mardi 16 décembre 2014

Martin Van Maele : Etude et recherches généalogiques et familiales, par J. M.



3 rue Jacob, où a vécu Martin Van Maele de 1891 à 1898
et où il a hébergé les grands-parents de Jean Genet.


Je sais quelques lecteurs du blog, voire le propriétaire du blog, très intéressés par Martin Van Maele, un des plus fameux illustrateurs érotiques du début du XXe siècle.

Pourquoi je m'intéresse tant à Martin Van Maele ? Depuis maintenant un peu plus d'un an, j'ai entrepris de lever le mystère des origines de Jean Genet, cet écrivain un peu sulfureux et pourtant si important dans l'histoire littéraire des années d'après-guerre. Avant mes recherches, son histoire familiale semblait entourée de la plus grande obscurité. Parler d’histoire familiale pour Jean Genet est presque antinomique, tant le personnage ne semble se rattacher à aucune famille, lui l’enfant de l’Assistance publique. Et pourtant, il a existé une famille Genet avant que Jean Genet n’apparaisse, même si celle-ci semble jusqu'à maintenant entourée de la plus grande obscurité. Jusqu'à maintenant, on  ne disposait que de quelques informations sur sa mère et des bribes d’informations sur ses grands-parents maternels François et Clotilde Genet.


La maison de Philibert Genet au 6, rue des Girondins, Lyon 7e
où Marie Genet, veuve Martin
a vécu de 1926 jusqu’à son décès en 1939


C’est au détour de mes recherches sur cette histoire familiale que j’ai croisé Martin Van Maele. Parmi les surprises qui résultent de mes trouvailles, la parenté de Jean Genet avec Martin Van Maele n’est pas l’une des moindres. Recherchant systématiquement les actes d’état civil de la famille Genet à Paris, j'ai découvert que l’une des tantes de Jean Genet, Marie Françoise, a épousé le 19 février 1889, à la mairie du 16e arrondissement de Paris, un certain Maurice Alfred François Martin, artiste peintre. Ce nom et ces prénoms ne m’évoquaient évidemment personne en particulier. En revanche, j’ai pris l’habitude de faire une recherche rapide sur Internet de toutes les personnes que je trouve. Et c’est là que je découvre, par la magie d’Internet, que derrière ce nom et ces prénoms si communs se cachent pas moins que Martin Van Maele. Je ne le connaissais qu’imparfaitement, même si le nom ne m’était pas inconnu. À partir de ce moment, je suis parti à la découverte de cet illustrateur, car il était si proche des grands-parents, puis de la mère de Jean Genet. Mon objectif n’est clairement pas d’étudier son œuvre d’illustrateur érotique. D’autres le feront mieux que moi. En revanche, tout ce qui peut éclairer sa propre histoire familiale et l’histoire de la famille Genet a été exploré. C’est le résultat de ces recherches que j'ai publié sur Internet, à défaut de trouver un support qui m’accueille.


Eau-forte érotique de Martin Van Maele pour les Amours d'Ovide
Paris, Chevrel, 1913


Ce que j'ai rassemblé sur lui n'apporte que des événements et précisions de son histoire familiale. C'est ainsi que j'ai pu rédiger une biographie de son père ; j'ai pu identifier ses domiciles parisiens entre 1885 et 1903 ; j'ai pu identifier la maison qu'il a habitée et où il est mort à Varennes-Jarcy ; j'ai pu suivre son épouse et sa mère après son décès. Malheureusement, je n'ai pu ni trouver un portait de Martin Van Maele, ni des détails personnels sur lui. J'ai seulement pu identifier quelques œuvres avant sa période érotique. Je vous laisse découvrir tous ces éléments dans l'article que je lui ai consacré : http://histoire-famille-jean-genet.blogspot.fr/p/martin-van-maele.html

Je laisse aussi le soin à Bertrand d'illustrer l'article avec quelques images « choisies ». Pour ma part, je me contente de fournir quelques photos de ses maisons.


Eau-forte érotique de Martin Van Maele pour Un été à la campagne
de Gustave Droz. Vers 1920


Pour ceux que cela intéresse, l'article sur l'histoire de la famille de Jean Genet : http://histoire-famille-jean-genet.blogspot.fr/p/article_4.html

J. M.


Vue actuelle de la maison habitée par Maurice Martin et Marie Genet
route de Mandres à Varennes-Jarcy (Essonne)





Eau-forte érotique de Martin Van Maele pour Les gaietés de Béranger;
A Eleuthéropolis, à l'enseigne de Cupidon, s.d. [vers 1920]

jeudi 11 décembre 2014

Érasme, le Book Émissaire.


Le beau catalogue de la librairie Paul Jammes « Les livres, ceux qui les fabriquent, les vendent, … les détruisent », m’a fait penser à Érasme, en raison d’un ouvrage de ma bibliothèque qui illustre bien la dernière partie du catalogue : Censure, enfer et mise à l’index. (Je vous recommande de lire les propos introductifs du catalogue, plaidoyer juste et émouvant pour le livre-papier à l’heure du tout électronique).


Fig 1.


Pas facile de penser librement au XVIe siècle tout en restant favorable aux idées de la religion catholique. Pas facile non plus de prôner une morale rigoureuse quand le chef de l’église s’appelle Borgia et régnait encore quelques années auparavant (allez voir l’expo Borgia au musée Maillol à Paris). Mais Érasme n’avait pas peur du contradictoire et de ferrailler avec les autres penseurs de son temps.

Sa position de rénovateur évangélique modéré, refusant de promouvoir les idées schismatiques, allait lui permettre de tenir tête aux critiques jusqu'à sa mort en juillet 1536. Mais dès le 19 janvier 1543, ses écrits se retrouvèrent détruits par le feu en même temps que ceux de Luther, dans la cité de Milan.

Ils se trouvèrent sanctionnés à nouveau à l'occasion du Concile de Trente, sommet de la Contre-Réforme convoqué le 22 mai 1542 par le pape Paul III et qui débuta en réalité plus de 2 ans plus tard. Les œuvres d’Érasme se trouvèrent mises à l'index de l'université de Paris dès 1544, pour être finalement totalement interdites, par le pape Paul IV, en 1559. L'index romain les classa d'abord parmi les bannis de première catégorie, ceux « qui se sont écartés délibérément de la foi catholique et dont on condamne tous les écrits ». Ultérieurement, du fait de demandes d'allègement de la peine frappant les ouvrages signés par l'humaniste, on les reclassa finalement comme de seconde catégorie, ceux « des auteurs dont certains livres sont interdits parce qu'ils conduisent à l'hérésie, à l'impiété ou à l'erreur ».


Fig 2.


Ce sont les vicissitudes de la pensée d’Érasme qui explique la présente page de titre d’une édition du De Conscribendis Epistolis publiée chez Gryphe en 1542 et caviardée sans doute dans les années 1544. On lit Opus (Erasm) i Rot. L’acidité de l’encre ayant terminé l’œuvre du censeur.

Pas très esthétique me direz-vous, mais précieux témoignage de l’histoire d’une œuvre.

Bonne Journée,
Textor

lundi 24 novembre 2014

Quatorze sensations d'art signées Octave Uzanne, rassemblées par Bertrand Hugonnard-Roche. 1 volume in-8 (20,5 x 14,5 - format A5), broché, dos carré collé, 170 pages, 14 illustrations en n. et b. (cahier central), couv. coul. Présentation par Bertrand Hugonnard-Roche et 2 tables. Tirage à 216 exemplaires seulement, tous numérotés et paraphés à la main par le "rassembleur". Disponible à partir du 3 décembre à la librairie (10 euros franco de port pour la France métropolitaine). Disponible à la librairie.




A une semaine de l'expédition des premiers exemplaires aux souscripteurs qui m'ont fait confiance (et je ne les en remercierai jamais assez), je me devais de vous dévoiler le contenu de ce volume qui s'est fait attendre.

Voici donc le descriptif du volume que vous aurez, je l'espère, le plaisir de lire pendant vos vacances de nöel :

1 volume in-8 (20,5 x 14,5 - format A5), broché, dos carré collé, 170 pages, 14 illustrations en n. et b. (cahier central), couv. coul. Présentation par Bertrand Hugonnard-Roche et 2 tables. Tirage à 216 exemplaires seulement, tous numérotés et paraphés à la main par le "rassembleur". Les 16 exemplaires de luxe sont déjà souscrits.

Voici les 14 Sensations d'Art par Octave Uzanne contenues dans ce volume :

Constantin Guys (1803-1893), peintre et dessinateur
Félicien Rops (1833-1898), dessinateur, graveur, illustrateur et peintre
Joseph Chéret (1838-1894), céramiste et décorateur
Eugène Grasset (1845-1917), peintre, illustrateur et décorateur
Albert Robida (1848-1926), dessinateur et illustrateur
Jean Carriès (1855-1894), céramiste et décorateur
Auguste Delaherche (1857-1940), céramiste et décorateur
Adolphe Willette (1857-1926), dessinateur, illustrateur et caricaturiste
Paul Helleu (1859-1927), dessinateur et peintre
Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923), dessinateur et illustrateur
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), peintre
Félix Vallotton (1865-1925), dessinateur et peintre
George de Feure (1868-1943), dessinateur et peintre
Georges Meunier (1869-1934), illustrateur affichiste

Des noms connus, d'autres inconnus du grand public mais appréciés encore aujourd'hui par les amateurs d'art. Ce choix volontairement hétéroclite dévoile la sensibilité artistique d'Octave Uzanne confronté aux créateurs du "beau" de son temps.

Prix pour la France métropolitaine franco de port : 10 euros
Prix pour l'Europe et le Monde franco de port : 15 euros

Pour nous faire pardonner plusieurs mois d'attente ... il sera offert à tous les acheteurs une petite surprise "imprimée" jointe au volume.

Livraison des exemplaires à partir du mercredi 3 décembre 2014.

Commande par email à librairie-alise@wanadoo.fr ou par téléphone au 06 79 90 96 36

Avec nos plus sincères remerciements pour votre attention,

Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 13 novembre 2014

Identifier un inconnu photographié vers 1880 ? 1890 ? artiste ? écrivain ? aristocrate ?



Photographie de cabinet (grand format)
Aucun nom de photographe


Je n'arrive pas à me faire à l'idée que je ne saurai jamais qui est ce jeune homme photographié à la fin du XIXe siècle (sans doute entre 1880 et 1900) ? Si vous avez une idée ... je suis certain que ce n'est pas "n'importe qui"...

Bertrand
Bibliomane moderne

mardi 11 novembre 2014

Une étiquette de libraire-imprimeur à Rennes au 18 ème siècle.


En partageant une étiquette ancienne de librairie, Bertrand m’a incité à chercher davantage d’information sur ce libraire et je me suis pris au jeu.

On y lit : « Se Vend, à Rennes, Chez la Veuve de N.AUDRAN, Imprimeur-Libraire, Place du Palais. Et N. AUDRAN, libraire des Facultés des Droits, ruë Royale, carrefour de la ruë aux Foulons. »


Fig 1


On sait que ces petits bouts de papier collés au début du livre sont utilisés depuis le 18 ème siècle environ (En avez-vous trouvé datant du 17ème siècle ?) par les libraires, les papetiers et les relieurs pour faire la réclame de leur officine. (Et oui, avant Ebay, il n’y avait guère que le bouche à oreille et la valse des étiquettes !).

J’ai peu d’ouvrages contenant de telles étiquettes, (Pourquoi doubler le colophon, devaient se dire les proto-imprimeurs !) et mes commentaires n’ont donc pas valeur de statistiques, mais je constate que celles du 19 et 20 ème siècle sont généralement apposées dans l’angle supérieur du premier contreplat et qu’elles sont de taille modeste, moins de deux centimètres (un nom, une adresse) alors que celles du 18 ème siècle sont plus visibles et plus grandes. Celle qui est présentée ici (30x65 mm) est carrément placées au centre de la page (sur le verso du premier feuillet blanc) et donne à lire. Il y en a une sur chacun des deux tomes de cette « Histoire critique de l'établissement des Bretons dans les Gaules, et de leur dépendance des rois de France et des ducs de Normandie », écrite par l’Abbé R. Aubert de Vertot, publiée à Paris chez Nyon, Didot et Quillau en 1730.

D’autres étiquettes  contiennent même un petit inventaire de ce que le client  est en droit de trouver dans la boutique du marchand.

Une recherche effectuée par un amateur canadien nous révèle que ces étiquettes anciennes  sont très courantes et qu’un collectionneur allemand en a réunie 50 000 exemplaires, rien qu’en Allemagne ! (j’espère qu’il a gardé les livres-support). Il a remarqué que les étiquettes sont rares sur le papier d’attente des livres brochés et il en a déduit que l’apposition du nom du libraire indiquerait un ouvrage qu’il a fait relier lui-même. Encore qu’on ne trouve pas cette étiquette sur tous les exemplaires sortis d’une même librairie, mais sur 10-15% d’entre eux environ. Chiffre difficilement vérifiable ! Ce domaine mériterait une étude plus approfondie.   

1730 : la date d’impression m’a été fort utile pour retrouver une trace de ce libraire  Nicolas Audran car il s’agit d’une dynastie de libraires-imprimeurs et ils se prénomment tous Nicolas de père en fils et – comme je le soupçonne – d’oncle à neveu !



Fig 2


Voici l’histoire familiale que j’ai pu brièvement retracer :

- Nicolas 1er Audran, l’aïeul, né le 16 juillet 1637 à Lyon, décédé le 19 septembre 1713 à Rennes, Imprimeur-Libraire à Vannes puis Rennes, marié le 31 août 1666 à Vannes avec Guyonne Thérèse Grandjean, née avant 1648 et décédée le 5 juillet 1723. C’est le fils  du dessinateur, graveur et libraire de Lyon Claude I Audran, chez lequel il fait son apprentissage. C’est en partant faire son tour de France de compagnon qu’il goute à la douceur quasi-angevine de Nantes. Il travaille alors en qualité de compagnon chez le libraire Guillaume I Lepaigneux pendant 2 ans, puis à Quimper, chez l'imprimeur Guillaume II Leblanc pendant 18 mois, puis en 1662 à Vannes chez l'imprimeur Vincent Doriou pendant 2 ans. En 1664, il saute le pas et ouvre sa propre librairie à Vannes. Peu après août 1666, il s'établit également imprimeur et prospère notamment grâce à l'exil du parlement de Bretagne à Vannes en 1675. Au retour de celui-ci à Rennes, il le suit et transfère vers 1689 son imprimerie dans cette ville, tout en maintenant une librairie à Vannes, qu'il confie dès lors à son épouse. Un couple moderne en quelque sorte travaillant à 150 km de distance l’un de l’autre.
 
- Nicolas II Audran, (1672-1722). Son fils - celui de notre étiquette - qui a été son apprenti puis imprimeur à Port-Louis de 1694 à 1704, lui succède alors à Rennes. Il s’est marié le 2 octobre 1708 à Port-Louis,  avec Jeanne Thérèse Pathelin, née vers 1672, qui reprendra l’imprimerie à son décès en 1722. L’adresse est alors Place du Palais (Parlement de Bretagne). La veuve Audran exercera jusqu’en 1740.

- Nicolas III Audran (1709-1785)  marié le 13 mars 1742, à Rennes,  avec  Anne-Marie Vallée (1711-1777)  fils du précédent,  imprimeur et libraire, il aurait donc exercé dès 1730, d’après l’étiquette, à l’angle de la rue Royale et de la rue des Foulons. Il se qualifie de libraire des facultés de droit, pourtant la BNF nous apprend que lesdites facultés  ne furent  transférées de Nantes à Rennes qu’en 1735. Il doit y avoir une erreur dans la date du transfert ou alors ce transfert n’est pas lié  à son titre. A moins que ce Nicolas-là ne soit pas notre Nicolas III qui aurait alors 21 ans, un âge bien précoce pour ouvrir un atelier alors que ses parents s’étaient installés à trente ans passés, après un long apprentissage.  

Le site de data bnf.fr mentionne aussi que sa mère, Jeanne-Thérèse Pathelin, veuve de Nicolas II Audran, se démet en sa faveur dès juillet 1740 et qu’il est reçu par arrêt du Conseil du 9 mai 1742. Voilà qui colle mal, là encore, avec l’information de l’étiquette : Pouvait-il exercer le métier de libraire avant d’entrer officiellement dans la corporation ?  Y a-t-il une erreur dans la fiche de la Bnf ou bien le Nicolas de 1730 serait-il un oncle ou un parent quelconque de Nicolas III ? Le Nicolas de l’étiquette exerçant rue Royale resterait donc à identifier. Si nos collègues de la BNF étaient tombés sur cette étiquette, ils auraient pu compléter avantageusement leur fiche …. J  .

Après la mort de Nicolas-Paul Vatar, il est permis à Nicolas III de se démettre en faveur de son fils Nicolas-Xavier Audran (1784).

 - Nicolas-Xavier Audran de Montenay (1744-1817). J’ignore pourquoi ce titre n’est apparu qu’à cette génération et de quand date l’anoblissement. Mais l’époque était mal choisie pour étaler ses privilèges. Jeté en prison en 1793, pour avoir publié quelques brochures en faveur de la comtesse de Lamballe, il n’aurait recouvré sa liberté qu'à la condition de transporter son imprimerie à Brest. Il était resté jusque-là rue aux Foulons, comme on le voit sur l’adresse d’une brochure vétérinaire de 1787.

 Nicolas-Xavier Audran arriva donc à Brest au commencement de 1794 et, quelques mois après son installation, il éditait le premier journal quotidien de Brest : le Moniteur de Brest et du Finistère, Brest, chez Audran, imprimeur de la Représentation Nationale.

Trois ans plus tard, il fonde un bureau de placement et de renseignements dont le support est l'Indicateur général ou Sallon du commerce, des arts et des étrangers. On lit dans le prospectus :
« 1° Il y aura, rue de la Rampe, n° 11, sous le nom d'Indicateur général, un bureau d'indications. Affiches, Demandes, Offres et Propositions quelconques. L'insertion d'un article, quelle que soit son étendue coûtera 1 livre 4 sous. Cet article restera pendant 10 jours affiché dans le sallon dont nous parlerons plus bas. Pendant les dix jours de l'insertion, on recevra autant d'avis qu'il se sera présenté d'offres analogues à la demande, soit à notre bureau, soit dans les papiers-affiches.
2° Un Sallon de commerce, des arts et des étrangers, qui sera comme le répertoire de toutes les demandes et propositions quelconques de tout ce qui se trouve d'objets à vendre ou à acheter, de maisons ou d'appartemens à louer, de places et d’emplois demandés et offerts. On y trouvera la bourse exacte et sûre, les lois, arrêtés et reglemens de police qui intéresseront le commerce et les étrangers, le mouvement des ports, l'état et l'annonce des marchandises importées ou exportées, etc. Les étrangers qui s'adresseront à notre bureau, y recevront tous les renseignements dont ils pourront avoir besoin. ».

Le Bon Coin.com était né, mais l’arrière-petit-fils de Nicolas Audran s’éloignait du métier de ses aïeux….

Bonne journée,
Textor

Références : Léo Mabmacien a consacré sur son site plusieurs articles à ces étiquettes anciennes de libraire, dont une d’un libraire Rémois. Voir également le blog Chroniques du Livre ancien au Québec (lien sur le BM).

lundi 10 novembre 2014

Et si le Bibliomane moderne reprenait ses bonnes vieilles habitudes ? Être curieux ! Une étiquette de libraire ... peu connu (ou pas).



Et si le Bibliomane moderne reprenait ses bonnes vieilles habitudes ? Être curieux ! Votre présence me manquait je dois bien le dire. Je suis heureux de me dire que je vais vous retrouver régulièrement pour partager quelque trouvaille ou quelle modeste connaissance bibliophilique.

Reprenons en douceur avec cette belle étiquette de libraire. Une étiquette de taille ! Elle mesure 16 x 11 cm environ. Elle est imprimée en taille-douce. Il s'agit d'un travail gravé en 1880 par P. Adolphe Varin d'après un dessin de B. L. Prévost datant de 1762. Une reprise d'un décor tout à fait XVIIIe donc.

Que nous dit cette étiquette ? Elle a été faite pour faire la promotion du libraire LEFILLEUL. Celui-ci est installé au 27, Boulevard Poissonnière à Paris. Que vend-il ? Des livres rares et curieux, des vignettes et portraits pour les illustrations des XVIIIe et XIXsiècles, des estampes du XVIIIe siècle en noir et en couleur, des dessins originaux, des oeuvres de graveurs. Une librairie qui propose du beau livre ancien et moderne illustré donc.

Je dois avouer que ce nom de libraire ne m'est absolument pas familier. Je crois même ne jamais l'avoir rencontré depuis toutes ces années à fouiner dans le monde des livres et des estampes. Qui était-il ?

Ce que l'on sait, c'est que la librairie Lefilleul existe déjà en décembre 1851 lors du coup d'état de Napoléon le Petit. On peut lire les informations suivantes (reprises du Moniteur) dans un livre paru à l'époque sur ces évènements :

« Un libraire, M. Lefilleul, établi depuis plusieurs années sur le boulevard Poissonnière, était occupé à fermer son magasin peu avant le drame du 4 décembre, quand un coup de pistolet tiré par un commis du voisinage sur un clairon de la ligne vint dissiper la foule qui se pressait à ses côtés et laissa passage libre à l’insurgé pour entrer dans la boutique. Celui-ci était suivi de près par le clairon, qui parvint à l’étendre mort derrière un comptoir, mais qui tomba lui-même sur le cadavre. D’autres soldats, venus au secours du clairon, blessent au bas-ventre le malheureux libraire, qui n’a rien vu et qu’on prend pour un adversaire. Une lutte terrible s’engage entre M. Lefilleul et un capitaine. Le premier est deux fois encore blessé à la cuisse et au bras, mais le second tombe mort sous les coups des soldats qui cherchent à le défendre. M. Lefilleul, qui, malgré ses blessures, conserve encore ses forces et son sang-froid, profite de ce terrible moment pour se dégager, et sort du magasin en y laissant trois cadavres. On espère sauver la vie de M. Lefilleul, honnête commerçant, tout à fait étranger aux passions politiques. » (*)

Victor Hugo reprendra d'ailleurs cette histoire dans son Histoire d'un crime.

Près de 30 ans plus tard, s'agit-il toujours du même Lefilleul blessé dans sa boutique boulevard Poissonnière ? Sans doute s'agit-il plus vraisemblablement de son fils et successeur.

On sait que la librairie éditait un catalogue de livres rares à prix marqués. Nous en avons retrouvé la tracer pour 1882 avec un catalogue pour janvier-février.

Jules Le Petit écrit en 1883 dans son Art de former une bibliothèque : « L'an dernier, j'ai vu quatre ou cinq cents Cazins arriver, en même temps, chez Lefilleul, un libraire du boulevard Poissonnière ; ils étaient en assez bon état et à des prix fort convenables. »

Cette famille de librairie mériterait une étude à part entière. Nous avons retrouvé la trace d'un Lefilleul libraire à Paris dès 1822. On trouve un Lefilleul libraire au 15 boulevard Poissonnière en 1835 indiqué dans le Manuel-annuaire de l'imprimerie, de la librairie et de la presse par Ferdinand Grimont.

Lefilleul s'est fait au moins une fois éditeur. On lui doit une suite de 33 estampes pour illustrer les Œuvres de Molière (Paris, Lefilleul, Librairie ancienne, 1881).

Bien que Lefilleul soit resté un nom discret dans le monde de la librairie parsisienne du XIXe siècle, et encore de nos jours, il semble qu'elle ait été un acteur majeur de la bibliopole. Sans doute les Beraldi et autres Uzanne connaissaient et fréquentaient cette échoppe qui vendait du beau livre, ou sont-ils arrivés trop tard ?

A quelle date cette librairie cessa-t-elle son activité ? Nous ne savons pas. Les recherches restent à faire. Nous avons trouvé cette information via le catalogue Data Bnf : « Vente par suite de cessation de commerce de Mme Vve Lefilleul..., de cinquante planches gravées..., illustrations pour les oeuvres de Molière..., portrait d'Honoré Fragonard..., 1885 »


Nous avons déniché un visuel de la librairie A. Lefilleul au 256, rue Saint Honoré à Paris (voir ci-dessus). Photographie carte postale probablement vers 1910. S'agit-il de la même famille de libraires ? Nous ne savons pas.

Ce petit billet pour vous remettre sur les rails du Bibliomane moderne ...
et aiguiser votre curiosité ...
Tout en douceur.

Bertrand
Bibliomane moderne

(*) LE COUP D’ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE 1851 PAR LES AUTEURS DU DICTIONNAIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE [Joseph Décembre et Edmond Allonier] 3e ÉDITION PARIS 1868 DÉCEMBRE-ALONNIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR.

samedi 8 novembre 2014

Information aux lecteurs du Bibliomane moderne : Les Ateliers du livre, histoire des bibliothèques Bibliothèque nationale de France - site François-Mitterrand Jeudi 4 décembre 2014 14h-20h Entrée libre.



Lorenzo Spirito, Per manier de passer tamps…
[Italie du Nord ou France du Sud-Est ? vers 1500].
BnF, Réserve des livres rares, RES 4-NFS-11


Les Ateliers du livre, histoire des bibliothèques
Bibliothèque nationale de France - site François-Mitterrand
Jeudi 4 décembre 2014 14h-20h
Entrée libre

La rareté en question : les acquisitions patrimoniales aujourd'hui et demain

Dans le cadre de ses Ateliers du livre, inaugurés en 2002, la Bibliothèque nationale de France consacre depuis 2010 une session annuelle à l'histoire des bibliothèques.

Organisée en écho à l'exposition "Eloge de la rareté. Cent trésors de la Réserve des livres rares" (du 25 novembre 2014 au 31 janvier 2015, site François-Mitterrand / Galerie 2), cette 36e édition se propose, à travers les témoignages de représentants de grandes bibliothèques françaises et étrangères, d'interroger le statut du document rare dans les collections publiques.
Quel accueil les bibliothèques publiques font-elles aux livres désignés comme rares, comment articulent-elles l’acquisition de livres rares à leur mission patrimoniale, comment envisagent-elles l’évolution de la notion de rareté en matière de livres dans un monde où la patrimonialisation et l'enchérissement des biens culturels sont généralisés ?

Avec des représentants de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque Mazarine, de la Bibliothèque municipale et du musée Jules-Verne, de la British Library, de la Bayerische Staastsbibliothek, de la Beinecke Rare Book & Manuscript Library.

Une visite exceptionnelle de l'exposition "Eloge de la rareté", par Jean-Marc Chatelain, commissaire de l'exposition, clôturera cette journée.

Les conférences, en français et en anglais, seront proposées en traduction simultanée.

***

Cet Atelier est organisé en partenariat avec l'Ecole nationale des chartes et l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques.

***

Programme complet de la manifestation et informations pratiques dans l'agenda culturel de la BnF à cette adresse.




Bérénice Stoll
Service Livre et Littérature française
Département littérature et art
Bibliothèque nationale de France Quai François Mauriac
75706 Paris Cedex 13
Téléphone 33 (0)1 53 79 84 41

vendredi 7 novembre 2014

PAUL LACROIX, L’ « HOMME-LIVRE » DU XIXe SIÈCLE L’ermitage mondain du bibliophile Jacob à l’Arsenal. Journée d’études BNF / CRISES / PLH Grand Salon de la bibliothèque de l’Arsenal, 20 mars 2015.





PAUL LACROIX,

L’ « HOMME-LIVRE » DU XIXe SIÈCLE

L’ermitage mondain du bibliophile Jacob à l’Arsenal.


Journée d’études BNF / CRISES / PLH


Grand Salon de la bibliothèque de l’Arsenal, 20 mars 2015.

Seront exposées à cette occasion certaines pièces exceptionnelles du fonds Paul Lacroix.


MATINÉE

Présidence Jean-Yves MOLLIER, université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, CHCSC.
Paul Lacroix dans sa « chapelle » de l’Arsenal : lieu de travail, lieu d’exposition, lieu de sociabilité.
9h00 : accueil des participants.
9h15 : ouverture de la journée par Bruno BLASSELLE, directeur de la bibliothèque de l’Arsenal.
9h30 : lecture par Jean-Luc FAIVRE.
9h45 : Magali CHARREIRE (université Montpellier III Paul-Valéry, CRISES) – Vermeer à l’Arsenal : la bibliothèque-musée de Paul Lacroix.
10h15 : échanges et discussions.
10h30 : pause.
10h45 : Rémi VERRON (EPHE) – Paul Lacroix, un conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal ?
11h15 : Bertrand HUGONNARD-ROCHE (libraire et chercheur) – Paul Lacroix et Octave Uzanne, apprentissages d’un jeune homme de lettres : votre exemple comme guide et votre mérite comme but.
11h45 : échanges et discussions.
12h00 : lecture par Jean-Luc FAIVRE.
12h15 : pause et déjeuner.

APRÈS-MIDI

Présidence Christian AMALVI, université Montpellier III Paul-Valéry, CRISES.
Paul Lacroix en réseau(x) : haines, amitiés et confraternités.
14h00 : lecture par Jean-Luc FAIVRE.
14h15 : Marine LE BAIL (Arsenal / université Toulouse-Jean Jaurès, PLH) – Paul Lacroix : quel(s) bibliophile(s) derrière le masque ?
14h45 : Jérôme DOUCET (libraire et chercheur) – Paul Lacroix, un camarade du Petit Cénacle.
15h15 : échanges et discussions.
15h30 : pause.
15h45 : lecture par Jean-Luc FAIVRE.
16h00 : Éric DUSSERT (BNF) et Laurent PORTES (BNF) – Les dénonciations du Bibliophile Jacob.
16h45 : échanges et discussions.
17h00 : clôture de la journée par Christian AMALVI (université Montpellier III Paul-Valéry, CRISES)
17h15 : lecture par Jean-Luc FAIVRE.
17h30 : fin de la journée.

Venez nombreux !


vendredi 24 octobre 2014

Salvatore Rosa invenit


Le métier de libraire en livres anciens est le plus beau métier du Monde ! (Je n’ai pas dit le plus vieux !).

Quoi de plus extraordinaire que d’être découvreur de trésors ? Un vieux recueil d’estampes sorti d’un carton de brocanteur dans la lumière blafarde du petit matin devient après de sérieuses recherches, et un peu de chance sans doute, une pièce de musée que se disputent le County Museum de Los Angeles et le Fine Art Museum de San Francisco.

Ces réflexions me viennent de la consultation du catalogue d’un libraire parisien (Le Feu Follet – Pub !) qui propose à la vente une suite d’estampes du peintre et dessinateur italien Salvatore Rosa (1615-1673).


Fig 1 Salvatore Rosa – Figure de mendiant.


Je vous livre un court extrait de cette fiche qui est très bien faite :

« Salvatore ROSA
 Figurine. Varia et concinna delineamenta
S.n., Ca 1656, petit in 4, un frontispice et 60 planches. Un Vol. relié 62 eaux fortes sur papier fort. Très Rare. Salvatore Rosa a exécuté ce travail de gravures vers 1656 dans un recueil originellement intitulé Figurine. Notre recueil porte un autre titre dans le cartouche du frontispice, de même que l’exemplaire possédé par le musée portugais national de Soares dos reis. L’exemplaire du musée portugais est annoncé comme une publication posthume du XVIIIe. La plupart des gravures de ce recueil sont visibles séparément au Fine Art Museum of San francisco (Achenbach Foundation for Graphic Art –plus grande collection américaine de gravures), le County Museum de Los Angeles en possède 8, le Museum of Fine Art de Boston 4. Les gravures sont décrites au même format que notre recueil (13,6 x 8,9 cm), certaines gravées d’après des artistes anonymes, d’autres dessinées par Salvatore Rosa lui-même , les différences de style sont en effet visibles. Le frontispice possédé par le musée de San Francisco est vierge. Le musée ne détient que 52 gravures, par ailleurs toutes inversées. »

Mon sang ne fit qu’un tour. (Comme quoi, il est possible de prendre de l’adrénaline sans sauter à l’élastique,  juste en consultant un catalogue…). Cet ouvrage est en effet le chainon qui me manquait  pour parfaire des recherches entreprises il y a maintenant 9 ans au sujet de 2 suites gravées appartenant au Museo Textoris (of Fine Art J !).

Le premier est un recueil de figures d'après Salvatore Rosa, soit une suite de 60 eaux-fortes représentant des figures anecdotiques, telles que des soldats, des mendiants, des femmes à l’enfant, etc … Sur la page de titre, un homme, à gauche, regarde une furie qui s'enfuie à l'arrière-plan de gauche, et indique un panneau avec le texte suivant : « SALVATOR ROSA // Invenit // A Paris chez HBonnart, rue St. // Jacques au coq, avec privilège. ».

Ce recueil fut daté par l’expert de la vente de 1675, mais la question n’est pas tranchée et une date autour de 1690 me parait plus plausible. Les catalogues de bibliothèques mentionnent prudemment  2 dates : 1662 i.e. date avant laquelle l'activité d'éditeur d'Henri II Bonnart est improbable,  1711 i.e. décès d'Henri II Bonnart.


Fig.2 Page de titre de l’édition donnée par H Bonnart.



Fig.3 Les Compagnons (Bonnart)



Fig. 4 Page de titre de l’édition donnée par F de Poilly


Le second  est une suite également, composée de 43 planches (donc probablement incomplète) représentant des figures anecdotiques. Sur la page de titre, un homme, à droite, regarde une furie qui s'enfuie derrière lui, et indique un panneau avec le texte suivant : "SALVATOR ROSA // Invenit // A Paris chez F De Poilly rue St. Jacques à l'image St. benoist". Sans date. (Mais après 1669, année durant laquelle François de Poilly adopte l'enseigne de l'Image saint Benoît.)

Vous avez noté la nuance ? La furie s’enfuit à gauche dans un recueil et à droite dans l’autre, et de fait, certaines gravures sont très similaires mais parfaitement inversée.  


Fig. 5 Figure d’une donzelle qui minaude (Poilly)



Fig. 6 Soldat et capitaine (Bonnart)



Fig. 7 Figure d’homme (Poilly)


Salvatore Rosa est un peintre célèbre du baroque italien, né à Naples et mort à Rome. Il travailla à Rome et à la cour des Médicis. Son style – un rien grandiloquent-  influencera les romantiques et d’ailleurs, la série des Figurines fut encore rééditée à Paris, chez Chéreau, vers 1850 (ce qui n’empêche pas certains libraires de mentionner circa 1700, toute la nuance étant dans le circa…). Salvatore Rosa composa aussi des poèmes et il fut de surcroit un acteur apprécié !



Fig. 8 Satires de Salvatore Rosa donnée à Londres en 1787, dont la page de titre est une composition du peintre-poète.


Chaque estampe de la suite proposée par la librairie le Feu Follet est signée SR ce qui n’est pas le cas de ces réinterprétations, gravées, l’une par de Poilly, et l’autre par Bonnart.

François de Poilly, (Abbeville 1623 – Paris 1693) perfectionna son art à Rome auprès de Cornelius Bloemaert, peintre et graveur flamand. On compte  environ 400 pièces gravées par de Poilly, principalement des sujets religieux, d'après Raphaël, Guido Reni, le Carrache, Mignard, Charles Le Brun, Nicolas Poussin, … et Salvatore Rosa.
Quant à Henri Bonnart, (1642-1711), fils de l'imprimeur en taille-douce Henri Ier Bonnart, reçu à l'académie de Saint-Luc comme peintre le 17 avril 1671, il exerça comme graveur et marchand d'estampes, tout d'abord dans la boutique de ses parents, puis à son compte, à l’enseigne du Coq, rue Saint-Jacques, et s’est fait une spécialité des portraits de mode.

La comparaison des eaux-fortes de De Poilly et de Bonnart ne manque pas d’intérêt, les deux graveurs sont restés fidèles au modèle original avec une manière différente : Plus vive, aux contrastes plus forts chez de Poilly. Plus douce et proche de ses gravures de mode chez Bonnart. Ce qui me laisse penser qu’ils sont bien les graveurs de ces recueils et qu’ils ne se sont pas contentés de les avoir distribués.



Fig.9  Les voyageurs (Le recueil de Bonnart est à droite)



Fig.10 Homme en costume (Le recueil de Bonnart est à droite)



Fig.11 Soldatesque (Bonnart)



Fig.12 Soldats et figure féminine (Poilly)


Bonne journée,

Textor

dimanche 28 septembre 2014

Jean-Jacques Pauvert, éditeur légendaire et atypique, est mort (Le Monde.fr | 27.09.2014 à 22h20 • Mis à jour le 28.09.2014 à 01h04)

Jean-Jacques Pauvert, éditeur légendaire et atypique, est mort

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L'éditeur du marquis de Sade et d'"Histoire d'O" est mort samedi à l'âge de 88 ans à Toulon, a annoncé l'une de ses filles, Camille Deforges. (AFP) | AFP

Eclectique, marginal, touche à tout, Jean-Jacques Pauvert, âgé de 88 ans, s'est éteint le samedi 27 septembre dans un hôpital de Toulon. Il s'était retiré depuis plusieurs années dans sa maison de villégiature située sur la côte du Lavandou (Var).

Lui qui se disait «  éditeur malgré lui  », restera dans l'histoire ce métier comme celui qui a osé briser un tabou au XXe siècle et sortir l'œuvre de Sade de l'Enfer, dans laquelle elle était remisée, en la publiant sous son nom, d'où un procès retentissant en 1958 qui a permis de fairereculer la censure en France. En tant qu'écrivain, il fut aussi l'auteur d'une Anthologie historique des lectures érotiques, de l'Antiquité à nos jours, parue en cinq volumes, chez Stock, de 1979 et 2001.
GOÛT PHYSIQUE DES LIVRES
L'édition est un métier qu'il a rencontré très jeune, sous les meilleurs auspices mais à une époque très troublée. Né le 8 avril 1926 à Paris, non loin de la butte Montmartre, le jeune Jean-Jacques Pauvert était un élève médiocre au lycée Lakanal de Sceaux, quoique déjà un gros lecteur. Issu d'une famille d'intellectuels, avec un grand-père paternel, professeur à l'école Alsacienne et un grand-oncle maternel André Salmon, ami d'Apollinaire et de Max Jacob, il a été conduit, à 15 ans à peine, dans le bureau de Gaston Gallimard, par son père journaliste qui le connaissait, à la fin de 1941. « Ainsi, Monsieur, vous voulez donc travailler dans le livre ? », l'apostrophe l'éditeur de Proust. Tel est le prologue de La traversée du livre, le premier volume des mémoires de Jean-Jacques Pauvert qui s'arrête en 1968 (Viviane Hamy, 2004).
Cette première rencontre sera suivie par de nombreuses autres. L'adolescent reste muet, mais dit oui de la tête. Dans les premiers jours de 1942, le voici propulsé apprenti vendeur à la librairie Gallimard du boulevard Raspail. « Je me trouvais un peu dans la situation d'un adolescent amoureux des fleurs que l'on fait du jour au lendemain coursier chez Interflora », écrit-il. Très vite l'adolescent se trouve à l'aise dans ce milieu. A son appétit de lecture se mêle désormais le goût physique des livres. Outre ses courses et divers petits trafics, il s'adonne à la bibliophilie et se constitue sa première bibliothèque surréaliste. Il sert aussi de courrier pour la Résistance et se retrouve emprisonné trois mois à Tours, à cause d'un tract qui traînait dans ses poches.
Il a l'inconscience de ses seize ans et fait de nombreuses rencontres. « On entrait comme dans un moulin à la NRF (on ne disait pas Gallimard, à l'époque). Je me baladais dans les couloirs et j'ouvrais les portes de Paulhan ou Queneau ». Il allait voir Camus « beau visage de Méditerranéen philosophe » dans son petit bureau sous les combles. Il croise Marcel Aymé, Montherlant, Sartre, Genet, avec lequel il sympathise. C'est aussi pendant la deuxième guerre mondiale qu'il lit sous le manteau, les Cent Vingt Journées de Sodome, de Donatien de Sade, dans une collection hors commerce. C'est un choc, une « sorte d'ébranlement physique », comme l'écrira plus tard Annie Le Brun, qui décide de sa vocation à venir.
DÉMORALISER LA JEUNESSE, CONTAMINER LES FEMMES DU PEUPLE
En 1945, il fonde Le Palimugre, qu'il pense d'abord comme une revue, avant qu'il ne devienne une maison d'édition et une librairie. Ce mot obscur, sorti du cerveau de Jean-Jacques Pauvert, un matin, au réveil, ne veut rien dire, mais cela sonne bien et il le garde. A 19 ans, il écrit aussi un manifeste dans lequel il clame : « Nous n'avons pas envie de nous engager. Nous n'avons pas l'esprit de sacrifice. Nous n'avons pas le sentiment du devoir. Nous n'avons pas le respect des cadavres. Nous voulons vivre. Est-ce si difficile ? Le monde sera bientôt aux mains des polices secrètes et des directeurs de conscience. Tout sera engagé. Tout servira. Mais nous ? nous ne voulons servir à rien. »
Les éditions du Palimugre se transformeront en éditions Jean-Jacques Pauvert, puis en éditions Pauvert, reprises définitivement par Hachette en 1979. L'éditeur en herbe peut s'enorgueillir de ses premiers titres : Explication de L'Etranger, de Jean-Paul Sartre et Sur les femmes, de Montherlant. Grâce à un groupe d'amis, parmi lesquels figure Bernard Gheerbrandt, libraire de La Hune, il fait la connaissance d'une jeune fille Christiane Sauviat. Mère de trois de ses enfants, Christiane Pauvert (décédée en 2008) deviendra la précieuse auxiliaire des éditions qui portent son nom. D'autres découvertes ou redécouvertes suivent : Les Bonnes de Jean Genet, Le Voleur de Georges Darien, Le Bleu du ciel de Georges Bataille. Avec succès, il se lance dans une republication du Littré, tombé dans le domaine public, sous un nouveau format et qui prend le nom de Littré-Pauvert.
Pendant l'hiver 1953-54, il est contacté par une vieille connaissance Jean Paulhan qui lui confie un manuscrit intitulé Histoire d'O, d'une certaine Pauline Réage et l'assure qu'il n'en est pas l'auteur. Ce classique de l'érotisme - écrit par une femme - est éreinté par la presse bien-pensante, du Nouvel Observateur à L'Express. L'éditeur mettra vingt ans à écouler le tirage, avant que l'on n'apprenne l'identité de l'auteure, la très discrète Dominique Aury, maîtresse de Paulhan et secrétaire de la NRF. Le livre est interdit à la vente aux mineurs.
Pour Jean-Jacques Pauvert, « Donatien de Sade tient une place énorme, unique dans la littérature non seulement française, mais universelle. » Sa décision est prise : il entend éditer en intégralité l'œuvre - pourtant interdite - de Sade, sous son nom. Il débute par l'Histoire de Juliette, de 1947 à 1949. Tous ses amis crient au casse-cou : il risque la prison. Les critiques sont muets, les libraires le boudent. « Pas de cette littérature chez moi », lui dit Corti, alors qu'il cherchait à placer quelques volumes dans sa librairie de la rue Médicis. Il persévère. A droite, on l'accuse de démoraliser la jeunesse, à gauche, de contaminer les femmes du peuple par les vices des bourgeoises. Traîné en justice, suspendu de ses droits civiques, mais défendu par le meilleur avocat de l'époque, Me Maurice Garçon, expert des lois sur la censure, il achève néanmoins son entreprise en 1955.
En 1958, la cour d'appel déclare que « Sade est un écrivain digne de ce nom » : le divin marquis est enfin reconnu. Dans le même temps, la cour confirme la condamnation de Pauvert mais sans amendes, ni destruction des livres. Bref, ce jugement historique, après « onze ans de luttes dans l'obscurité », délimite pour la première fois l'existence d'une littérature pour adulte. Jean-Jacques Pauvert peut continuer à éditer Sade, sans entrave.
DIRE TOUT HAUT DES VÉRITÉS QUI DÉRANGENT
« J'étais un remarquable typographe », écrit-il. Dans son amour du livre, Pauvert attache une grande importance à la forme des livres. « Les livres français étaient d'une laideur inouïe. (…) J'avais pour principe, jusque dans les années 1970, de ne jamais faire deux livres sous la même couverture. Quand on a créé la collection “Libertés”  avec Jean-François Revel, Pierre Faucheux a fait une couverture en papier kraft, avec une tranche noire et des gros caractères en couverture. Les volumes sont recherchés aujourd'hui, mais beaucoup de libraires n'en voulaient pas, à l'époque. »
Avec la revue Bizarre qu'il a reprise en 1955, à l'éditeur Eric Losfeld, Pauvert multiplie les coups et découvre de nouveaux talents comme Chaval, Topor ou Siné. Il consacre des numéros spéciaux à « l'affaire Rimbaud » ou à Raymond Roussel dont il republie Impressions d'Afrique. En parallèle, il crée la Bibliothèque internationale d'érotologie et donne libre cours à son amour pour le surréalisme. Il devient proche d'André Breton qui est l'homme de lettres qui l'a le plus marqué. Une de ses plus grandes fiertés est d'avoir publié pour la première fois au complet, les différents Manifestes du surréalisme. En 1963, il reprend L'Ecume des jours que les éditions Gallimard avaient laissé tomber et devient l'éditeur des principales œuvres de Boris Vian.
Franc tireur de l'édition, il n'a jamais adhéré au syndicat national de l'édition, Pauvert aimait dire tout haut des vérités qui dérangent. En 1965, il avait donné un entretien retentissant - toujours d'actualité - à l'hebdomadaire Candide, sur l'industrialisation de l'édition : « Non, ce n'est pas l'édition qui est malade, ce sont les éditeurs. Jamais les livres ne se sont si bien vendus, et ils se vendraient deux fois mieux encore, si on ne publiait pas n'importe quoi. » Mais contrairement au patron de Minuit Jérôme Lindon, avec lequel il avait acheté une camionnette pour faire le tour des libraires en Bretagne en 1955, il s'est laissé griser par le succès. En 1972, il a même eu le Goncourt avec L'Epervier de Maheux, de Jean Carrière, alors que sa maison était au bord de la faillite. Avant cela, il avait cédé en 1969 les droits de Papillon à Robert Laffont, car il n'aimait pas l'auteur, mais avait conservé un pourcentage sur les ventes.
Dans sa vie, Jean-Jacques Pauvert a tout osé, beaucoup gagné, autant perdu, c'est la règle d'un métier où le talent compose avec la chance. En 1973, il a cédé la majorité du capital de sa maison à Hachette et il se retire définitivement en 1979. Editeur atypique au sein d'une profession feutrée, il a enflammé bien des esprits, mais sa légende reste gravée, plus aucun juge n'éteindra son nom dans les lettres françaises.
Lire le portrait, publié en 2007, Jean-Jacques Pauvert : l'obsédé de l'édition
Par Alain Beuve-Méry

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