Si vous deviez glisser un livre dans le tiroir de votre table de nuit, quel serait-il ? Mais peut-être en avez-vois déjà un ? Je ne veux pas dire par là un livre qu'on prend un jour par toquade et puis qu'on change une fois lu. Non, je veux dire un livre qui vous accompagne soirées après soirées sur des années, une vie peut-être même ! Croyez-vous cela tout simplement possible d'ailleurs ? Peut-on s'enticher d'un livre, un seul, au point d'en faire son bréviaire ?
Autant vous le dire tout de suite, ce billet n'est pas anodin, je dirais même qu'il est presque thérapeutique (si un médecin spécialiste des névroses bibliophiliques nous lit...). Je m'explique. J'ai trouvé LE livre qui m'accompagnera un bon bout de chemin je pense, peut-être même jusqu'à l"heure du trépas (je sens déjà d'ici l'assemblée s'émouvoir devant autant de sombritude noircissique). De quoi s'agit-il ? Deviendrait-il fou ?
Tout le monde vous dira que pour bien vivre il faut savoir bien mourir. C'est un axiome valable depuis les temps les plus reculés et qui vraisemblablement le restera ad vitam aeternam. Mais voilà, justement, la vie n'est pas éternelle...
Le livre qui vient de trouver place dans mon chevet est de ces livres qui vous aident à bien mourir, ou tout au moins, qui vous aident à mieux comprendre l'absurdité de la mort et surtout vous détache par mille conseils savants, de l'absurdité de la vie. Quelle grande chose ! Savoir cela serait le plus beau présent à faire à toute personne sentant sa fin prochaine. Encore faut-il la prévoir ! la subodorer ! la devancer même ! Alors ? Alors lisez plutôt !
Le Tableau de la Mort, par l'auteur de la Jouissance de soi-même. Nouvelle édition, revue, augmentée & corrigée. Par un auteur anonyme que tout le monde connait puisqu'il se cache tout en se dévoilant en proclamant la paternité d'un autre ouvrage aussi bien connu à cette époque. Ouvrage en un seul volume (c'est suffisant pour convenir à tous les types de tables de nuit...), de format in-12, imprimé et vendu on ne sait trop où mais portant sur son titre l'adresse suivante : "A Francfort, en foire et chez J. F. Bassompierre, libraire à Liège." L'édition que je vous présente portant la date de 1765 (la première édition de cet ouvrage date de 1760, chez les mêmes). Il comprend un feuillet de titre imprimé en noir, une Préface paginée (i) à X, une Table des chapitres contenus dans l'ouvrage (2 pages non chiffrées) et 234 pages de texte chiffrées.
Le Tableau de la Mort ! Quel titre ! On connaissait le Tableau de la Croix (déjà pas très réjouissant), le Tableau de l'Amour (plus volage), le Tableau des Riches Inventions (instructif), le Tableau des Merveilles du Monde (forcément merveilleux), le Tableau du bonheur domestique (hautement improbable), etc., etc., ne manquait que le Tableau de la Mort, le voici !
Son auteur ? Louis-Antoine Caracciolli, le marquis de Caracciolli pour être exact. Louis-Antoine est né, comme son nom ne l'indique pas, à Paris en 1719. Il était issu de la noble branche cadette de la Maison Napolitaine. On sait qu'il entra chez les Oratoriens (ça n'aide pas à avoir le cerveau libertaire) en 1739 et qu'il séjourna ensuite quelques temps en Pologne où il fit la connaissance du Prince Rzewusky. Il revint ensuite à Paris où il produisit de nombreux ouvrages qui lui assurèrent une subsistance honorable. Cependant, ruiné par la Révolution, la Convention lui octroya une pension de 2000 livres en 1793. Il avait un goût et une assurance pour les belles-lettres. On lit ici ou là qu'il était gai, vif d'esprit et qu'il avait le talent d'imiter nombre de personnes par la voix ou le geste. Il avait du goût pour les voyages ce qui l'amena à visiter la patrie de ses ancêtres. Il fut accueilli de bonne grâce dans tous les cercles littéraires et mondains où il se présenta. Il n'avait pas de fortune et c'est sa plume féconde seule qui le nourrit suffisamment. Il mourut à Paris en 1803 ne laissant, lit-on, que 24 francs pour tout héritage, à son fidèle domestique. Une vie consacrée à la polygraphie impécunieuse quand tant d'autres récoltaient des lauriers et des pièces d'or pour quelques vers jetés sur le papier ! Le monde n'est-il pas injuste ? Ce qu'il faut retenir de la plupart des textes de Caracciolli, c'est qu'ils sont écrits avec simplicité et qu'ils se lisent encore aujourd'hui, plus de deux siècles plus tard, avec facilité et plaisir. Il faut retenir aussi, à sa décharge, que la plupart des anecdotes qui fourmillent dans ses ouvrages sont inventées à plaisir, et qu'il est difficile d'y voir la vérité historique là où il serait plaisant pourtant de la rencontrer. Ainsi les Lettres intéressantes du Pape Clément XIV, prétendument traduites du latin et de l'italien, ne sont en réalité qu'une invention de toute pièce sortie de son imagination fertile. La lecture de ces fausses lettres n'en n'est pas moins passionnante ! Il en va ainsi de plusieurs autres de ses ouvrages. Néanmoins, certains, dont celui qui nous occupe ce soir, le Tableau de la Mort, sont remplis d'une métaphysique naturellement et simplement exposée au lecteur, sans travestissement, et qui, c'est le cas ici, sont d'un intérêt supérieur. Nous allons le voir ensemble.
De quoi traite ce livre le Tableau de la Mort ? Voici la liste des chapitres : Qu'est-ce que la mort ? - Les Suites de la Mort - Le Souvenir de la Mort - L'oubli de la Mort - Du Temps - De l'Eternité - La Préparation à la Mort - La Maladie - Les Terreurs de la Mort - Les Consolations de la Mort - Le Sommeil - L’Immortalité des Héros qui n'ont pas le Ciel pour objet, est une véritable Mort - La Mort des Justes est une véritable immortalité - Des Testaments - Des Enterrements - De la Résurrection - Des Apparitions. Et pour finir, un Dialogue entre un Mort et un Vivant.
Le programme est bien complet ! Que manque-t-il ? De l'amour et de la Mort peut-être ? Mais serait-ce là un propos digne d'un ancien oratorien ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit ce livre nous emmène aux confins du réel et du spirituel, de la réalité de "cette corruption qui doit consumer nos chairs, carrier nos os, & nous rendre autant de squelettes" à cette immatérialité d'un autre monde qui doit nous faire accepter ce passage difficile et définitif.
Caracciolli écrit : "Il y a longtemps que, frappé des idées de la Mort, je désire la peindre aux yeux du Public, telle que je la conçois. Souvent on se rassure sur un évènement dont on craint les suites, lorsqu'on s'en entretient avec d'autres. Je souhaite que mes Lecteurs (supposé qu'il s'en trouve d'assez courageux pour s'occuper des effrayantes vérités que je traite), n'apperçoivent dans mes sentiments que des opinions toutes semblables à celles que la liberté des Ecoles permet d'enseigner. La Mort, dans ce Tableau que j'en ébauche, est envisagée métaphysiquement ; de sorte que cet ouvrage ne parait qu'une conférence de la Conversation avec soi-même, & de la Jouissance de soi-même, deux différents livres qui ont précédé celui-ci. Si je n'avais en vue que le désir de plaire, je ne choisirais certainement pas des matières aussi sérieuses & aussi contraires au goût général ; mais je n'ambitionne que l'avantage de parler raison." (extrait de la Préface)
Il serait long et fastidieux de revenir en détail sur chacun des chapitres. Disons rapidement qu'il y en a de bien plus intéressants que d'autres, certains assez déroutants même, comme celui sur les Apparitions et la Résurrection. Évidemment Dieu est toujours présent, selon Caracciolli qui suit les préceptes de l’Église de Rome, la mort n'est-elle pas l'union définitive de notre âme avec Dieu ? Sans être ni théologien ni expert es religions, je dois pourtant avouer qu'à la lecture de plusieurs passages de ce livre, je sens comme un certain "dérapage contrôlé" de la part de l'auteur sur certains points en rapport avec la foi. En venant même à me dire que si ce dernier n'avait pas été proche du Saint-Siège, ami d'éminentes personnalités de l’Église de son temps, cet ouvrage aurait sans doute été mis à l'index rapidement ! Au lieu de cela cet ouvrage fut réimprimé de nombreuses fois en peu d'années (allez comprendre...).
Je vais terminer en vous livrant un passage de la sorte du chapitre consacré à la Résurrection (sujet O combien volage... planant même), voici :
"L'opinion d'ailleurs qui suppose les planètes habitées par les hommes ressucités, trouve un nouveau motif de crédibilité dans sa spiritualité des corps qui seront alors pénétrants comme l'esprit. Il faudra sans doute des espaces ou nous puissions faire usage de nos nouvelles facultés, &, puisque nous les trouvons dans les Cieux, pourquoi en supposer d'imaginaires, & ne pas croire que nous y serons placés ? Ajoutons des Livres très-orthodoxes, & approuvés du Saint Siège, ont soutenu d'après l'Apocalypse, qui parait l'insinuer, que la terre ne périrait point, & que ce sentiment est aujourd'hui adopté par plusieurs théologiens. Peut-être Dieu fixera-t-il, au Jugement dernier, les astres qui sont roulants, en les dégageant de nuages, & en leur laissant à chacun leur même degré de lumière & de chaleur. Mais c'est ici que l'esprit humain doit s'arrêter, & confesser que les voies de l’Éternel sont un abyme impénétrable." (pp. 106-107).
Un livre passionnant donc, que je conseille à tous les insomniaques post-soixante-huitards ! Âmes sensibles s'abstenir. Il est désormais en bonne place dans le tiroir du haut de ma table de nuit, comme je l'ai dis, et le texte étant d'une portée si étendue et traitant d'un sujet si grave et si primordial, qu'il semble bien qu'il puisse tenir sa place un bon moment avant que je n'aie épuisé tous ses enseignements.
Ah ! J'allais oublier. Ce qui m'a fait acheter ce petit livre de pas grand chose que tout le monde a négligé au point que je l'ai eu pour le prix d'un fast food (so fast ! not so good !), c'est cette jolie petite couverture en papier dominoté que j'affectionne tant. Un décor original pour un volume broché, dans son jus, recouvert à l'époque (1765) de ce charmant papier à décor presque Art Nouveau avant la lettre. Je vous laisse admirer. Le volume est par ailleurs d'une fraîcheur étonnante, le papier épais est bien blanc (ça c'est pour Textor), les marges sont grandes (ça c'est pour Textor), le texte est bien imprimé (ça c'est pour Textor) et la mise en page est agréable (ça c'est pour Textor). Un vrai plaisir à la lecture ! (ça c'est pour moi).
J'allais oublier (aussi), ce petit volume a appartenu à une certaine Mademoiselle de Dolloy, avec sa signature autographe sur le titre. Je sens encore son parfum...
Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne
Autant vous le dire tout de suite, ce billet n'est pas anodin, je dirais même qu'il est presque thérapeutique (si un médecin spécialiste des névroses bibliophiliques nous lit...). Je m'explique. J'ai trouvé LE livre qui m'accompagnera un bon bout de chemin je pense, peut-être même jusqu'à l"heure du trépas (je sens déjà d'ici l'assemblée s'émouvoir devant autant de sombritude noircissique). De quoi s'agit-il ? Deviendrait-il fou ?
Tout le monde vous dira que pour bien vivre il faut savoir bien mourir. C'est un axiome valable depuis les temps les plus reculés et qui vraisemblablement le restera ad vitam aeternam. Mais voilà, justement, la vie n'est pas éternelle...
Le livre qui vient de trouver place dans mon chevet est de ces livres qui vous aident à bien mourir, ou tout au moins, qui vous aident à mieux comprendre l'absurdité de la mort et surtout vous détache par mille conseils savants, de l'absurdité de la vie. Quelle grande chose ! Savoir cela serait le plus beau présent à faire à toute personne sentant sa fin prochaine. Encore faut-il la prévoir ! la subodorer ! la devancer même ! Alors ? Alors lisez plutôt !
Le Tableau de la Mort, par l'auteur de la Jouissance de soi-même. Nouvelle édition, revue, augmentée & corrigée. Par un auteur anonyme que tout le monde connait puisqu'il se cache tout en se dévoilant en proclamant la paternité d'un autre ouvrage aussi bien connu à cette époque. Ouvrage en un seul volume (c'est suffisant pour convenir à tous les types de tables de nuit...), de format in-12, imprimé et vendu on ne sait trop où mais portant sur son titre l'adresse suivante : "A Francfort, en foire et chez J. F. Bassompierre, libraire à Liège." L'édition que je vous présente portant la date de 1765 (la première édition de cet ouvrage date de 1760, chez les mêmes). Il comprend un feuillet de titre imprimé en noir, une Préface paginée (i) à X, une Table des chapitres contenus dans l'ouvrage (2 pages non chiffrées) et 234 pages de texte chiffrées.
Le Tableau de la Mort ! Quel titre ! On connaissait le Tableau de la Croix (déjà pas très réjouissant), le Tableau de l'Amour (plus volage), le Tableau des Riches Inventions (instructif), le Tableau des Merveilles du Monde (forcément merveilleux), le Tableau du bonheur domestique (hautement improbable), etc., etc., ne manquait que le Tableau de la Mort, le voici !
Son auteur ? Louis-Antoine Caracciolli, le marquis de Caracciolli pour être exact. Louis-Antoine est né, comme son nom ne l'indique pas, à Paris en 1719. Il était issu de la noble branche cadette de la Maison Napolitaine. On sait qu'il entra chez les Oratoriens (ça n'aide pas à avoir le cerveau libertaire) en 1739 et qu'il séjourna ensuite quelques temps en Pologne où il fit la connaissance du Prince Rzewusky. Il revint ensuite à Paris où il produisit de nombreux ouvrages qui lui assurèrent une subsistance honorable. Cependant, ruiné par la Révolution, la Convention lui octroya une pension de 2000 livres en 1793. Il avait un goût et une assurance pour les belles-lettres. On lit ici ou là qu'il était gai, vif d'esprit et qu'il avait le talent d'imiter nombre de personnes par la voix ou le geste. Il avait du goût pour les voyages ce qui l'amena à visiter la patrie de ses ancêtres. Il fut accueilli de bonne grâce dans tous les cercles littéraires et mondains où il se présenta. Il n'avait pas de fortune et c'est sa plume féconde seule qui le nourrit suffisamment. Il mourut à Paris en 1803 ne laissant, lit-on, que 24 francs pour tout héritage, à son fidèle domestique. Une vie consacrée à la polygraphie impécunieuse quand tant d'autres récoltaient des lauriers et des pièces d'or pour quelques vers jetés sur le papier ! Le monde n'est-il pas injuste ? Ce qu'il faut retenir de la plupart des textes de Caracciolli, c'est qu'ils sont écrits avec simplicité et qu'ils se lisent encore aujourd'hui, plus de deux siècles plus tard, avec facilité et plaisir. Il faut retenir aussi, à sa décharge, que la plupart des anecdotes qui fourmillent dans ses ouvrages sont inventées à plaisir, et qu'il est difficile d'y voir la vérité historique là où il serait plaisant pourtant de la rencontrer. Ainsi les Lettres intéressantes du Pape Clément XIV, prétendument traduites du latin et de l'italien, ne sont en réalité qu'une invention de toute pièce sortie de son imagination fertile. La lecture de ces fausses lettres n'en n'est pas moins passionnante ! Il en va ainsi de plusieurs autres de ses ouvrages. Néanmoins, certains, dont celui qui nous occupe ce soir, le Tableau de la Mort, sont remplis d'une métaphysique naturellement et simplement exposée au lecteur, sans travestissement, et qui, c'est le cas ici, sont d'un intérêt supérieur. Nous allons le voir ensemble.
De quoi traite ce livre le Tableau de la Mort ? Voici la liste des chapitres : Qu'est-ce que la mort ? - Les Suites de la Mort - Le Souvenir de la Mort - L'oubli de la Mort - Du Temps - De l'Eternité - La Préparation à la Mort - La Maladie - Les Terreurs de la Mort - Les Consolations de la Mort - Le Sommeil - L’Immortalité des Héros qui n'ont pas le Ciel pour objet, est une véritable Mort - La Mort des Justes est une véritable immortalité - Des Testaments - Des Enterrements - De la Résurrection - Des Apparitions. Et pour finir, un Dialogue entre un Mort et un Vivant.
Le programme est bien complet ! Que manque-t-il ? De l'amour et de la Mort peut-être ? Mais serait-ce là un propos digne d'un ancien oratorien ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit ce livre nous emmène aux confins du réel et du spirituel, de la réalité de "cette corruption qui doit consumer nos chairs, carrier nos os, & nous rendre autant de squelettes" à cette immatérialité d'un autre monde qui doit nous faire accepter ce passage difficile et définitif.
Caracciolli écrit : "Il y a longtemps que, frappé des idées de la Mort, je désire la peindre aux yeux du Public, telle que je la conçois. Souvent on se rassure sur un évènement dont on craint les suites, lorsqu'on s'en entretient avec d'autres. Je souhaite que mes Lecteurs (supposé qu'il s'en trouve d'assez courageux pour s'occuper des effrayantes vérités que je traite), n'apperçoivent dans mes sentiments que des opinions toutes semblables à celles que la liberté des Ecoles permet d'enseigner. La Mort, dans ce Tableau que j'en ébauche, est envisagée métaphysiquement ; de sorte que cet ouvrage ne parait qu'une conférence de la Conversation avec soi-même, & de la Jouissance de soi-même, deux différents livres qui ont précédé celui-ci. Si je n'avais en vue que le désir de plaire, je ne choisirais certainement pas des matières aussi sérieuses & aussi contraires au goût général ; mais je n'ambitionne que l'avantage de parler raison." (extrait de la Préface)
Il serait long et fastidieux de revenir en détail sur chacun des chapitres. Disons rapidement qu'il y en a de bien plus intéressants que d'autres, certains assez déroutants même, comme celui sur les Apparitions et la Résurrection. Évidemment Dieu est toujours présent, selon Caracciolli qui suit les préceptes de l’Église de Rome, la mort n'est-elle pas l'union définitive de notre âme avec Dieu ? Sans être ni théologien ni expert es religions, je dois pourtant avouer qu'à la lecture de plusieurs passages de ce livre, je sens comme un certain "dérapage contrôlé" de la part de l'auteur sur certains points en rapport avec la foi. En venant même à me dire que si ce dernier n'avait pas été proche du Saint-Siège, ami d'éminentes personnalités de l’Église de son temps, cet ouvrage aurait sans doute été mis à l'index rapidement ! Au lieu de cela cet ouvrage fut réimprimé de nombreuses fois en peu d'années (allez comprendre...).
Je vais terminer en vous livrant un passage de la sorte du chapitre consacré à la Résurrection (sujet O combien volage... planant même), voici :
"L'opinion d'ailleurs qui suppose les planètes habitées par les hommes ressucités, trouve un nouveau motif de crédibilité dans sa spiritualité des corps qui seront alors pénétrants comme l'esprit. Il faudra sans doute des espaces ou nous puissions faire usage de nos nouvelles facultés, &, puisque nous les trouvons dans les Cieux, pourquoi en supposer d'imaginaires, & ne pas croire que nous y serons placés ? Ajoutons des Livres très-orthodoxes, & approuvés du Saint Siège, ont soutenu d'après l'Apocalypse, qui parait l'insinuer, que la terre ne périrait point, & que ce sentiment est aujourd'hui adopté par plusieurs théologiens. Peut-être Dieu fixera-t-il, au Jugement dernier, les astres qui sont roulants, en les dégageant de nuages, & en leur laissant à chacun leur même degré de lumière & de chaleur. Mais c'est ici que l'esprit humain doit s'arrêter, & confesser que les voies de l’Éternel sont un abyme impénétrable." (pp. 106-107).
Un livre passionnant donc, que je conseille à tous les insomniaques post-soixante-huitards ! Âmes sensibles s'abstenir. Il est désormais en bonne place dans le tiroir du haut de ma table de nuit, comme je l'ai dis, et le texte étant d'une portée si étendue et traitant d'un sujet si grave et si primordial, qu'il semble bien qu'il puisse tenir sa place un bon moment avant que je n'aie épuisé tous ses enseignements.
Ah ! J'allais oublier. Ce qui m'a fait acheter ce petit livre de pas grand chose que tout le monde a négligé au point que je l'ai eu pour le prix d'un fast food (so fast ! not so good !), c'est cette jolie petite couverture en papier dominoté que j'affectionne tant. Un décor original pour un volume broché, dans son jus, recouvert à l'époque (1765) de ce charmant papier à décor presque Art Nouveau avant la lettre. Je vous laisse admirer. Le volume est par ailleurs d'une fraîcheur étonnante, le papier épais est bien blanc (ça c'est pour Textor), les marges sont grandes (ça c'est pour Textor), le texte est bien imprimé (ça c'est pour Textor) et la mise en page est agréable (ça c'est pour Textor). Un vrai plaisir à la lecture ! (ça c'est pour moi).
J'allais oublier (aussi), ce petit volume a appartenu à une certaine Mademoiselle de Dolloy, avec sa signature autographe sur le titre. Je sens encore son parfum...
Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne