Le 17 août dernier nous publiions un billet intitulé :
Une mystérieuse suite de 13 cuivres inédites gravés en 1929 par un peintre en vogue et tirés en 1969 à 45 exemplaires. Quel artiste ?
Depuis cette date nous avons investigué et nous avons fini par trouver d'où provenait cette suite de gravures libres. Ou tout au moins nous savons qui les a fait et pour quel livre elles ont été exécutée.
Merci à un bibliophile qui se reconnaîtra et nous a mis sur la piste. En fait ces illustrations proviennent d'un ouvrage intitulé Mémoires d'une chanteuse [Mémoires d'une chanteuse allemande]. Traduction complète de Memoiren einer Saengerin (Altona 1862-1870) ou Mémoires de la célèbre Cantatrice Allemande Wilhelmine Schroeder-Devrient. Ce volume de format grand in-4 (28,5 x 23 cm) a été publié sous la rubrique anonymisée "Aux trois cents Disciples d'Esculape". La couverture est imprimée en rouge et noir et sur la page de titre on lit la date en chiffres romains : MCMXLVII pour 1947. La justification du tirage indique que cet ouvrage a été tiré à 300 exemplaires tous sur vélin de Rives et répartis en 21 exemplaires contenant 1 dessin original, une suite refusée, une suite complète des gravures et un état terminé des gravures dans le texte (qui sont en réalité des hors-texte mais imprimés en même temps que le texte - en regard) et 279 exemplaires contenant l'état définitif des gravures dans le texte (qui sont en réalité des hors-texte mais imprimés en même temps que le texte - en regard) et une suite refusée. Il est indiqué que cet ouvrage a été imprimé aux dépens des "trois-cents Disciples d'Esculape" et que les exemplaires n'ont pas été mis dans le commerce. La page de titre est imprimée en rouge et noir. Le texte est justifié 20 x 14,5 cm environ et est d'une police assez petite. Le volume contient 166 pages y compris les hors-texte qui comptent dans la pagination.
Epreuve du retirage (cotonneuse voire très nuageuse de piètre qualité)
Frontispice original de 1947 tiré en couleurs.
A propos des illustrations, on compte un frontispice tiré en couleurs et 14 gravures hors-texte tirées en bistre (nous avons pu constater qu'il existe aussi des exemplaires avec les figures tirées en noir), se trouve ensuite une série de 6 gravures libres (plus libres que les autres - suite refusée), soit un total de 21 gravures tirées d'après des cuivres (cuvette bien visible). Dutel dans sa Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1920 et 1970 (n°1950) indique que les gravures sont en sépia et signées Pol Vexio. Les gravures sont signées Pol Vexio y compris les plus libres. Quelques unes ne sont pas signées ou alors on ne parvient pas à voir la signature dans la composition. Voici donc ce qu'on pouvait dire de cet ouvrage. Voir photographies des illustrations et de la page de titre qui illustrent ce billet.
Revenons-en maintenant à la fameuse suite de 13 cuivres inédits que nous avions publié intégralement le 17 août dernier (LIEN). Annoncés gravés en 1929 et inédits ... par un peintre en vogue ... imprimés en 1969 ... et tirés à 45 exemplaires. Comme nous l'avions signalé cette justification placée en tête des 13 tirages est manuscrite, écrite au stylo bille (vu à la loupe). Au final, on peut dire que le tirage de ces 13 cuivres libres tient plus de la supercherie bibliophilique que d'une démarche artistique. Il est donc évident maintenant que ces 13 cuivres sont des retirages (partiels - 13 cuivres sur les 21 que compte l'ouvrage imprimé en 1947). Des retirages d'après les cuivres originaux (cela ne fait aucun doute), cuivres probablement rescapés depuis 1947 et utilisés par un pressier peu habile ou peu méticuleux car le tirage de 1969 (si le retirage date bien de 1969 ... rien n'est moins sûr) est d'assez piètre qualité. Les compositions de Pol Vixio nettes et précises dans le tirage de 1947 apparaissent cotonneuses voire nuageuses dans ce retirage plus récent. Qui ? Quo ? Aucune idée de qui a fait ce retirage partiel de 13 des 21 cuivres originaux de 1947. Sans doute un amateur de curiosa qui aura retrouvé les 13 cuivres en question. A noter que nous avons retrouvé un autre exemplaire de cette suite, coloriée à l'aquarelle cette fois (exemplaire unique ? exemplaire d'amateur ? tirage spécial à quelques exemplaires ?). Si le tirage a bien été limité à 45 exemplaires pour ce retirage, on peut supposer quelques rares exemplaires ont eu les honneurs de la mise en couleurs. Combien ? très difficile de le savoir.
En résumé, cette suite de 13 cuivres libres, soit disant inédits et datant de 1929 et imprimés en 1969, relève de la supercherie et rien de ce qui est annoncé ne semble vrai à l'exception peut-être du chiffre du tirage qui paraît plausible.
Concernant l'artiste Pol Vexio (qu'on trouve aussi orthographié Paul Vexiau) on trouve assez peu d'informations sur lui sinon qu'il fut un commensal de Montmartre dans les années 1930. Son style a beaucoup varié selon ses travaux (estampes, publicités, illustrations). Il apparaît évident que Pol Vexio s'est largement inspiré pour ses compositions érotiques d'autres artistes tant du XIXe siècle que des premières décennies du XXe siècle. On citera parmi ses influences évidentes : André Collot, Achille Devéria, Umberto Brunelleschi ou encore Paul-Emile Bécat. Nous sommes preneur de toute information précise à propos de Pol Vexio.
Conclusion : toujours se méfier des justifications manuscrites d'ouvrages rares ou désignés comme tel avec moult détails ... en réalité, ici, cela cache une toute autre histoire bibliophilique.
Bertrand Hugonnard-Roche
Bibliomane moderne