Chères amies et amis, je dois vous laisser pendant quelques jours de repos amplement mérités faisant suite à une surchauffe due à l'afflux d'informations boursières aussi dantesque que surprenant de ces derniers jours. Il faut que j'aille vérifier si tout ce passe bien off shore.
Pour continuer et clore la parenthèse de nos amis artistes relieurs et doreurs du second Empire français, voici ce qu'un ami d'outre Rhin qui nous veut du bien m'écrit.
Concernant ce travail de dorure que nous avons exposé hier ICI, il nous met sur la piste d'un doreur renommé de cette période et qui a visiblement travaillé pour de nombreux relieurs titrés de la capitale. Le sieur DOMONT.
Citons Fléty dans son Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours (édition Technorama, 1988, p. 60). C'est d'ailleurs je crois une des plus longues fiches de ce très utile dictionnaire dont on attend avec impatience la nouvelle édition corrigée et augmentée... qui ne vient pas !
"DOMONT, Jules, né à Amiens en 1847, fut d'abord apprenti relieur chez Koehler. En ce temps-là les apprentis faisaient les courses, allaient chez les doreurs ; le jeune Jules, probablement ébloui par l'or, quand il allait rue Dauphine, chez Lagardette, déclara nettement qu'il voulait être doreur et non relieur. Il entra chez Mézamat comme apprenti. En 1866, son apprentissage terminé, il passait chez Marius-Michel père où il se perfectionna et acquit en partie cette sûreté de main qui fit plus tard sa réputation. Deux ans après, appelé par la conscription, il fut incorporé dans l'infanterie de marine, c'est dans ce corps d'élite qu'il fit la campagne de 1870 et combattit à Bazeilles où il fut fait prisonnier avec toute l'armée de Sedan.
Revenu à la vie civile, avec les galons de sergent-major, il entrait en 1873 dans l'atelier Smeers qu'il quittait trois ans plus tard pour celui de Lortic où il resta également trois ans.
Il collabora dans ce dernier atelier aux travaux exécutés pour l'Exposition Universelle de 1878 qui consacra la renommée de la maison.
Mais sa nature indépendante souffrait ; il rêvait de voler de ses propres ailes. Il s'établit donc doreur sur cuir et s'installa modestement au n°7 de la rue de l'Eperon, en 1879.
La clientèle vint, car il était aimable, consciencieux, aimant à rendre service, ponctuel même, qualité rare à cette époque.
Il dut s'agrandir, prendre des collaborateurs ; c'est alors, vers 1882 ou 1883, qu'il s'installa au 11 de la rue de Buci qu'il ne devait plus quitter.
Tous les relieurs de la fin du XIXe siècle qui ne possédaient pas d'atelier de dorure furent ses clients. Allô, Canape père et fils, Carayon, Champs, David père et fils, Durvand, Noulhac, Pagnant, Reymann, Stroobants, etc., ont connu l'atelier de la rue de Buci où passèrent également la plupart des ouvriers doreurs qui sont devenus parmi les meilleurs ouvriers de la corporation.
Il créa de nouvelles compositions en mélangeant les filets, la flore ornementale et les motifs emblématiques et fut un partisan des reliures parlantes, très goûtées entre 1880 et 1890. A partir de cette dernière date, les filets furent progressivement abandonnés, laissant à la flore et aux emblèmes la décoration des plus riches reliures.
L'amour qu'il portait à son métier devait l'inciter à rendre des services au syndicat corporatif, où il figura à partir de 1891. Il fit bientôt partie du conseil et en 1894 acceptait de faire le cours du soir aux apprentis et élèves professionnels. Le nombre des élèves devint tel qu'il fallut, en 1899, scinder le cours en deux sections, dont une supérieure où il professa jusqu'en 1914. Après la guerre, malgré l'âge, il avait plaisir à se retrouver au milieu de ceux et de celles qu'il avait connus enfants et dont les cheveux avaient blanchi. Depuis 1914, il portait fièrement le ruban vert et noir de 1870-1871, à côté de la rosette d'officier de l'Instruction Publique que lui avait valu son dévouement à l'enseignement professionnel. Il mourut en 1931 à l'âge de 84 ans."
Comme souvent, Fléty ne cite pas ses sources. Je ne sais pas où il a pu trouver une biographie aussi complète.
Quoi qu'il en soit, Jules Domont fut un grand nom de la dorure de la fin du XIXe siècle, et l'on peut parier que bon nombre des roulettes et filets dorés exposés dans le billet d'hier ICI, sont son œuvre.
L'homme du Rhin nous joint deux belles photos venant corroborer ces dires. Une belle reliure en maroquin signée d'un côté par Reymann et de l'autre par Domont (chaque contreplat). De mon côté je n'ai jusqu'à ce jour croisé qu'une seule fois la signature de Domont, sur une reliure en maroquin vert exécutée sur un ouvrage de 1866 (il était alors chez Marius Michel père). Seule la signature de Domont figurait sur cette belle reliure, au second contreplat (je n'ai plus l'ouvrage, il faut que je vérifie si j'ai conservé des photos).
Bonne soirée et bon weekend de l'escalade !
Bertrand
Pour continuer et clore la parenthèse de nos amis artistes relieurs et doreurs du second Empire français, voici ce qu'un ami d'outre Rhin qui nous veut du bien m'écrit.
Concernant ce travail de dorure que nous avons exposé hier ICI, il nous met sur la piste d'un doreur renommé de cette période et qui a visiblement travaillé pour de nombreux relieurs titrés de la capitale. Le sieur DOMONT.
Citons Fléty dans son Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours (édition Technorama, 1988, p. 60). C'est d'ailleurs je crois une des plus longues fiches de ce très utile dictionnaire dont on attend avec impatience la nouvelle édition corrigée et augmentée... qui ne vient pas !
"DOMONT, Jules, né à Amiens en 1847, fut d'abord apprenti relieur chez Koehler. En ce temps-là les apprentis faisaient les courses, allaient chez les doreurs ; le jeune Jules, probablement ébloui par l'or, quand il allait rue Dauphine, chez Lagardette, déclara nettement qu'il voulait être doreur et non relieur. Il entra chez Mézamat comme apprenti. En 1866, son apprentissage terminé, il passait chez Marius-Michel père où il se perfectionna et acquit en partie cette sûreté de main qui fit plus tard sa réputation. Deux ans après, appelé par la conscription, il fut incorporé dans l'infanterie de marine, c'est dans ce corps d'élite qu'il fit la campagne de 1870 et combattit à Bazeilles où il fut fait prisonnier avec toute l'armée de Sedan.
Revenu à la vie civile, avec les galons de sergent-major, il entrait en 1873 dans l'atelier Smeers qu'il quittait trois ans plus tard pour celui de Lortic où il resta également trois ans.
Il collabora dans ce dernier atelier aux travaux exécutés pour l'Exposition Universelle de 1878 qui consacra la renommée de la maison.
Mais sa nature indépendante souffrait ; il rêvait de voler de ses propres ailes. Il s'établit donc doreur sur cuir et s'installa modestement au n°7 de la rue de l'Eperon, en 1879.
La clientèle vint, car il était aimable, consciencieux, aimant à rendre service, ponctuel même, qualité rare à cette époque.
Il dut s'agrandir, prendre des collaborateurs ; c'est alors, vers 1882 ou 1883, qu'il s'installa au 11 de la rue de Buci qu'il ne devait plus quitter.
Tous les relieurs de la fin du XIXe siècle qui ne possédaient pas d'atelier de dorure furent ses clients. Allô, Canape père et fils, Carayon, Champs, David père et fils, Durvand, Noulhac, Pagnant, Reymann, Stroobants, etc., ont connu l'atelier de la rue de Buci où passèrent également la plupart des ouvriers doreurs qui sont devenus parmi les meilleurs ouvriers de la corporation.
Il créa de nouvelles compositions en mélangeant les filets, la flore ornementale et les motifs emblématiques et fut un partisan des reliures parlantes, très goûtées entre 1880 et 1890. A partir de cette dernière date, les filets furent progressivement abandonnés, laissant à la flore et aux emblèmes la décoration des plus riches reliures.
L'amour qu'il portait à son métier devait l'inciter à rendre des services au syndicat corporatif, où il figura à partir de 1891. Il fit bientôt partie du conseil et en 1894 acceptait de faire le cours du soir aux apprentis et élèves professionnels. Le nombre des élèves devint tel qu'il fallut, en 1899, scinder le cours en deux sections, dont une supérieure où il professa jusqu'en 1914. Après la guerre, malgré l'âge, il avait plaisir à se retrouver au milieu de ceux et de celles qu'il avait connus enfants et dont les cheveux avaient blanchi. Depuis 1914, il portait fièrement le ruban vert et noir de 1870-1871, à côté de la rosette d'officier de l'Instruction Publique que lui avait valu son dévouement à l'enseignement professionnel. Il mourut en 1931 à l'âge de 84 ans."
Comme souvent, Fléty ne cite pas ses sources. Je ne sais pas où il a pu trouver une biographie aussi complète.
Quoi qu'il en soit, Jules Domont fut un grand nom de la dorure de la fin du XIXe siècle, et l'on peut parier que bon nombre des roulettes et filets dorés exposés dans le billet d'hier ICI, sont son œuvre.
L'homme du Rhin nous joint deux belles photos venant corroborer ces dires. Une belle reliure en maroquin signée d'un côté par Reymann et de l'autre par Domont (chaque contreplat). De mon côté je n'ai jusqu'à ce jour croisé qu'une seule fois la signature de Domont, sur une reliure en maroquin vert exécutée sur un ouvrage de 1866 (il était alors chez Marius Michel père). Seule la signature de Domont figurait sur cette belle reliure, au second contreplat (je n'ai plus l'ouvrage, il faut que je vérifie si j'ai conservé des photos).
Bonne soirée et bon weekend de l'escalade !
Bertrand