vendredi 17 juillet 2009

Mario Nizzoli ou Nizolius et le Thesaurus Ciceronianus (1572).




Pour faire suite au billet d'hier... en latin et en grec (on cherche toujours Venantius...),

chose promise, chose due, voici quelques informations sur l'ouvrage ayant appartenu à Johann Opfer, vers la fin du XVIe siècle.

Il s'agit d'un grand volume, in-folio, ayant pour titre :

"NIZOLIVS sive thesaurus Ciceronianus, omnia Ciceronis uerba, omnenq; loquendi atq; eloquendi uarietatem complexus : nunc iterum Caeli Secvndi Cvrionis labore atque industria, quarta parte auctior. Index quinetiam, in quo uulgaria uerba, & barbara quàm plurima, subiectis Ciceronis purissimis uerbis indicantur, & ipse non contemnenda accessione locupletatus. Adiecta est diuersorum Ciceronis exemplarium collatio, qua ceu Thesei filo in singulis, quae hîc citantur, inquirendis, uti citra negocium licebit."

Cet imposant volume sort de l'officine Hervagiana, à Bâle.

Imprimé sur deux colonnes, aux caractères serrés, en compte près de 1500. Soit environ 750 pages ou plus de 375 feuillets en comptant les feuillets préliminaires.

Que nous disent les sages sur cet ouvrage ?

Tout d'abord que cet ouvrage est l'oeuvre d'un seul homme : Mario Nizzoli ou Nizolius (nom latinisé), né en 1498 à Brescello ou à Boreto, campagne voisine de cette ville, dans le Modenèse, et mort dans la même ville en 1566, à l'âge de 68 ans.

Savant littérateur et philosophe estimable, nous dit Michaud dans sa biographie universelle, il fit ses études avec beaucoup de distinctions, et fut appelé, en 1522, à Brescia, par le comte J.-F. Gambara, protecteur éclairé des lettres, qui lui donna un logement dans sa maison, et ne cessa de le combler de marques d'intérêt. Ce fut par le conseil de Gambara, qu'il s'attacha particulièrement à la lecture des ouvrages de Cicéron, dont il fit ses délices le reste de sa vie.

La reconnaissance l'engagea à se charger de l'éducation des neveux de son bienfaiteur ; et il ne quitta Brescia que pour aller occuper une chaire à l'université de Parme, au commencement de l'année 1547.

Le prince Vespasien de Gonzague ayant établi, en 1562, une académie à Sabionetta pour l'enseignement des langues anciennes, il en offrit la direction à Nizzoli, avec un traitement de trois cent écus.

Nizzoli ne tarda pas à se repentir d'avoir accepté une place qui le détournait de ses occupations habituelles, et que ses infirmités l'empêchaient d'ailleurs de remplir aussi bien qu'il l'aurait désiré. Il présenta donc sa démission ; et se retira à Brescello.

Que nous a-t-il laissé ?

En 1535 il fait paraître ses Observationes in M. Tullium Ciceronem, in-folio. Le volume parait à l'adresse de Pratalboino, une terre de Gambara.

C'est la première édition d'un ouvrage qui en connaîtra de très nombreuses, et complétées à chaque fois.

C'est le recueil alphabétique de tous les mots employés par l'orateur romain, avec des exemples qui servent à en déterminer les différentes acceptions. Il dédia cet ouvrage à son mécène, qui l'avait fait imprimer à ses frais, dans sa propre maison. Cette première édition de 1535 est belle et rare, mais peu recherchée, parque qu'elle est moins complète que celles qui ont suivi.

Un édition de 1570 a été donnée par son neveu, Michel Nizzoli, corrigée sur les manuscrits de son oncle, elle porte alors un titre plus évocateur de Thesaurus Ciceronianus.

Ce trésor, nous dit encore Michaud, eut une grand vogue dans le seizième siècle. A peine avait-il paru, que les imprimeurs de Bâle et de Lyon, le reproduisirent.

Coel. Secundus Curion et Marcel Squarcialupi, en donnèrent des éditions augmentées, tombées dans l'oubli.

Michaud toujours (en 1822) indique qu'on fait alors encore cas des éditions de Jacques Cellarius, Francfort, 1613, in-folio, et que la meilleure des éditions de cet ouvrage, est sans contredit, celle que Facciolati a publiée, avec des augmentations, Padoue, 1734, sous le titre de Lexicon Ciceronianum.

Pour la petite histoire, oubliée aujourd'hui des vulgaires que nous sommes, le succès de cette compilation (véritable travail de galérien...), ne pouvait manquer d'éveiller la critique. Le célèbre Henri Estienne n'épargna ni l'auteur ni son livre dans deux dialogues intitulés : Pseudo-Cicero, et Nizolio-Didascalus.

Michaud ajoute que tout en convenant que l'ouvrage n'était pas exempt d'erreurs, et que la plupart des observations d'Estienne étaient fondées, il n'en n'est pas moins juste de dire que la lecture en pouvait être alors fort utile aux amateurs de la langue latine.

Nous passerons sur les autres ouvrages de Nizzoli qui n'ont pas laissé, comme le Thesaurus Ciceronianus, une marque aussi évidente.

J'ai lu par ailleurs et pour confirmer les derniers propos de Michaud, que cet ouvrage était devenu tellement à la mode que les étudiants, de nombreux érudits et autres gens du monde, lisait Cicéron dans le Nizolius... c'est à dire qu'en ne lisant que des extraits de phrases de Cicéron... Nizolius avait au moins réussi son pari de faire aimer et lire Cicéron, c'est certain.

Ce qui est encore une fois émouvant dans l'exemplaire que je vous décrit, c'est l'incroyable état de conservation de la reliure (vraisemblablement bâloise sans l'ombre d'un doute, et très probablement exécutée très peu de temps après l'édition de l'ouvrage, soit entre 1572 et 1580 je pense). Une reliure, un volume qui a échappé au temps, encore un ! Malgré plus de quatre siècles d'histoire mouvementée des pays, malgré les guerres, malgré les abominations humaines, malgré les catastrophes naturelles, les destructions en tous genres... ce livre est arrivé jusqu'à nous, en ce début du XXIe siècle, intact. Je sais que je vais me répéter, mais je le redis (pour ceux que cela touche la redite n'est pas faute), c'est émouvant !

Je vous laisse admirer la reliure.

Ah oui, une particularité pour cette reliure. Parfaitement conservée comme je vous le disais, il n'empêche qu'un amateur a cru bon au XVIIe siècle de recouvrir le dos (qui n'était pas absent - on le sent en dessous - et en bon état, ça se sent ... ), d'une basane brune avec fers estampés à froids dans les caissons. On distingue également encore un peu (mais à peine), le titre à l'encre sur le cuir. Ce qui donne au final un exemplaire assez étrange et peu commun, mixage de deux époques de la reliure, entre peau de truie estampée à froid dans la tradition bâloise et allemande (du milieu du XVe à la fin du XVIIIe siècle), mélangé à la tradition des reliures à dos ornés de fleurons (France notamment) au XVIIe et XVIIIe siècle.


Je vous laisse vous faire votre propre idée sur cette reliure et donner votre avis et vos remarques.

Et comme dit un dicton piémontais (ou aragonais... je ne sais plus...),

Temps pluvieux,
Bibliomane heureux !

Bonne journée,
Bertrand

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