J’ai un réel souci ! Lorsque je croise un religieux ; invariablement je me demande
« à quel ordre appartient-il ? », est-ce un franciscain, un dominicain, jésuite, bénédictin, cordelier, capucin, chartreux, un cistercien !!!!…bref c’est INSUPPORTABLE…(1)
Et bien depuis quelque temps, je suis sauvé ; j’ai eu le bonheur d’acquérir avec quelques deniers que j’ai pu mettre de côté le livre suivant :
Essai sur l'histoire naturelle de quelques espèces de moines. Décrits à la manière de Linné. Ouvrage traduit du latin et orné de figures. Par Jean d'Antimoine, naturaliste du grand Lama etc. etc. (2)
A Monachopolis, 1784, in-8, 131 pp., avec 3 planches dépliantes de costumes de moines non signées et 2 figures par Sébastien Leroy & gravées par Delignon (3)
(Vous pouvez agrandir la vignette, on y voit un faune « à son avantage » dansant avec un bouc) Derrière Jean d’Antimoine se cache
Pierre-Marie-Auguste Broussonnet (1761-1807) qui était secrétaire permanent à Paris de la Société Royale d’Agriculture.
Les douze chapitres décrivent énumèrent les habitudes vestimentaires des moines : le Bénédictin, le Jacobin ou Dominicain, Le Camaldule, l’Augustin, le Servite, etc.
Quand j’ai déplié pour la première fois les planches, je me suis souvenu des découpages de mon enfance, ou il fallait détacher des habits pour vêtir tel ou tel personnage ; si, si, rappelez-vous ! il y avait des languettes au niveau des épaules qu’il fallait rabattre pour y fixer les vêtements de carton.
Et bien ici, j’ai immédiatement pensé à « Habiller vous-même votre moinillon ».
C’est vraiment l’ouvrage qu’il me fallait ; avec ça j’identifie à coup sur les ecclésiastiques que je croise lors de mes errances… et j’erre beaucoup.
Voici un aperçu du contenu de ce fort utile ouvrage, ou j’ai respecté l’orthographe du temps.
Définition : Animal à figure humaine, avec un capuchon, hurlant pendant la nuit, tourmenté de la soif.
Description : Le corps bipède, droit ; le dos courbé, toujours ornée d’un capuchon. Le corps couvert de tous côtés, excepté dans quelques espèces les pieds, le derrière, les mains & la tête qui sont à nud. Du reste, animal avare, malpropre, exhalant une odeur fœtide ; oisif, aimant mieux manquer de tout que de travailler. Les moines se rassemblent en troupe au soleil levant ou couchant & aussi dans la nuit ; ils crient tous ensemble, quand un d’entre-eux a donné l’exemple ; ils accourent tous au son des cloches ; ils marchent presque toujours deux a deux ; il se couvrent de laine ; ils vivent de rapine & de quête ; ils disent que le monde n’a été créé que pour eux ; ils se multiplient furtivement, attaquent ceux de leur propre espèce, se battent, se déshonorent dans leurs assemblées pour les places lucratives & supérieurs, & portent toujours des coups cachés à leurs ennemis : le retraite, la discipline & le cachot n’est que pour les individus qui pensent & disent autrement que le chef.
La femelle ne differe du mâle que par un voile qu’elle a toujours sur la tête ; elle est plus propre, ne sort presque pas de son habitation, qu’elle a soin de tenir très-nette (a). Les jeune aiment à jouer, elles prennent tout ce qu’elles peuvent rencontrer, regardent autour d’elles, saluent les mâles en riant : les adultes & les vieilles sont malignes ; elles mordent, elles montrent leurs dents quand elles sont en colère.
(a) Elle dit Ave quand on l’interroge, elles jasent toutes à la fois, quand elles en ont la permission ; elles tremblent au son des cloches.
Différence :
L’homme parle, raisonne, a une volonté. Le moine le plus souvent est muet, ne raisonne pas & n’a point de volonté, car il est entièrement soumis à son supérieur. L’homme porte sa tête élevée ; le moine la porte penchée, les yeux toujours fixés contre terre. L’homme gagne son pain à la sueur de son front ; le moine s’engraisse dans l’oisiveté. L’homme habite avec ses semblables ; le moine cherche la solitude, se cache, fuit le grand jour, d’où il est clair que le genre le moine est très-distinct de celui de l’homme, & qu’il est intermédiaire entre celui-ci & celui du singe ; qu’il est pourtant plus rapproché de ce dernier dont il ne differe que par la voix & la qualité de ses aliments.
Usage.
Un poids inutile sur la terre, né pour manger & boire.
Métamorphoses :
Plantes. Graines, avec cotyledons en fleur, en graine.
Insectes. Œuf, chenille, chrysalide, insecte parfait.
Quadrupedes. Fœtus, enfant, jeune, adulte.
Crapauds. Œuf, tetard, crapousin, crapaud.
Moines. Oblat ou donné, Novice, Frere lai, Reverend Père.
Il me reste maintenant à trouver l’équivalent pour les nonesses et le tour est joué…
Xavier « bontems »
(1) Vous comprendrez ici :
http://tinyurl.com/rx3ozc(2) Références : Caillet 1439 ; Cohen : Livres à gravures 190 ; Quérard 363 ; Barbier 5804 ; Gay II, 168 "cet ouvrage piquant, et où toutes les formes d'une description technique et scientifique sont observées, est en effet traduit par Mr Broussonnet, du latin, de l'ouvrage allemand de Johannes Physiophilus [le baron Ignace de Born], intitulé : Specimen monacholiæ methodo Linneana tabulis tribus æneis illustratum. Mr Broussonnet, savant lui-même et homme d'esprit, n'a pu qu'ajouter du piquant à cette excellente plaisanterie. L’ouvrage sera ensuite réimprimé chez Obré, an VI-1798, in-8, en vente au prix de 12 francs, puis chez Cabanon en 1883.
(3) Béraldi-Les graveurs du XVIIIe, T.1, page 709, (Jean-Louis Delignon, 1755-1804).