Chers amis, voilà ce que c'est que de trainer ses guêtres dans la lande toute la journée... Je vous le dis, la crise n'est pas là si j'en crois ces amas insensés de gens errant comme des abeilles affolées dans les boutiques de la grand'ville en ces veilles de fêtes. Passons.
Je voudrais vous raconter mon expérience du jour.
J'avais rendez-vous dans un petit café dijonnois pour voir un livre. Un livre d'emblèmes du XVIIe siècle plus exactement. Format petit in-4 oblong, 124 gravures sur cuivre du plus bel effet. Je vous laisse deviner le titre. Là n'est pas l'essentiel de mon propos. Un volume imprimé en 1667 dans une reliure du début du XIXe siècle. Reliure plus que simple, demi-veau brun, peu décorée, en bon état sans plus, plats frottés, dos légèrement frotté. Volume en mains, à ce stade, mon avis était chancelant, mitigé dirons-nous. J'ouvre le volume. Les feuillets, contrairement à ce qui arrivait souvent au XIXe siècle, n'avaient pas été lavés ni passés à la presse (rouleaux), c'est à dire que les gravures conservaient leur velouté, le relief du tirage, la netteté d'une estampe non "martelée" pour rendre le papier lisse. Évidemment, cela implique quelques désagréments. Le papier était inégal, certains feuillets assez fortement roussis, d'autre légèrement tachés. La page de titre de ce recueil présentait quelques salissures et notamment quelques coups de crayon à papier ou de mine de plomb. L'ouvrage était bien complet. Je l'ai feuilleté et feuilleté encore, soupesé, tourné dans tous les sens, hésité, reposé à côté de mon thé au lait (on ne peut pas boire que du Beaujolais nouveau...), repris en mains pour un ultime examen, reposé encore. Le verdict allait venir. Le prix était somme toute assez raisonnable pour ce type d'ouvrage, mais l'exemplaire ne me plaisait pas assez pour que j'arrive à me décider. J'ai donc finalement décliné l'offre, avec quelques moitiés de regrets et quelques soulagements sans doute, l'impression d'un travail d'expertise somme toute accompli de bonne façon. J'avais dit non. Je m'en suis tenu là.
Repartant dans la ville grouillante et frissonnante de ce début de décembre, ce livre encore en mémoire et les quelques instants d'émotion qu'il m'avait procuré, le lourd verdict d'avoir dit non encore aux oreilles, sans regrets pourtant, je me disais en marchant : en pays de bibliophilie, un bon achat est quelquefois un achat qu'on ne fait pas...
Et demain sans aucun doute choisirais-je avec bonheur d'acheter un livre sans trop réfléchir. J'aurais même envie de dire, tout simplement, en parodiant un peu : parce que c'était lui, parce que c'était moi.
Voilà, c'était court, sans doute assez peu passionnant comme billet, mais je tenais à vous faire partager, à vous mes co-équipiers bibliomanes, mes sentiments de chasseur bibliophile-libraire.
Bonne nuit,
Bertrand
Je voudrais vous raconter mon expérience du jour.
J'avais rendez-vous dans un petit café dijonnois pour voir un livre. Un livre d'emblèmes du XVIIe siècle plus exactement. Format petit in-4 oblong, 124 gravures sur cuivre du plus bel effet. Je vous laisse deviner le titre. Là n'est pas l'essentiel de mon propos. Un volume imprimé en 1667 dans une reliure du début du XIXe siècle. Reliure plus que simple, demi-veau brun, peu décorée, en bon état sans plus, plats frottés, dos légèrement frotté. Volume en mains, à ce stade, mon avis était chancelant, mitigé dirons-nous. J'ouvre le volume. Les feuillets, contrairement à ce qui arrivait souvent au XIXe siècle, n'avaient pas été lavés ni passés à la presse (rouleaux), c'est à dire que les gravures conservaient leur velouté, le relief du tirage, la netteté d'une estampe non "martelée" pour rendre le papier lisse. Évidemment, cela implique quelques désagréments. Le papier était inégal, certains feuillets assez fortement roussis, d'autre légèrement tachés. La page de titre de ce recueil présentait quelques salissures et notamment quelques coups de crayon à papier ou de mine de plomb. L'ouvrage était bien complet. Je l'ai feuilleté et feuilleté encore, soupesé, tourné dans tous les sens, hésité, reposé à côté de mon thé au lait (on ne peut pas boire que du Beaujolais nouveau...), repris en mains pour un ultime examen, reposé encore. Le verdict allait venir. Le prix était somme toute assez raisonnable pour ce type d'ouvrage, mais l'exemplaire ne me plaisait pas assez pour que j'arrive à me décider. J'ai donc finalement décliné l'offre, avec quelques moitiés de regrets et quelques soulagements sans doute, l'impression d'un travail d'expertise somme toute accompli de bonne façon. J'avais dit non. Je m'en suis tenu là.
Repartant dans la ville grouillante et frissonnante de ce début de décembre, ce livre encore en mémoire et les quelques instants d'émotion qu'il m'avait procuré, le lourd verdict d'avoir dit non encore aux oreilles, sans regrets pourtant, je me disais en marchant : en pays de bibliophilie, un bon achat est quelquefois un achat qu'on ne fait pas...
Et demain sans aucun doute choisirais-je avec bonheur d'acheter un livre sans trop réfléchir. J'aurais même envie de dire, tout simplement, en parodiant un peu : parce que c'était lui, parce que c'était moi.
Voilà, c'était court, sans doute assez peu passionnant comme billet, mais je tenais à vous faire partager, à vous mes co-équipiers bibliomanes, mes sentiments de chasseur bibliophile-libraire.
Bonne nuit,
Bertrand