Quand on pense littérature de la fin du XVIIe siècle on pense forcément aux premières éditions des Caractères de La Bruyère. Je dirais même qu'il y a sans doute assez peu d'ouvrages aussi passionnant à étudier que celui-ci pour le bibliophile un tant soit peu curieux. Il faut dire que les Caractères ne comptent pas moins de neuf éditions officielles, revues, corrigées et augmentées par l'auteur entre 1688 et 1696, et ce sans compter les nombreuses contrefaçons et impressions clandestines de province ou de Hollande. Un bibliophile qui souhaiterait réunir l'ensemble de toutes ces éditions depuis la première un modeste volume de 1688 à la dernière publiée seulement quelques jours après le décès de La Bruyère en 1696 serait un bibliophile courageux et opiniâtre et ceux d'autant plus s'il est exigeant et souhaite des exemplaires en belle condition d'époque. Si la première édition n'est pas facile à trouver en belle reliure de l'époque (je ne parle que de reliures en veau car les exemplaires en maroquin d'époque peuvent se compter sur les doigts d'une main ou guère plus), la préférence des amateurs va le plus souvent à la dernière édition revue, la neuvième, celle de 1696, en 1 fort volume grand in-12. C'est pour ainsi dire l'édition définitive, la meilleure, celle que laissa La Bruyère à la postérité. Cependant, toutes les éditions sont intéressantes, la plupart augmentées de plusieurs dizaines de nouveaux caractères à chaque fois, voire largement modifiées. L'histoire de toutes ces éditions a été retracée admirablement dans les moindres détails par plusieurs bibliographes dont MM. Servois et Rochebilière à la fin du XIXe siècle. Ainsi je vous invite, si vous souhaitez en savoir plus sur les différents tirages, états et autres particularités de chacune de ces éditions primitives des Caractères, à consulter la Bibliographie des éditions originales d'auteurs français composant la bibliothèque de feu M. A. Rochebilière par A. Claudin, Paris, Claudin, 1882, pp. 318 à 348.
Mais ce qui nous intéresse ce soir, c'est une particularité toute autre, une particularité qui ne semble pas liée au travail d'imprimeur ni à celui d'éditeur (M. Michallet pour toutes les premières éditions de 1688 à 1696). Cette particularité c'est la présence dans certains exemplaires d'une clef manuscrite assez étendue voire très étendue sur les marges.
En effet, pour plusieurs exemplaires, nous avons pu constater la présence de cette clef marginale recopiée à l'époque même. Je prendrai pour exemplaire un spécimen de l'édition de 1692, septième édition revue et corrigée en 679 pages chiffrées (sans compter les pages préliminaires ni la table à la fin). Les photos que vous pourrez voir ci-dessous sont issues de cet exemplaire. J'ai dénombré pas moins de 232 notes marginales, certaines ne donnant qu'un nom et d'autres plus étendues donnant quelques détails. Ces notes sont d'une belle écriture bien lisible de l'époque. La question qu'on se pose tout de suite est la suivante : où le lecteur annotateur a-t-il récupéré cette clef ? une clef aussi complète ? J'ai également sous les yeux un exemplaire de la neuvième et dernière édition donnée par La Bruyère en 1696 où je ne compte que 102 annotations marginales. L'écriture est également l'écriture de l'époque et ces notes ont été prises à n'en pas douter très peu de temps après l'impression de l'ouvrage.
Alors ? D'où proviennent ces clefs ? S'il existe une clef complète pourquoi un nombre variable d'annotations marginales selon les éditions et les exemplaires ? L'édition de 1696 qui contient un plus grand nombre de caractères que la septième de 1692 devrait avoir un clef également plus importante. Ce qui n'est pas le cas ici. Ces exemplaires complétés d'une clef manuscrite sont-ils l’œuvre de lecteurs studieux qui savaient reconnaître dans le texte crypté de La Bruyère leurs infortunés congénères malmenés par le satiriste ? Se référaient-ils à une clef qui circulait en manuscrit dans les milieux lettrés de l'époque ? A vrai dire je ne sais pas et ni Rochebilière ni Servois, me semble-t-il, ne donnent une réponse satisfaisante à cette question.
Possédez-vous un ou plusieurs exemplaires avec cette clef manuscrite ? Combien comptez-vous de "notes marginales" et pour quelle édition ? Vos réponses m'intéressent et intéresseront peut-être aussi les lecteurs du Bibliomane moderne.
Dans l'espoir de vous lire,
Amitiés bibliophiles,
Bertrand Bibliomane moderne
Mais ce qui nous intéresse ce soir, c'est une particularité toute autre, une particularité qui ne semble pas liée au travail d'imprimeur ni à celui d'éditeur (M. Michallet pour toutes les premières éditions de 1688 à 1696). Cette particularité c'est la présence dans certains exemplaires d'une clef manuscrite assez étendue voire très étendue sur les marges.
En effet, pour plusieurs exemplaires, nous avons pu constater la présence de cette clef marginale recopiée à l'époque même. Je prendrai pour exemplaire un spécimen de l'édition de 1692, septième édition revue et corrigée en 679 pages chiffrées (sans compter les pages préliminaires ni la table à la fin). Les photos que vous pourrez voir ci-dessous sont issues de cet exemplaire. J'ai dénombré pas moins de 232 notes marginales, certaines ne donnant qu'un nom et d'autres plus étendues donnant quelques détails. Ces notes sont d'une belle écriture bien lisible de l'époque. La question qu'on se pose tout de suite est la suivante : où le lecteur annotateur a-t-il récupéré cette clef ? une clef aussi complète ? J'ai également sous les yeux un exemplaire de la neuvième et dernière édition donnée par La Bruyère en 1696 où je ne compte que 102 annotations marginales. L'écriture est également l'écriture de l'époque et ces notes ont été prises à n'en pas douter très peu de temps après l'impression de l'ouvrage.
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page 617
page 336
Alors ? D'où proviennent ces clefs ? S'il existe une clef complète pourquoi un nombre variable d'annotations marginales selon les éditions et les exemplaires ? L'édition de 1696 qui contient un plus grand nombre de caractères que la septième de 1692 devrait avoir un clef également plus importante. Ce qui n'est pas le cas ici. Ces exemplaires complétés d'une clef manuscrite sont-ils l’œuvre de lecteurs studieux qui savaient reconnaître dans le texte crypté de La Bruyère leurs infortunés congénères malmenés par le satiriste ? Se référaient-ils à une clef qui circulait en manuscrit dans les milieux lettrés de l'époque ? A vrai dire je ne sais pas et ni Rochebilière ni Servois, me semble-t-il, ne donnent une réponse satisfaisante à cette question.
Possédez-vous un ou plusieurs exemplaires avec cette clef manuscrite ? Combien comptez-vous de "notes marginales" et pour quelle édition ? Vos réponses m'intéressent et intéresseront peut-être aussi les lecteurs du Bibliomane moderne.
Dans l'espoir de vous lire,
Amitiés bibliophiles,
Bertrand Bibliomane moderne