La bibliothèque de Salomon Phélypeaux, seigneur des Landes (1574-1655) par Le Barbet
La famille Phélypeaux fut une importante famille de la noblesse dont les origines connues sont Jean Le Picard, cité en 1297. Phélypeaux était un surnom, devenu patronymique au XVe siècle. (Pour se rendre compte de l'importance de la famille, il suffit de se rendre sur la page Wikipedia consacré à la Maison Phélypeaux).
Nous allons donc ici nous intéresser à un membre mal connu de cet famille, mort sans descendance : Salomon Phélypeaux (1574-1655), seigneur des Landes.
Signature de Salomon Phélipeaux (livre de 1586)
Signature de Salomon Phélipeaux (livre de 1609)
Signature de Salomon Phélipeau (livre de 1597)
Tout d'abord pour le situer la généalogie familiale, Raymond Phélypeaux d'Herbault et Paul Phélypeaux de Pontchartrain, tous deux secrétaires d'Etat, étaient ses frères. Ce furent d'ailleurs les deux premiers de la famille à avoir des places importantes, la famille étant encore à Blois dans les générations précédentes.
Sur Salomon Phélypeaux en particulier, nous ne connaissons que très peu de choses. Le site des archives nationales ne mentionne que peu de choses à son sujet. On trouve un document (Y//184-Y//187 - fol. 475) qui le dit conseiller du Roi aux conseils d'Etat et privé, demeurant à Paris rue Girard Bocquet (Beautreillis), paroisse Saint-Paul. Il s'agit d'une donation au profit de son neveu Paul Ardier, fils de Paul Ardier et de sa soeur Suzanne (décédée en 1651). Ce document a malgré tout un intérêt dans notre enquête sur Salomon : la donation concerne des biens à Charenton.
Un autre document serait probablement très intéressant à consulter : son testament conservé dans les minutes du notaire Benjamin Moufle. A défaut de pouvoir le consulter - pour le moment -, on en devine en partie le contenu.
En effet, nous avons déjà su identifier quatre exemplaires provenant de sa bibliothèque :
- Saint François de Sales, Introduction à la Vie dévote. Lyon, Pierre Rigaud, 1609. (Bernard Brochier, vente Alde, 25 novembre 2015, n°8 ; Michel R. depuis).
- Saint Jean Chrysostome, Homélies. Traduictes en françois, par François Joulet. Paris, Abel L'Angelier, 1608. (Frédéric de Janzé ; Edouard Rahir ; Henri Béraldi ; Michel Wittock, 6ème partie, vente Alde, 12 novembre 2015, n°22).
- Diego de Stella, Méditations très-dévotes, de l'Amour de Dieu. Paris, Guillaume Chaudière, 1586. (Le Barbet depuis 2012). Cet exemplaire fut présenté lors de l'Exposition Universelle de Paris en 1878.
- Pedro de Ribadeneyra, Traicté de la tribulation. Paris, Guillaume Chaudière, 1597. Exemplaire appartenant à un lecteur du blog.
Saint Jean Chrysostome
Pedro de Ribadeneyra
Ces trois ouvrages ont plusieurs points communs :
- reliure en maroquin olive à décor de feuillages, exemplaire réglé.
- reliure typiquement parisienne attribuée à l'atelier de Clovis Eve (le travail est particulièrement typique de Clovis Eve. Certaines fiches n'indiquent que "Atelier parisien", d'autres mentionnent clairement Eve - voyez l'ouvrage de la vente PBA, 14 février 2018, n°18). Toutefois, si je demeure persuadé de l'atelier, une spécialiste m'a dit qu'elle ne l'était pas.
- sujet religieux.
- inscriptions sur la page de titre.
- traces de fermoirs en tissu fixés par perforation dans les plats (la photo ci-dessous vient d'un exemplaire dont nous ne pouvons affirmer la provenance vu que les pages de titre sont absentes).
- un décor très proche des bords.
Notre hypothèse est que tous les exemplaires correspondant à cette description ont été reliés par Clovis Eve pour Salomon Phélipeaux, probablement entre 1610 et 1620, et qu'ils furent ensuite légués par testament aux Carmes déchaussés de Charenton. Sur les huit exemplaires que nous avons identifiés, au moment de la rédaction de cet article, nous n'avons pu savoir une provenance ancienne que pour les trois exemplaires cités précédemment et qui confirment notre hypothèse, ou plutôt ne l'infirment pas.
Exemplaire avec les fermoirs tissus conservés - BM Angers, Rés ST 0738
Venons-en à ces inscriptions qui sont au nombre de deux :
- SPhélipeaux, signature que nous pensons autographe de Salomon Phélypeaux. Le S et le P sont l'un sur l'autre.
- Ex lib. Conven. Charenton Carm. Discalce. Ex dono Dnj des lendes (sic!) 1655.
Pour les deux exemplaires passés à la vente Alde, il ne fut pas remarqué ce qu'il était écrit sur ces exemplaires.
En effet, pour l'exemplaire de Wittock, on attribuait bizarrement la signature à Louis Phélypeaux (1599-1684) qui se serait séparé de l'exemplaire avant sa mort puisque la fiche indiquait bien que l'exemplaire fut donné par Deslendes en 1655 (en indiquant que c'était aux Carmes de Charentes (sic!)).
L'exemplaire de Brochier indiquait uniquement [....]eaux et des Tendes (resic!) 1645. Sur cet exemplaire, effectivement, le 1655 est mal écrit et peut laisser penser à 1645. La partie mentionnant les Carmes déchaussés est biffée (voir photo ci-dessous).
Ex-dono sur Diego de Stella.
Ex-dono en partie biffé sur l'Introduction à la Vie dévote.
Notre interprétation évidente est que Salomon Phélypeaux fit don de sa bibliothèque aux Carmes déchaussés de Charenton par testament. La lecture de celui-ci devrait confirmer cette quasi-certitude.
Par ailleurs, notons que d'autres exemplaires ont des reliures particulièrement proches, notamment dans la vente Bernard Brochier :
- Saint Augustin, [La Cité de Dieu] - [Le Livre de sainct Augustin de l'Unité de l'Eglise contre Pétilian,... fait françois par Jacques Tigeou, angevin,... avec une épître de 1566]. Paris, J du Carroy, 1601. 2 volumes, sans les pages de titre (BM Angers, Rés. ST 0738).
- Saint Augustin, Les Confessions. Paris, Michel Sonnius, 1598. (Alde, 25 novembre 2015, n°6)
- Saint François de Sales, Traité de l'Amour de Dieu. Lyon, Pierre Rigaud, 1617. (Alde, 25 novembre 2015, n°9)
- Saint Bonaventure, L'Aiguillon de l'Amour divin. Paris, Abel l'Angelier, 1588. (voir H.W. Davies, Early French Books in the Library of C. Fairfax-Murray, I, p.46, n°55).
- Saint Ambroise, Trois livres des offices. Paris, Chaudière, 1588. (voir catalogue Burton, New-York, 22 april 1994, n°77)
Malheureusement, il nous semble difficile de savoir si ces exemplaires possédaient les mêmes particularités ou non sans les avoir vu ou sans information sur les pages de titres. Nous essayerons de compléter la liste des exemplaires connus avec cette provenance et nous sommes d'ailleurs preneur de toute information sur d'autres exemplaires ou sur les exemplaires particulièrement proches ci-dessus.
Alde, 25 novembre 2015, n°6 - Confessions de Saint-Augustin
Alde, 25 novembre 2015, n°9 - Traité de l'Amour de Dieu
BM Angers, Rés ST 0738 - La Cité de Dieu
PBA, 14 février 2018, n°18
Cet exemplaire ne correspond pas aux caractéristiques des exemplaires S.Phélipeaux, nous ne le mettons ici que pour montrer un autre exemple de reliure proche provenant de l'atelier de Clovis Eve.
Le Barbet