vendredi 29 juin 2012

Du double jeu des estimations basses et des résultats faramineux ...


Les Oeuvres de Jean-Antoine Baïf (1572-173), 4 volumes petit in-8,
maroquin de Trautz-Bauzonnet, estimé 2.000 / 3.000 euros
Adjugé le 6 mars 2010 pour 21.000 euros (soit 137.750 francs d'avant la crise ...)


Le 6 mars 2010 s'est vendu à Bruxelles (Belgique) chez Ferraton, un très bel exemplaire complet des quatre volumes des Oeuvres de Jean-Antoine de Baïf. Exemplaire de qualité relié néanmoins au milieu du XIXe s. par une signature des plus recherchées, Trautz-Bauzonnet, les quatre volumes sont en maroquin rouge avec fleurons au dos des volumes et grand fer losangé au centre des plats. Un ensemble en tous points parfait (presque - en dépit de quelques petits défauts internes signalés dans la fiche bibliographique signalée ci-dessous) :

Jean-Antoine de Baïf. [Oeuvres en rime]. Paris, L. Breyer, 1572-1573, maroquin de Trautz-Bauzonnet. Edition collective en grande partie originale. Jean-Antoine de Baïf. [Oeuvres en rime]. Paris, L. Breyer, 1572-1573, 4 volumes petit in-8°, plein maroquin rouge, dos à 5 nerfs, auteur, titre, lieu et date dorés, fleurons dorés entre les nerfs, grand décor floral en losange doré au centre des plats, double filet doré sur les coupes et les coiffes, dentelle dorée sur 3 côtés des contreplats, contreplats et gardes en papier peigné, tranches dorées sur marbrure, étui moderne commun gainé et bordé de maroquin rouge, ex-libris doré moderne (reliure de Trautz-Bauzonnet). Les 4 volumes, ornés de bandeaux, culs-de-lampe et initiales historiées gravées sur bois, sont entièrement réglés à l'encre rouge.

Les « Oeuvres en rime » constituent l'édition collective en grande partie originale des oeuvres poétiques de Baïf. Ce n'est pas une nouvelle édition de ces oeuvres, c'est la réunion des éditions déjà parues, sous les mêmes dates : 1° Les Oeuvres en Rime de 1573 (édition originale), qui se trouvent donner au recueil son titre général, par commodité probablement, et bien que d'une date postérieure à deux des autres ouvrages qui le constituent ; 2° Les Amours de 1572 (qui contient les deux livres des Amours de Méline déjà publiées en 1552, les quatre livres de l'Amour de Francine déjà parus en 1556 et trois livres de Diverses Amours en édition originale ; 3° Les Jeux de 1572 (édition originale) ; 4° Les Passe-Temps de 1573 (édition originale). 

La pagination de ces quatre ouvrages réunis n'est pas continue.

Description des quatre volumes :

1° Euvres en / Rime de Ian / Antoine de Baif / Secretaire de / la Chambre / du Roy. / A Paris, / Pour Lucas Breyer Marchant Libraire te- / nant sa boutique au second pilier de / la grand' salle du Palais. / M. D. LXXIII. [1573] / Avec privilège du Roy. / 8 feuillets non chiffrés dont le titre, 1 feuillet non signé (extraict du privilège), 272 feuillets foliotés (le f. 84 est paginé 77, du f. 94 au f. 104 toute la pagination est erronée). Tchemerzine signale 10 feuillets préliminaires, l'exemplaire n'en compte que 9.

2° Les Amours / de Ian Antoine / de Baif. / A / Monseigneur le / Duc d'Anjou fils et / Frere du Roy. / A Paris, / Pour Lucas Breyer. 1572. / 8 feuillets non chiffrés dont le titre, 232 feuillets foliotés (le f. 31 non paginé, f. 116 paginé 117, 1 rousseur pâle à qq. ff.). Contient 6 poèmes d'Etienne de la Boétie.

3° Les Ieux de / Ian Antoine / de Baif. / A / Monseigneur le / Duc d'Alençon. / A Paris, / Pour Lucas Breyer Marchant Libraire tenant / sa boutique au second pilier de la grand' salle / du Palais. / M. D. LXXII. [1572] / Avec privilège du Roy. / 4 feuillets non chiffrés, 232 feuillets foliotés (le f. 209 est paginé 210, f. 216 est paginé 217, f. 218 est paginé 821, f. 228 non chiffré, f. 230 est paginé 228, f. 232 est paginé 230, titre légèrement sali, manque un petit coin de papier à la fabrication au f. 11). La date du titre a été changée en celle de 1573 par l'adjonction manuscrite d'un I au chiffre M.D.LXXII comme à plusieurs exemplaires pour uniformiser la datation des 4 volumes.

4° Les / Passetems / de Ian Antoine / de Baif. / A / Monseigneur / Le Grand Prieur. / A Paris, / Pour Lucas Breyer Marchant Libraire te- / nant sa boutique au second pilier de / la grand' salle du Palais. / M. D. LXXIII. [1573] / Avec privilège du Roy. / 4 feuillets non chiffrés dont le titre, 128 feuillets foliotés par erreur 126 (l'erreur se produit aux ff. 101 à 104 qui sont paginés deux fois, et aux ff. 114, et non 117 comme l'indique Tchemerzine, et 118 qui font défaut dans la pagination) (Tchemerzine/Scheler, I, 264-279 avec plusieurs fac-similés ; pas dans Adams).

Jean-Antoine de Baïf est le fils naturel de Lazare de Baïf, ambassadeur du roi auprès de la République de Venise. Lazare de Baïf ne pouvait pas se marier à cause de son état ecclésiastique, mais il reconnut l'enfant, en prit soin et, lui-même humaniste extrêmement cultivé, lui fit donner une excellente éducation - un de ses maîtres fut Dorat - et le nomma son héritier universel. Après la mort de son père (1547) Jean-Antoine suivit Dorat au collège de Coqueret, dont son précepteur allait devenir principal, et il y fit la connaissance de Ronsard et de du Bellay. Emule de ses amis, il publia en 1552, âgé à peine de vingt ans, son «canzoniere», Les Amours, en deux livres, qui chantent une femme idéale, Méline. Deux ans plus tard, au cours d'un séjour à Poitiers en compagnie de Jacques Tahureau, il fit la connaissance d'une jeune femme, Françoise de Gennes, qu'il a chantée sous le nom de Francine dans Les Amours de Francine, (1555). En quatre livres : près de deux cent cinquante sonnets et une quarantaine de chansons. Etant entré dans les ordres, il put obtenir quelques bénéfices ecclésiastiques et fut enfin nommé par Charles IX secrétaire de la chambre du roi, ce qui lui permit de vivre à Paris dans l'entourage immédiat du souverain. S'étant associé avec le musicien Thibaut de Courville, il fonda en 1570, grâce à la protection du roi, une «Académie de poésie et de musique», qui se proposait notamment la réalisation, sur un plan expérimental, d'une idée chère à la Pléïade à ses débuts, celle de l'association intime entre poésie et musique, première ébauche, en fait, du Conservatoire. En 1572 il fit paraître ses Oeuvres en rime, en quatre volumes, réunissant sa production de vingt ans, neuf livres de Poèmes, neuf livres d'Amours, cinq livres de Jeux, cinq livres de Passetemps. (notice Ferraton, Bruxelles).

On ne peut faire plus complet !

Et tout ça sur une estimation à 2.000 / 3.000 euros frisant le ridicule d'assez près.

Résultat des courses : 21.000 euros au marteau ! (et là le ridicule ne tue plus... il fait devenir un peu plus riche).

Riche d'enseignements je veux dire ! Car de deux choses l'une, soit vous n'avez pas eu le résultat de cette vente et vous pensez que votre exemplaire relié par Trautz vaut 2.000 / 3.000 euros (car vous n'êtes décidément pas bibliophile et vous vous fiez aux estimations des experts les yeux fermés car ce sont des experts et que des experts savent c'est même pour ça qu'on les paye), soit vous avez le résultat de la vente à 21.000 euros (soit en gros dix fois l'estimation basse...) et vous vous savez riche à millions. Dans un cas comme dans l'autre, bien malin qui pourra dire, ce qui est bien ou mal. Savoir ou ignorer. Croire ou ne pas croire. Car enfin nous savons bien depuis un moment déjà, puisqu'on n'arrête pas de nous le rabâcher, qu'être expert n'est absolument pas "donner à l'avance le prix des livres", car en ce cas cela reviendrait à s'appeler Nostradamus ou Joseph Moult !

Bref, comme vous le voyez par le truchement de cet exemplaire choisi, il ne faut (jamais) pas toujours regarder dans un catalogue l'estimation (seule) d'un lot ... surtout pas plusieurs mois après la vente ... une fois que l'effervescence est passée, que les livres redeviennent sages (et les acheteurs aussi). Pour ma part j'ai eu accès à ce résultat parce que je suis abonné à auction.fr (site internet payant qui référence les ventes de dizaines de milliers de livres passés en vente aux enchères ces dix ou quinze dernières années, en France et à l'étranger (Europe surtout). Mais ce résultat est-il accessible à tous ? Je n'ai pas cherché à le savoir. Je vous laisse me le dire.

A noter par curiosité que la Librairie ancienne Sourget (Chartres) proposait (et propose encore - actuellement encore en ligne tout au moins) un exemplaire en plein vélin à recouvrement (vélin du XIXe s.), exemplaire relié pour Sainte-Beuve vers 1830, complet des quatre volumes, au prix de 17.500 euros. Exemplaire non lavé (ce qui n'est certainement pas le cas de l'exemplaire relié par Trautz-Bauzonnet mentionné ci-dessus). Cherchez l'erreur !? La librairie ancienne, dans ces cas là, aussi dénigrée qu'elle peut l'être, reste en lice. Mais il paraît que celui qui achète en salle n'a jamais tort, que de toute façon il n'était pas seul (on rigole quand on connait les procédés employés parfois pour faire croire à la multitude ...), et qu'au final, même s'il a tort, cela ne se fait pas d'avouer publiquement ou même (surtout) en privé, qu'il s'est fait ... (je vous laisse trouver le terme le plus adéquat ... on l'a tous vécu au moins une fois). Oui je sais ... ça fait mal ! (sourire).

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 26 juin 2012

« Un Siècle de Gloire Française : Dans l’intimité des personnages illustres »

Je pensais bien attirer l’attention de Bertrand en publiant il y a quelques jours ce portrait photographique peu connu de Guy de Maupassant sur ma page facebook [NDLR : oui le Bibliomane moderne a sa page Facebook - tout le monde est invité à faire ami-ami avec elle, la porte est grande ouverte - vous y découvrirez des bonus et des super-bonus bibliomaniaques et iconographiques]. Il n’avait pas été sans me rappeler l’article qu’il nous avait proposé il y a quelques mois sur le tableau qui l’intriguait.

Guy de Maupassant en 1890


Cette photo est issue d’une série de douze albums publiée dans les années 1950 par Maurice Devriès qui regroupe une collection impressionnante de clichés photographiques sous le titre complet de : « Un Siècle de Gloire Française : Dans L’intimité des personnages illustres »

Les albums sont présentés comme étant la reproduction fidèle d’une collection familiale commencée en 1845 par Pierre-Marie Lizerolles, contrôleur des finances, qui compilera le premier album voulant regrouper « un panorama de portraits des plus hautes personnalités de l’Etat, des Sciences, Arts, Lettres, Théatre et autres domaines ». Il confiera la tâche de poursuivre ce recueil à son petit-fils J.M. Dufrénoy en 1867 qui signera les quatre albums suivants. Ses forces le trahissant en 1917, Dufrénoy passera à son tour le flambeau à son neveu Maurice Seirved [Sic]. On voit donc que c’est en fait l’éditeur qui se cache derrière cette jolie comptine et je dois avouer que l’idée est fort bien réalisée (changement de style d’écriture, gribouillage d’enfant, corrections à la plume…). Il faut dire que Maurice Devriès était passé maitre dans l’art du fac-similé, sa maison d’édition était en partie spécialisée dans la reproduction de documents de la BNF (Je vous recommande à ce titre la série « Le Reliquaire de la France »). On le sait également grand collectionneur de plaques photographiques et c’est sans doute dans ses fonds personnels qu’il s’est fourni pour nous livrer cette série d’albums. Les albums se présentent sous la forme d’in-4 à l’italienne dont la couverture cartonnée est gaufrée dans l’esprit début du siècle. Chaque album est composé de 12 pages cartonnées non numérotées, les feuillets étant simplement retenus par un lien de coton. Chaque page porte un à quatre clichés collés, avec en dessous une brève notice biographique « manuscrite » souvent amusante.

Photographies des albums



A priori pas de quoi enflammer l’âme d’un bibliophile exigeant, mais tout l’intérêt de cette collection réside dans le choix des clichés présentés. Ils sont pour la majorité rares, peu diffusés et donc peu connus, le plus souvent insolites et en tout cas toujours intéressants.

On croise ainsi le regard plein de conviction d’un Victor Hugo prenant la pose en 1853.


Victor Hugo en 1853




Un Edmond de Goncourt qui bouquine à l’orientale, 1891.




Poulbot dressant son chien, 1909.




Leconte de Lisle, alors bibliothécaire du Sénat et qui devait faire peur aux enfants, 1877.




Le Pr Guyon, en 1903, inventeur d’un instrument qu’il tient dans les mains permettant de broyer les calculs dans la vessie (oui, il est bien sensé passer par les voies naturelles…).




Edmond Rostand à son bureau, 1908.




La notice d’Ernest Legouvé, 1887.




Claude Debussy photographié accoudé sur sa clarinette basse en 1909 par Pierre Louys.




Manet et Mallarmé en charmante compagnie.




Ernest Renan dans sa bibliothèque citadelle, 1890.




Truffage ! La tour Eiffel en construction.




La dernière photo connu de Napoléon III en exil, peu avant sa mort.




Emile Zola déjeune en famille, 1899.



Voilà ce qu'on pouvait vous montrer en quelques photos tirées de ces jolis albums. J’aurais pu en sélectionner des dizaines d’autres mais autant vous laisser les découvrir à lecture de ces albums. Pour ma part c’est une collection que je complète petit à petit pour ma chère et tendre qui en avait hérité de quelques-uns. Mais l’ensemble complet peut se trouver assez facilement pour une somme modique.

Bonne journée,
SebV

samedi 23 juin 2012

L'étrange volume broché publié en 1904 à Paris par P.-V. Stock ! (suite et fin).


Pour faire suite et fin au billet d'hier qui vous demandait si vous connaissiez ce petit ouvrage publié en 1904 chez P.-V. Stock à Paris, voici l'intégralité de l'illustration de ce curieux volume. C'est un volume de format in-8 plutôt carré (19,5 x 14,5 cm). Je l'ai sous les yeux dans sa version brochée et je dois bien avouer que j'ai été contraint malgré moi de le couper ... car il était à l'état de neuf, non coupé, donc jamais lu. Il a été imprimé sur un beau papier vergé de type papier de Hollande.

Ce petit volume négligé des historiens du livre et des bibliographes, même s'il n'est pas inconnu, méritait, à mon sens, par la qualité de sa réalisation, une mention spéciale que le Bibliomane moderne est très heureux de lui donner. Orné de 12 dessins au trait imprimés en noir et reproduits certainement par photogravure (mais qui rend comme s'il s'agissait de bois gravés - ce qui reste une possibilité). Je vous laisse apprécier toute la force de ces dessins, qui, il est bon de le rappeler, ont été imprimés en 1904 !

Je vous offre ci-dessous la suite complète de ces dessins (présentés dans leur ordre d'apparition dans le volume).












Alors ? Voyez-vous désormais un peu mieux de quel ouvrage il peut bien s'agir ?

Je vous donnerai la réponse ce soir si personne ne trouve.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

vendredi 22 juin 2012

L'étrange volume broché publié en 1904 à Paris par P.-V. Stock !


Première de couverture

Saurez-vous reconnaître et identifier cet ouvrage avec pour seuls indices une photographie des deux plats de couverture ?

Un livre assez énigmatique donc et dont les couvertures ne laissent guère deviner le reste !


Quatrième de couverture

A vos claviers !

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 19 juin 2012

Ressources : Base documentaire sur les inculpés de l'insurection parisienne de 1848, réalisée par Jean-Claude Farcy et Rosine Fry, de l'université de Bourgogne.



Bonjour,

J'ai découvert ce matin une merveilleuse base de données :


Il s'agit d'une base documentaire sur les inculpés de l'insurection parisienne de 1848, réalisée par Jean-Claude Farcy et Rosine Fry, de l'université de Bourgogne.
C'est très bien fait, on peut chercher par nom, profession, quartier, lieu de naissance, ...
Chaque individu possède une notice biographique avec renvoi à la côte de son dossier dans les archives.

Nous avons voulu intéroger cette base pour en savoir un plus sur les inculpés de 1848 qui travaillaient dans les métiers du livre.

Parmi les noms célèbres, on trouve deux relieurs :

- Charles Allô, relieur, inculpé puis libéré

- Jean Baptiste Bauzonnet, relieur, né à Dôle vers 1808, demeurant rue Cassette, arrété le 26 juin 1848, envoyé au Havre le 23 septembre 1848, on le trouve ensuite à Brest sur le ponton de La Didon, puis sur le ponton de La Belle Poule. Il est gracié le 12 février 1849. Ce Bauzonnet ne doit pas être confondu avec Antoine Bauzonnet qui est le « célèbre » Bauzonnet. Il s'agit probablement de son frêre cadet dont il est question ici : http://www.dole.org/Statique/Expos_virtuelles/2007-Reliure/Reliure_bauzonnet.html (je n'ai pas poussé plus loin la recherche).

Notons encore qu'Auguste Poulet-Malassis, qui n'est pas encore éditeur mais élève à l'Ecole des Chartes, est également envoyé sur le ponton de la Didon à la fin de l'année 1848. Peut-être y-a-t-il croisé Jean-Baptiste Bauzonnet ?

La Didon était un bateau qui servait de prison (comme plusieurs autres anciens bateaux militaires en 1848).

Voila, il y a probablement beaucoup d'autres détails intéressants à chercher dans tout ces relevés.

Sinon nous avons fait quelques statistiques en cherchant par profession ou secteur d'activité (nous indiquons à chaque fois "Profession -> Nombre d'individus") :

Secteur "Industrie : Imprimerie, Livres"

    Apprenti relieur -> 1
    Brocheur -> 2
    Broyeur -> 1
    Broyeur de couleurs -> 2
    Calligraphe -> 1
    Coloriste -> 5
    Compositeur -> 8
    Compositeur au journal La Presse -> 1
    Compositeur au journal Le Débat -> 1
    Compositeur d'imprimerie -> 13
    Compositeur lithographe -> 1
    Compositeur typographe -> 4
    Copiste et ex garde forestier -> 1
    Correcteur d'imprimerie -> 2
    Couleur de dessins -> 1
    Dessinateur lithographe -> 1
    Doreur de livres -> 1
    Doreur sur papier -> 1
    Doreuse sur papier -> 1
    Ecrivain lithographe -> 1
    Employé à l'imprimerie nationale -> 1
    Fabricant de porte crayons -> 1
    Fabricant de porte plumes -> 1
    Fondeur en caractères -> 10
    Garde mobile, Fondeur en caractères -> 1
    Graveur en taille douce -> 4
    Imprimeur -> 50
    Imprimeur à l'Imprimerie nationale -> 1
    Imprimeur en caractères -> 4
    Imprimeur en lettres -> 1
    Imprimeur en papier de fantaisie -> 1
    Imprimeur en papiers -> 6
    Imprimeur en papiers peints -> 1
    Imprimeur en taille douce -> 15
    Imprimeur et concierge -> 1
    Imprimeur et Garde républicain -> 1
    Imprimeur lithographe -> 14
    Lithographe -> 14
    Ouvrier en couleurs -> 1
    Ouvrier en crayons -> 1
    Ouvrier en porte plumes -> 3
    Ouvrier imprimeur -> 2
    Ouvrier relieur -> 1
    Relieur -> 23
    Stéréotypeur -> 1
    Typographe -> 31

Secteur "Industrie"

    Journalier, marchand de livres -> 1

Secteur "Commerces divers"

    Libraire -> 12
    Marchand d'estampes -> 1
    Marchand de papiers -> 1
    Tenant un cabinet de lecture -> 1
    Marchand de journaux -> 6

Secteur "Professions libérales"

    Porteur de journaux -> 6

Voici pour les principales professions auxquelles nous avons pensé dans un premier temps mais nous en avons probablement oublié quelques unes.

Par exemple, il y a également toutes sortes de graveurs classés dans différents secteurs d'activités mais c'est un peu difficile car tous ne se rattachent pas au domaine du livre (métaux, bois, … ).

A bientôt

samedi 16 juin 2012

Propos de Cazinophiles.


S’il y a un salon qui n’est pas galvaudé c’est bien celui de la Poésie qui se tient ce week-end sur la place Saint Sulpice à Paris. J’y suis allé faire un tour entre deux averses. Il y avait deux choses à ne pas manquer sur ce salon : la fontaine des quatre point cardinaux (point sans s), au centre de la place, et le « Fontaine » dans l’allée des poètes. Le « Fontaine », comme nous l’appelons déjà tous, est la somme encyclopédique consacrée par Jean-Paul à l’imprimeur-libraire Hubert-Martin Cazin, l’éponyme galvaudé, édité par L’Hexaèdre et préfacé par Christian Galantaris.


Fig 1 Le stand des éditions L’Hexaèdre.

Il est tout de même assez rare en bibliophilie de laisser son nom à un format de livre reconnaissable entre tous au point que des libraires n’hésitent pas à vendre des Cazins datant d’avant la naissance d’Hubert-Martin Cazin (1724-1795). Pourquoi , me direz-vous, et bien parce que Cazin n’a pas inventé le Cazin, pas plus qu’Emile de Poche n’a inventé le livre de poche. Il faut chercher du côté de l’associé Valade. Il est donc prudent d’avoir le Fontaine dans votre documentation pour faire des achats avisés et changer de trottoir lorsqu’un bouquiniste vous propose un faux Cazin.

Hubert-Martin avait succédé à son père, libraire à Reims, en 1755, avant de monter à la capitale pour poursuivre sa carrière, rue des Maçons, rue des Noyers, puis rue du Coq. C’est à Paris que Cazin fit la connaissance du libraire et imprimeur Jacques-François Valade, éditeur depuis 1779 d'une collection dans le petit format in-18. Ils s'associèrent en 1782.

« Avis aux Amateurs, il s’imprime à Paris une superbe collection de petits formats, en beaux papiers, belle impression, belles gravures, & en toute supérieure à celle imprimée à Lyon ». Elle n’est pas belle la réclame ? Nous pouvons reprendre la même formule pour l’ouvrage de Jean Paul Fontaine : le papier est de qualité, l’impression impeccable, et les photos qui accompagnent le texte d’un tirage irréprochable. Seul l’exemplaire de Bertrand a été grignoté par les souris mais cela lui donne encore plus de prix. La reproduction in extenso au milieu de l’ouvrage d’un facsimilé du catalogue de Cazin appartenant à un cazinophile anonyme est à elle seule jubilatoire.

Cazin a toujours passionné les bibliophiles, peut-être aussi parce qu’il se livra au commerce des livres prohibés, dits "philosophiques", fournis par les imprimeurs de Liège, Genève ou Neuchâtel. Cela lui valut d'être destitué de sa qualité de libraire en 1759 et en 1764. Il fut réhabilité à chaque fois grâce aux relations de son beau-frère, procureur au bailliage ducal. Dénoncé en 1776, il fut embastillé pendant deux mois. C’est donc l’odeur du soufre qui accompagna Cazin toute sa vie et jusqu’à sa mort, d’un éclat de mitraille, le 15 Vendémiaire An IV, (et non pas le 13 comme l’affirme sottement toutes les bibliographies).


Fig 2 L’auteur dédicace son livre au Textor.

La dernière étude bibliographique d’importance sur Cazin est celle de Brissart-Binet, elle date de 1859, à une époque où la recherche dans les archives sur internet était pour ainsi dire inexistante. Il était temps de pallier cette lacune : « Il serait d’un bon bibliophile rémois de rechercher à distinguer et à réunir tout ce qui est véritablement l’œuvre de Cazin. Il y a du reste un travail à faire sur ce célèbre libraire ». Entendant cet appel d’Antoine-Louis Paris, Jean Paul Fontaine a relevé le défi. 15 ans de travail assidu et quotidien, des milliers de kilomètres parcourus à travers le Monde pour collationner les exemplaires des bibliothques et le résultat est là, contenu dans ces 332 pages.

Il faut saluer au passage la maison L’Hexaèdre ; cet éditeur fait partie de ces amoureux du livre qui ne compte ni leur temps ni leurs moyens pour imprimer de beaux ouvrages, sans se soucier de savoir si les auteurs sont bancables. Ces petits éditeurs sont fichus d’être encore là dans cinquante ans quand le livre-papier de consommation courante aura disparu.

S’il fallait une critique sur cette impression, je dirais qu’il est étonnant de voir les tables finales paginées à la suite du corps de l’ouvrage alors que ce n’était certainement pas l’usage à l’époque de Cazin. Ce léger défaut, qui sera probablement corrigé au second tirage, ne retire rien au plaisir de feuilleter le volume dont chaque détail a été pensé pour séduire les cazinophiles, comme ces vignettes et autres culs de lampes qui décorent les espaces à la fin des chapitres.


Fig 3 Un client ...

Une seule certitude suffit à celui qui cherche. Comme l’annonce l’introduction, « Cazin l’éponyme galvaudé » va perturber les esprits et chambouler les bibliothécaires dans leurs convictions. J’ai ouï-dire que la bibliothèque de Harvard allait en commander une centaine d’exemplaires …

Bonne lecture !
Textor

Encore un bibliophile à découvrir ! Celui-ci photographié de mains de maître par Robert Doisneau.


Saurez-vous reconnaître ce bibliophile-mystère, saisi sur le vif, à son petit bureau de lecture, dans sa bibliothèque, et en robe de chambre ?

Le cliché est l'oeuvre de Robert Doisneau.

A vos claviers !

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mercredi 13 juin 2012

Lisons la presse : Saint-Sulpice : du vin, du sexe, et des bibliophiles, par Antoine Oury (in ActuaLitté, les univers du livre - en ligne le lundi 11 juin 2012).


Le Bibliomane moderne aime bien se faire l'écho de se qui s'écrit ici ou là, sur la toile ou dans la presse papier, de notre monde bibliophilique et bibliomaniaque. Outre le fait que cela évite à votre serviteur d'avoir à trop réfléchir pour vous pondre un billet digne de ce nom, cela permet de rester en lien avec ce terrible monde mouvant et trébuchant dans lequel on vit (survit plutôt) en esquivant les obstacles naturels, surnaturels, voire extra-terrestres.

Donc, lisons gaîment ce qu'un ami libraire m'a mis sous les yeux ce jour, à savoir un article sur le Salon de la bibliophilie de St-Sulpice qui vient d'avoir lieu dans la capitale. Pour commencer, je vous donnerai mon sentiment sur ce salon auquel j'ai participé en acheteur-visiteur-amateur. Des livres, plein de livres, mais sans doute encore plus de photographies et d'estampes, en nombre je veux dire. Plus de livres modernes que de livres anciens, mais c'est sans doute ce qui nous attend dans un futur proche. Plus de grivoiserie que de théologie. Le curiosa à tous les étages devrait-on dire ! C'était charmant, accueillant, convivial. J'ai eu l'occasion de discuter avec un confrère de manière fort détendue et sympathique. Quelques achats sans ambition. Un bel Uzanne qui me faisait de l'oeil et qui a fini par gagner. Bref, la routine.


Ce salon, sans avoir l'ambition de rivaliser avec le Salon du Livre Ancien et de l'Estampe organisé au printemps par le SLAM au Grand Palais, me semble d'un niveau équivalent à celui de la Halle Freyssinet. Le soleil et l'air frais en plus ! (quand il ne pleut pas). Evidemment j'ai bien croisé aussi quelques gredinots qui m'ont dit d'un air détaché (et encore ça c'est pas sûr) que si je cherchais des belles pièces ... que si j'étais prêt à payer ... disons 5.000, 10.000, ... si je pouvais suivre ... et bien on me les trouverait ! Ah ah ah ! Quelle blague ! Messieurs les marchands de livres sachez une chose, si dans ce métier il y a bien une chose que je déteste par dessus tout, ce sont ces gredinots qui font office d'agent de change en matière de livres, courtiers mi-banque mi-michetonneur, qui croient que la chose est entendue à partir du moment ou vous pouvez payer. Non, non et non ! Cela ne me plait pas du tout et j'ai horreur de me sentir dans un mauvais remake du Parrain avec en face de moi un Al Pacino d'opérette. Que cela soit dit !


Que dit cet article ? Eh bien... je vous laisse vous faire votre idée. Moi ce que j'en retiens c'est cette phrase : « Le but c'est le mouvement, on est des passeurs. » Je trouve l'expression jolie et elle correspond assez bien à ce que je ressens. Sinon le fond de l'article est assez léger, trop sans doute. On ne montre finalement pour un "marché de la bibliophilie" que quelques périodiques plutôt pop et plutôt modernes, des fanzines, etc. Où sont les livres anciens ? les belles reliures ? Mais peut-être n'est-ce pas assez vendeur pour le commun des mortels ? Il faut bien trouver des réponses aux questions que les autres ne se posent pas.

Vos impressions sur St-Sulpice édition 2012 sont les bienvenues !

Bonne lecture !
Bertrand Bibliomane moderne


"Travailler le dimanche, voilà bien une aberration qui mérite contrepartie. Le salon de la bibliophilie, place Saint-Sulpice, à Paris, avait tout du sujet de planqué (peut-être pour que le directeur de la publication ait la main moins lourde en semaine) : qui de moins farouches que les collectionneurs, les yeux brillants uniquement devant quelques ouvrages reliés, vous dressant une hagiographie tirée de leur mémoire sur n'importe lequel de leurs articles ? Mais quoi de plus éloigné de la réalité, une fois sur la place ? À l'heure du repas, les bouteilles sont débouchées, les langues déliées et les ouvrages non censurés. Tant mieux.


Un bibliophile : de tous les mots se terminant en -phile, voilà sans aucun doute l'un des moins inquiétants. Affiché sans complexe, le terme devient un étendard : « Nous, on n'a pas vraiment de collection personnelle, on lit surtout en poche » confessent Sylvaine et Yvan Noirot, de « la librairie nomade » Bois d'encre, dans l'Orne. « On est aussi des commerçants, à des degrés divers : certains gardent des livres auxquels ils sont trop attachés. » De fait, la majorité des emplacements sont occupés par des libraires, avec des livres étiquetés, « entre 3 et 40.000 € » chuchote-t-on.




Les bibliophiles se reconnaissent entre eux


Il y a un standing au salon des bibliophiles : même à ciel ouvert, la place prend des airs de musée, « particulièrement attendu des collectionneurs, des marchands, des amateurs et des amoureux de l'écrit et du temps passé » prend d'ailleurs soin de préciser le programme. « Bien sûr, il y a un code de conduite, des exigences dans la présentation des livres. Il ne faut pas sous-estimer la "marchandise" » confirme Michel Seksik, dont la librairie fait battre la place Monge (son association Biblio Monge y organise plusieurs évènements par an). Est-ce à dire que les couvertures sont couvertes de poussière ?


Que nenni. Même s'il se crispe devant un de ses ouvrages manipulés avec trop peu de précautions, le bibliophile n'est pas un conservateur : rien ne lui fait plus plaisir que de vous vendre un livre, et donc, de s'en séparer. Yvan Noirot raconte une histoire qui peut faire ici lieu de parabole : dans sa jeunesse, en étude d'Histoire de l'art, il étudia les « décors des demeures royales et seigneuriales en France au XVIe siècle », le genre de sujet pour lequel, on pourra l'imaginer, les ouvrages ne sont pas légions. « C'est là que j'ai pris le goût de chiner » (chiner : se lever à 5 heures du matin les dimanches, pour négocier et batailler avec d'autres bibliophiles, antiquaires, brocanteurs... Une vraie passion, NDLR). Des années plus tard, devenu libraire, il vend toute sa collection. « Un jour, un type est entré, il étudiait le même sujet, il était ravi, il n'arrivait pas à y croire » termine-t-il en rigolant. « Le but c'est le mouvement, on est des passeurs. »




Quelques pages de toute la mémoire du monde


Sur les tables ou dans les étagères, des livres qui sont de vrais morceaux de frise chronologique : protégé par une vitrine, un exemplaire de Revolution for the Hell of It (1968), un ouvrage d'Abbie Hoffman, activiste des années 60 et créateur du Youth International Party. « Il est dédicacé à Tom Hayden, et présenté avec le carnet d'adresses personnel de l'auteur : il y a les numéros de Robert Crumb, d'Allen Ginsberg, de Dustin Hoffman, Norman Mailer, Andy Warhol... » explique Michel Seksik. Tout le monde lui demande s'il les a appelés. Au téléphone, ils auraient sûrement pu parler musique : la spécialité de Seksik, ce sont « les Trente Glorieuses » (au son de Big Brother & The Holding Co et Jefferson Airplane, dont les affiches sont encadrées), et son stand présente de fameux exemples de la contre-culture à travers les décennies. Des minuscules comics Mars Attacks ! aux affiches psychées de femmes lascives sous LSD, le papier n'est définitivement plus une simple matière.


Interlude musical : « Moi, vous savez, ça fait quatorze que je le fais, l'endroit est charmant, c'est très agréable. Et puis il y a du monde » commence Agnès Bidard : elle aime les partitions illustrées, des lithographies populaires parues entre 1860 et 1920, mais aussi des gravures, plus anciennes. Elles sont signées par des grands : Toulouse-Lautrec, Pousthomis, Mucha, Peynet, énumère-t-elle sans difficulté malgré les quelque 30.000 pièces qu'elle possède. « J'en ai saisi et scanné 13.000 pour l'instant, surtout des petites chansonnettes et de vieilles chansons : pour les plus grands formats, je n'ai pas encore l'équipement nécessaire... » L'avenir de ses dessins ciselés, tantôt réalistes, tantôt cartoonisés, dépend des bibliophiles : même sous le ciel nuageux de Paris, les teintes et typographies sautent aux yeux.


La sève monte


« On n'a pas fait une seule journée à 0 € » se félicite le couple Noirot, qui a pris le pari de proposer une majorité de livres entre 3 et 40€, avant tout pour attirer les jeunes, lecteurs aux possibilités financières limitées. « Aujourd'hui, ce sont les jeunes qui lisent, et qui poussent l'édition d'ailleurs. S'ils ne sont pas bibliophiles, c'est d'abord parce que c'est trop cher. » Mais « sans eux, on n'existait pas » se souvient l'ancien occupant de la librairie Le Rêve de l'Escalier, à Rouen. « Aujourd'hui, c'est un ami qui a repris, la librairie a 900 « J'aime » sur Facebook, il organise plein d'événements avec le cinéma à côté. Il ne subit pas la crise » explique-t-il tout en parlant espagnol avec un bibliophile venu des côtes brésiliennes (Sic !). « La Guilde des parchemineurs a fait plein de grèves au moment de l'imprimerie » rappelle le libraire. « Avec le numérique, le livre de poche lui-même va devenir un objet de curiosité, les Folio seront peut-être de collection. » « Et nos descendants auront de vieux iPad 1 pour présenter des ebooks centenaires... » s'amuse-t-il.


À chacun sa méthode : ouvrages à l'épaisse reliure de cuir, bandes dessinées, livres pour enfant, comics, poches, recueils, beaux livres, dessins originaux, estampes, raretés et merveilles sont sous vitrines, alignés sur un rayon, ou disposés d'une manière réfléchie sur les tables. Mais tous, absolument tous les stands ont un point commun : le sexe. Même au stand musical, on admet qu'il existe « des partitions coquines, en petit format. » Du génial Fornicon de Tomi Üngerer (oui, le même que Les Trois Brigands de votre enfance) aux photographies d'Aslan (non, pas vraiment celui de Narnia...) pour lui, on en vient à croire que le bibliophile est obsédé. Vu son stand, qui présente notamment des romans-photos d'aventures sexuelles de travestis redonnant un autre sens au mot fascicule, la librairie Paginaire peut légitimement nous éclairer sur le sujet : « L'érotisme et la pornographie ont longtemps fait partie de la contre-culture, au même titre que les romans policiers. » Il n'y a pas que du rose : les Séries noires sont elles aussi bien représentées.


Un musée ? Définitivement pas... Plutôt un cirque, où chaque livre est présenté par un dompteur qui connaît parfaitement ses caractéristiques, son existence, et tous les tours qu'il peut jouer. Il y a de tout, dignes pachydermes à la peau tannée et singes sautillants, et provocants, voire lubriques. Tous les participants s'accordent : libraires comme visiteurs (qui recommencent d'ailleurs à affluer, il est 14 heures) « tiennent à ces rendez-vous » qui devraient prochainement se multiplier tout en adoptant un rythme plus régulier. Préparez-vous, petits et grands : le grand cirque bibliophile est bientôt de retour en ville."


Par Antoine Oury, le lundi 11 juin 2012
http://www.actualitte.com/dossiers/monde-edition/reportages/saint-sulpice-du-vin-du-sexe-et-des-bibliophiles-1744.htm

mercredi 6 juin 2012

Les papiers dominotés du XVIIIe siècle (suite). Un papier fabriqué à Orléans vers 1780.

Un fidèle lecteur nous envoie ces jolies images, accompagnées de ce texte :


Après avoir dû déplacer ma bibliothèque pour des travaux domestiques, j’ai enfin retrouvé un ouvrage que je destinais à votre galerie de papiers dominotés et dont j’ignorais où il avait bien pu passer. Il s’agit de l’édition originale de Six semaines de la vie du chevalier de Faublas, pour servir de suite à sa première année par Jean-Baptiste Louvet de Couvret, à Londres et se trouve à Paris chez Bailly, libraire rue St- Honoré, vis-à-vis la Barrière des Sergens et chez les marchands de nouveautés, 1788. 2 vol. petit in-8, [tome I : XVI+ 185 pp.+1 f. n.c.; tome II : 2 ff. n.c.+ 198 pp.+ 1 f. n. c.], brochés sous couverture d’attente dominotée du temps. (Cioranescu 40. 899).


Voilà un ouvrage dont l’intérêt est renouvelé (grâce au Bibliomane moderne) par son papier de brochure ! Celui-ci (le papier) semble fabriqué à Orléans, chez ??? C’est un bon ouvrage, lu avec plaisir, acheté 140 fr. au siècle dernier. Je vous envoie les photos des 1e et 4e de couverture en JPEG pour le cas où vous souhaiteriez ajouter ces volumes à votre galerie.

Bibliophiliquement vôtre,
Dominique P.

Merci Dominique,
ce sont en effet de très jolis papiers typiques de cette époque. Je vais les ajouter illico à la galerie idoine.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

dimanche 3 juin 2012

Quel avenir pour les impressions Elzéviriennes et associées ?


Il y a de cela quelques années (peu après 2002 et le passage à l'euro), une librairie parisienne réputée présentait à son catalogue "Un ensemble d'éditions elzéviriennes". Ce petit rassemblement de 12 titres choisis parmi les centaines qui sont sortis des presses des Elzévier de Leyde ou d'Amsterdam, sous leur nom ou sous un nom d'emprunt, ou mieux encore, titres qui leur sont attribués avérés sortis de leurs presses, attribution parfois sujette à caution quand on ne sait pas grand chose et que seul un bibliographe ou un bibliophile donne cet illustre nom comme une signature infaillible.

Nous n'allons pas refaire ici l'histoire des Elzévier mais donnons quelques éléments de base pour bien comprendre de quoi l'on parle. Les Elzévier sont une des plus illustres familles de typographes du XVIIe siècle. Ils sont hollandais et originaires du Brabançon, de la région de Louvain. Leur production typographique couvre l'intégralité du XVIIe siècle ou presque. À l'âge de quarante ans, Louis (Lodewijk) Elzévir quitte sa ville natale de Louvain pour s'installer à Leyde comme relieur-libraire. Passionné par son métier, il est le premier à distinguer les u des v, ainsi que les i des j. Ses cinq fils (il en aura sept au total) reprendront le flambeau et continueront le métier de relieur-libraire. Son fils Bonaventure et son neveu Abraham Elzévir feront en particulier la renommée de la maison. De douze imprimeurs de la famille des Elzévir qui exercèrent leur art en Hollande dans le courant du xviie siècle, six se sont particulièrement signalés par le nombre et la beauté de leurs éditions : Isaac, qui imprima à Leyde, de 1617 à 1628. Bonaventure et Abraham, frères et associés qui imprimaient à Leyde de 1626 à 1652. Louis, fils d'Abraham, qui exerça seul à Amsterdam de 1640 à 1655, et depuis cette dernière époque jusqu'en juillet 1662 (date de sa mort) en société avec Daniel, fils de Bonaventure, qui imprima à Leyde, en société avec Jean, de 1652 à 1654, puis à Amsterdam, en société avec Louis, de 1655 à 1662, et seul depuis cette époque jusqu'à sa mort, le 13 septembre 1680.

Pour faire simple disons que la particularité des Elzévier est d'avoir popularisé les volumes imprimés dans un petit format. Le in-12 et le petit in-12. Ce sont donc pour l'immense majorité, des volumes ne mesurant jamais guère plus de 15 cm de hauteur de marges. On peut dire que les Elzévier (avec quelques autres avant eux comme les Alde, les Gryphe, etc) ont donné naissance à ce qu'on appelle aujourd'hui, le format livre de poche. Il ne faut pas oublier en effet qu'à cette époque (début du XVIIe s.), la plupart des volumes, y compris de littérature, étaient imprimés au format in-4 ou in-folio, ce qui ne facilitait ni le transport, ni la lecture. Les Elzévier ont popularisé la lecture portative. Pour ce faire, les Elzévier ont inventé un caractère, très petit, bien net et donc bien lisible.

Quel genre de livres éditaient-ils ? On peut dire que les Elzévier ont édité toutes sortes de livres, de la théologie officielle à la polémique religieuse en passant par la littérature classique des anciens et celle des modernes. Je ne connais guère de livres de science édités par eux mais il doit bien en exister quelques uns. On connait plusieurs livres un peu curieux voire licencieux qui leur sont attribués. On a souvent dit, et on le dit encore, que les Elzéviers qui publiaient parfois (souvent) sous le pseudonyme de Pierre Marteau (inventé en 1660), ont donné ainsi de nombreux textes qui circulaient alors en France et partout en Europe, sous le manteau. De nombreux livres édités par les Elzévier étaient des classiques latin, en histoire, en philosophie et même en littérature. Les Elzévier imprimés en français sont cependant nombreux.

Tous les bibliophiles sont tombés à un moment ou à un autre sur un exemplaire d'un volume de petite taille, parfois orné sur la page de titre d'une sphère armillaire, parfois d'un simple fleuron, le plus souvent d'aucun signe distinctif, ce sont les Elzévier que nos ancêtres bibliophiles du XVIIIe siècle, et plus encore du XIXe siècle ont collectionné avec fougue, voire avec folie. Mais tout d'abord commençons par étudier la liste des 12 titres proposés par ce libraire.

En voici le détail résumé avec auteur, titre, date, type de reliure et prix affiché dans le catalogue.

1.CHARRON Pierre. De la sagesse. Leyde, Elzévier, 1646. Maroquin du XIXe s. signé Trautz-Bauzonnet. Prix : 1.500 euros

2.BARCLAY Ioannis. Argenis. Leyde, Elzévier, 1630. Maroquin du début du XIXe s. signé Bozérian Jeune. Prix : 1.500 euros

3. FLORUS. SAUMAISe Claude. Rerum Romanarum Libri IV. Leyde, Elzévier, 1638. Maroquin doublé de l'époque aux armes du baron de Longepierre attribué à Luc-Antoine Boyet. Prix : 5.500 euros

4. LA CHAMBRE Marin Cureau de. L'art de connaitre les hommes. Amsterdam, Jacques le Jeune, 1660. Maroquin havane du XVIIIe s. Prix : 1.200 euros

5. MONTRESOR Claude de Bourdeille. Mémoires. Cologne, Jean Sambix, 1663. Maroquin du XIXe s. signé Hering et Muller (succ. de Thouvenin, vers 1840). Prix : 1.200 euros

6. PLINE le jeune. Epistolae et Panegyricus. Leyde, Elzévier, 1653. Maroquin du XVIIIe s. Prix : 750 euros

7. RABELAIS François. Les Oeuvres. Amsterdam, Elzévier, 1663. Maroquin doublé de l'époque. Prix : 4.500 euros

8. RYER Pierre du. Thémistocle. Nitocris Reine de Babylone. Maroquin du XIXe s. Prix : 800 euros

9. RESPUBLICA ROMANA. Leyde, Elzévier, 1629. Maroquin de l'époque. Prix : 1.000 euros

10. SCARRON Paul. Le Romant comique. Paris [Amsterdam], Suivant la copie imprimée [Wolfgang], 1662-1663. Maroquin de l'époque. Prix : 1.000 euros

11. SORBIERE Samuel. Relation d'un voyage en Angleterre. Cologne, Pierre Michel, 1666. Prix : 900 euros

12. TERLON Hugues Chevalier de. Mémoires du Chevalier. Suivant la copie imprimée à Paris, chez Louis Billaine, 1682-1681. Maroquin du XIXe s. signé Capé. Prix : 1.300 euros

Que retenir de tout ceci ? De beaux livres, tous bien conditionnés, en maroquin de l'époque pour la plupart ou en maroquin du XIXe s. pour les autres. Pas de condition simple de l'époque en reliure parchemin ou vélin (condition la plus commune et pourtant la plus désirable pour beaucoup de bibliophiles puristes). Sur 12 titres, 7 sont en français, 5 sont en latin. Les prix varient entre 750 euros pour le moins cher (texte en latin d'un classique "les lettres de Pline le jeune") et 5.500 euros pour le plus cher (maroquin doublé aux armes de l'époque, ce qui explique le prix car l'auteur et le sujet sont classiques et assez peu recherchés). A noter un superbe Rabelais en maroquin de l'époque, ce qui est rare, proposé à un prix que je juge tout à fait crédible et raisonnable de 4.500 euros. Le catalogue est abondamment illustré de belles reproductions photographiques en couleurs, ce qui permet de juger de la qualité des exemplaires proposés. Une belle sélection en somme.

Que pensez de tout ceci ? Dans une condition modeste d'époque, vélin, parchemin, basane ou veau, les mêmes exemplaires auraient sans aucun doute été listés 50 à 70% moins cher. Sauf peut-être le Rabelais qui conserve sa valeur de grand classique, toujours recherché en condition d'époque, quelle qu'elle soit. 

Evidemment il manque à cette sélection, pour faire fureur, un Patissier françois de 1655 (adjugé quelques milliers d'euros le plus souvent voire beaucoup plus). Mais ce n'est là qu'une admirable exception. Que valent vraiment les Elzévier aujourd'hui sur le marché de la bibliophilie ? Les textes latin, hormis s'ils sont habillés en plein maroquin, reliés aux armes ou de provenance illustre avérée, ne déchaînent plus les foules de bibliophiles désormais latinophobes. Je ne dis pas qu'il n'existe plus aucun collectionneur de ce type d'impression, je dis qu'ils se sont réduits comme peau de chagrin, et que cet état de fait, fait le bonheur de ceux, peu nombreux, qui restent en lice. Les textes français imprimés par les Elzévier conservent une certaine vogue mais seuls les grands classiques tels le Rabelais ou le Patissier françois arrivent encore à tirer leur épingle du jeu. Est-ce parce que le petit caractère elzévirien finit par user les yeux ? Sont-ce les textes qui effraient ? Est-ce le format réduit qui aujourd'hui ne séduit plus comme hier ? Quoi qu'il en soit, force est de constater que les Elzéviers n'ont plus autant la cote qu'avant. Il y a là beau jeu à faire pour un bibliophile débutant qui souhaiterait se faire plaisir avec de beaux livres bien reliés pour moins de 500 ou 1.000 euros. Rares sont les titres qui dépasseront désormais ce prix.

Certains Elzévier du temps des Baron Pichon, des Potier, des Didot et autres Nodier, pouvaient atteindre des sommes astronomiques en ventes aux enchères (plusieurs dizains voire plusieurs centaines de francs or, ce qui équivaudrait aujourd'hui à plusieurs milliers d'euros). Aujourd'hui les choses ont changé. La vogue s'en est allée ailleurs. Je crois qu'un des points négatifs des productions des Elzévier est leur manque d'illustrations. Hormis un frontispice gravé sur cuivre pour certains, la plupart des volumes n'étaient pas illustrés. Nous vivons aujourd'hui dominé par le règne de l'image. Et même si les petits volumes Elzévier allaient parfaitement bien dans un meublé T1 genre 30m2 d'aujourd'hui, la plupart des bibliophiles ne se contentent plus de ces "minuscules" un peu trop discrets. Le grand in-12 puis le in-8 les ont supplanté.

Votre avis nous intéresse. Collectionnez-vous les Elzévier ? Que cherchez-vous ? Avez-vous des critères précis ? Au plaisir de lire vos commentaires (signés de préférence... même d'un pseudo fantaisiste... c'est toujours mieux que rien). Je vous laisse lire les fiches du catalogue cité pour vous faire une idée de la qualité des exemplaires.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

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