ? Possible, ou pas. Quelqu'un m'a dit un jour qu'en matière d'art (et notamment d'art moderne) il fallait avoir constamment deux choses à l'esprit : la première étant que pour devenir un artiste reconnu, adulé, coté (disons le mot), il faut (et c'est impératif) "avoir le premier une idée complètement nouvelle et l'exploiter pour en faire une image récurrente" (par exemple les compressions de César, Bernard Venet avec ses sculptures d'acier rouillé gigantesques, etc). Bref, faire autrement, faire nouveau, imposer sa marque de fabrique. A vrai dire peu importe le sens, l'idée ou bien la beauté des choses : il faut faire sensation ! Et inutile de venir à la suite d'un César et de proposer d'autres compressions... c'est fini ! Inutile de vouloir faire du Knoderer après Knoderer, c'est fini ! Ainsi cela peut vous paraître difficile de devenir artiste et d'avoir une grande notoriété, mais en fait pas tant que cela. Il vous suffit de réfléchir un peu à ce qui n'a encore jamais été fait (repousser les limites de l'art - on assiste bien à cela) et vous y tenir. A vous de jouer !
Certains diront qu'ils voient bien où je veux en venir et que je suis un goujat inculte. Et ils auront probablement raison. Malgré tout, en ce qui concerne le livre, je reste attaché aux éléments suivants : un livre doit inviter à la lecture, pouvoir se tenir en mains d'une manière agréable et pratique, pouvoir se ranger et se prendre facilement sur les rayons d'une bibliothèque. Oui je sais, ça sent son vieux réactionnaire du centre, mais que voulez-vous, je suis encore de cette ancienne école qui pense que les livres sont avant tout fait pour être lus.
Qu'en pensez-vous ?
Je joins à cet article quelques unes des créations de Daniel Knoderer exposées et que j'ai pu voir ce matin.
Note : pour information, une reliure de Knoderer n'a pas trouvé preneur à la dernière vente ALDE du 15 mai 2012 à Paris. Voici le descriptif et la photographie de l'oeuvre. Estimation 10.000 / 12.000 euros.
KNODERER (Daniel).
Le Déluge. Reliure-sculpture d'environ 60 x 55 x 35 cm, composée de plaques modelées en plastique peint à l'acrylique de couleur rouge, bleue, jaune, et assemblées au moyen de boulons et d'écrous, entourant une structure en papier aluminium, ménageant une boîte fermée par un couvercle contenant un livre broché (Knoderer 1985).
Bourdois, Reliures d'art. Knoderer - 150 reliures, Bibliothèque historique de la ville de Paris, 1993. Importante sculpture accompagnée de 10 dessins-collages originaux de DanielKnoderer numérotés et paraphés par lui.
Au cœur de la sculpture, le sculpteur-relieur a disposé une boîte fermée contenant l'ouvrage et les dessins. Reliure réalisée pour : J. M. G. Le CLÉZIO.
Le Déluge.
Paris, Gallimard, 1966.
In-8, broché, sous couverture imprimée.
Édition originale.
Un des 85 exemplaires numérotés sur vélin pur fil Lafuma-Navarre, second papier.
Il a été signé et daté par le relieur sous la justification du tirage. Daniel Knoderer est l'un des relieurs contemporains les plus avant-gardistes, qui tire son inspiration des textes eux-mêmes : Toute l'atmosphère qui se dégage d'un livre s'impose à moi et je tente de la restituer à travers mes créations. ÉBLOUISSANTE COMPOSITION DE DANIEL KNODERER, REPOUSSANT LES LIMITES ENTRE SCULPTURE ET RELIURE DANS UNE VOLONTÉ D'INSÉRER SYMBOLIQUEMENT LE LIVRE AU CŒUR DE LA CRÉATION CONTEMPORAINE. Provenance : exposition « Cest Vrai », galerie Denis Bosselet, 1985. Quelques éléments détachés sont joints.
Le Déluge. Reliure-sculpture d'environ 60 x 55 x 35 cm, composée de plaques modelées en plastique peint à l'acrylique de couleur rouge, bleue, jaune, et assemblées au moyen de boulons et d'écrous, entourant une structure en papier aluminium, ménageant une boîte fermée par un couvercle contenant un livre broché (Knoderer 1985).
Bourdois, Reliures d'art. Knoderer - 150 reliures, Bibliothèque historique de la ville de Paris, 1993. Importante sculpture accompagnée de 10 dessins-collages originaux de DanielKnoderer numérotés et paraphés par lui.
Au cœur de la sculpture, le sculpteur-relieur a disposé une boîte fermée contenant l'ouvrage et les dessins. Reliure réalisée pour : J. M. G. Le CLÉZIO.
Le Déluge.
Paris, Gallimard, 1966.
In-8, broché, sous couverture imprimée.
Édition originale.
Un des 85 exemplaires numérotés sur vélin pur fil Lafuma-Navarre, second papier.
Il a été signé et daté par le relieur sous la justification du tirage. Daniel Knoderer est l'un des relieurs contemporains les plus avant-gardistes, qui tire son inspiration des textes eux-mêmes : Toute l'atmosphère qui se dégage d'un livre s'impose à moi et je tente de la restituer à travers mes créations. ÉBLOUISSANTE COMPOSITION DE DANIEL KNODERER, REPOUSSANT LES LIMITES ENTRE SCULPTURE ET RELIURE DANS UNE VOLONTÉ D'INSÉRER SYMBOLIQUEMENT LE LIVRE AU CŒUR DE LA CRÉATION CONTEMPORAINE. Provenance : exposition « Cest Vrai », galerie Denis Bosselet, 1985. Quelques éléments détachés sont joints.
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne
Du 09/05/2012 au 09/06/2012 - 21500 Montbard
DANIEL KNODERER : A REBROUSSE-POIL
du mercredi 9 mai au samedi 9 juin 2012 aux horaires d'ouverture de la bibliothèque et les samedis de 10h à 18h - fermeture le samedi 26 mai
Bibliothèque Jacques Prévert - Montbard
Totalement à rebrousse-poil dans son domaine, Daniel KNODERER, artiste-relieur, s'expose à la bibliothèque Jacques Prévert. Indomptable, baroque, inventif, jubilatoire sont des qualificatifs qui conviennent pour caractériser son art. Relieur, sculpteur mais aussi musicien, il est curieux par définition.
Tout public
Renseignements : 03 80 92 27 32