Le beau catalogue de la librairie Paul Jammes « Les livres, ceux qui les fabriquent, les vendent, … les détruisent », m’a fait penser à Érasme, en raison d’un ouvrage de ma bibliothèque qui illustre bien la dernière partie du catalogue : Censure, enfer et mise à l’index. (Je vous recommande de lire les propos introductifs du catalogue, plaidoyer juste et émouvant pour le livre-papier à l’heure du tout électronique).
Fig 1.
Pas facile de penser librement au XVIe siècle tout en restant favorable aux idées de la religion catholique. Pas facile non plus de prôner une morale rigoureuse quand le chef de l’église s’appelle Borgia et régnait encore quelques années auparavant (allez voir l’expo Borgia au musée Maillol à Paris). Mais Érasme n’avait pas peur du contradictoire et de ferrailler avec les autres penseurs de son temps.
Sa position de rénovateur évangélique modéré, refusant de promouvoir les idées schismatiques, allait lui permettre de tenir tête aux critiques jusqu'à sa mort en juillet 1536. Mais dès le 19 janvier 1543, ses écrits se retrouvèrent détruits par le feu en même temps que ceux de Luther, dans la cité de Milan.
Ils se trouvèrent sanctionnés à nouveau à l'occasion du Concile de Trente, sommet de la Contre-Réforme convoqué le 22 mai 1542 par le pape Paul III et qui débuta en réalité plus de 2 ans plus tard. Les œuvres d’Érasme se trouvèrent mises à l'index de l'université de Paris dès 1544, pour être finalement totalement interdites, par le pape Paul IV, en 1559. L'index romain les classa d'abord parmi les bannis de première catégorie, ceux « qui se sont écartés délibérément de la foi catholique et dont on condamne tous les écrits ». Ultérieurement, du fait de demandes d'allègement de la peine frappant les ouvrages signés par l'humaniste, on les reclassa finalement comme de seconde catégorie, ceux « des auteurs dont certains livres sont interdits parce qu'ils conduisent à l'hérésie, à l'impiété ou à l'erreur ».
Fig 2.
Ce sont les vicissitudes de la pensée d’Érasme qui explique la présente page de titre d’une édition du De Conscribendis Epistolis publiée chez Gryphe en 1542 et caviardée sans doute dans les années 1544. On lit Opus (Erasm) i Rot. L’acidité de l’encre ayant terminé l’œuvre du censeur.
Pas très esthétique me direz-vous, mais précieux témoignage de l’histoire d’une œuvre.
Bonne Journée,
Textor