POMPILIO AZALI
LIBER Pompilij Azali Placentini DE
OMNIBUS REBUS NATURALIBUS quae continentur in mundo videlicet. Coelestibus et
terrestribus necnon mathematicis. Et de angelis motoribus quae coelorum.
Venetijs
apud Octauianum Scotum D. Amadei, 1544
In-Folio, 2, 142, 1
Numérotation par feuillet avec de
nombreuses erreurs : omissions, décalages, redoublement mais sans aucun manque,
le livre étant d'ailleurs dans un bel état de fraîcheur.
La couvrure en plein vélin est probablement
un emboîtage ultérieur.
Rare traité de Cosmographie et Géographie d'un auteur de la Renaissance. Il
décrit les quatre éléments, les parties du monde, les corps célestes, etc.
Illustré de plus de 80
bois dont une carte du monde, sans localisation claire de l'Amérique
¶ Thorndyke (History of
Magical and experimental science IV, 150-7) affirme que
cet ouvrage doit être attribué à Giovanni
Fontana.
GIOVANNI FONTANA est peu connu, bien que, né à Venise dans les années 1390 et
médecin de formation, il se soit illustré dans des domaines très variés :
la philosophie naturelle aristotélicienne, l’hydraulique, les machines de toute
sorte et les appareillages militaires, la pyrotechnie, l'arpentage, la mesure
des distances et des temps au moyen de sondes à fusées et d’horloges.
Il étudia à l’université de Padoue et
obtint son doctorat en médecine en 1421. Il séjourna longtemps à Udine comme
médecin municipal. Il effectua des voyages hors d’Italie : en Europe du Nord,
dans une région habitée par des Sarrasins, en Crète.
Ses écrits n’ont pas connu une diffusion
très importante. Le Liber de omnibus rebus naturalibus, n’est
conservé que par cette édition de 1544 sous le nom d'un personnage nommé Pompilius
Azalus et qui ne donne pas le nom du véritable auteur. Cet ouvrage présente
certaines particularités qui ne sont pas sans rappeler la Margarita
Philosophica de Gregorius Reisch.
Fontana est
un aristotélicien passionné par les secrets de la nature qu’il expose parfois
de façon cryptée et son goût pour des travaux pouvant encourir l’accusation de
magie dut le desservir. Il raconte qu’il
fabriqua une figure de diable remplie de poudre : placée dans un récipient
plein d’eau, la figure s’agitait en lançant des cris et en laissant échapper
des feux. Ces expériences sur des engins utilisant la poudre sont aussi
décrites dans son autre traité Liber bellicorum instrumentorum
: elles se passaient dans sa cellule monacale...
Cependant, dans le Liber de omnibus
rebus naturalibus, Fontana se défend d’être dans l’erreur selon
les vues de la théologie. La publication sous un autre nom était peut-être une
précaution supplémentaire de l'auteur pour éviter les foudres de l'Eglise.
Les passages touchant l’image du monde et
la cartographie se trouvent dans les Livres III
et IV.
La méthode de Fontana, comme il le
souligne, est fondée sur l’association de l’expérience et de la réflexion, ce
qui l’oppose aux opinions des théologiens. Ainsi, il prouve le caractère
tempéré et l’occupation effective de l’équateur terrestre, en se référant à des
récits de voyageurs et aussi pour des raisons astronomiques. Il recourt
fréquemment à ses propres observations, par exemple à propos des marées plus
marquées à Venise après l’agrandissement de l’entrée du port.
Pour lui, l’expérience est seule à même
d'apporter la connaissance aux illettrés dépourvus de science, comme les
bergers, les paysans, les pécheurs et les marins. Parmi les données qui
suscitent son intérêt : la navigation et les choses de la mer, ce qui est
naturel pour un citoyen de Venise.
Fontana est
un témoin de l'accueil fait à la Géographie de Ptolémée dans les milieux
vénitiens et la représentation géographique est un des éléments intéressants du
Liber.
Il est rare que dans les ouvrages de
philosophie naturelle la cartographie soit évoquée. L'auteur distingue plusieurs pratiques : les
cartes marines et les cartes régionales qui sont trop partielles ;
d’autres montrent des choses superflues, telles que le purgatoire, le séjour
des démons et le domaine des bêtes sauvages ; certaines se bornent à représenter
les principales parties habitées, laissant de côté l’Extrême-Orient et la zone
torride ; d’autres enfin ne donnent que des noms de lieux.
La particularité de Ptolémée est
d’approcher davantage la vérité mais Fontana ne lui reconnaît pas une
supériorité réelle. Il le juge plus réaliste parce qu’il situe exactement les
parties de la terre par rapport au ciel, mais les autres types de cartographie
ne sont pas pour autant écartés.
Fontana met
aussi en œuvre des données provenant de cartes marines et de textes descriptifs,
comme le récit de Marco Polo ou le livre de Jean de Mandeville. Il corrige et
complète Ptolémée en niant la fermeture de l’océan Indien et en ajoutant cinq
zones de climats vers le nord et vers le sud au-delà de l’équateur. Il suppose
une extension de l’occupation de la terre,
justifiée par l'accroissement démographique ou par des événements
telluriques et politiques.
Fontana
considère les cartes comme des outils adaptés à leur fonction pratique. Il est
conscient du caractère conventionnel des représentations à des fins
spécifiques et qui ne sauraient prétendre à
une copie de la réalité.
L’image du monde de Giovanni Fontana est
composite, ses développements portent sur l’habitabilité de la terre, ses
parties effectivement habitées, le paradis terrestre et les antipodes.
Il se borne à présenter les zones
climatiques. Les causes de l’inhabitabilité relèvent soit des conditions
excessives de l’air en chaleur et froid, en humidité et sécheresse, soit
d’obstacles : zones montagneuses ou infestées de bêtes sauvages et d’insectes.
Il existe donc des lieux peu ou mal habités ou d’habitabilité variable -
exemple la transhumance.
Quant au paradis terrestre, la Genèse le
situe sur terre à l’orient, rendu inaccessible par un chérubin armé d’un glaive
de feu. Son inaccessibilité était justifiée au Moyen Âge par sa très grande
altitude atteignant le cercle de la lune et par une situation insulaire. Ce que
nie Fontana : le ciel à proximité de la lune, épais et chauffé par
la partie supérieure de l’air, empêche la vie ; nos premiers parents sont
arrivés par terre, non volando, non natando, non per navem, nec per
pontem, sed propriis pedibus. Il cite Pierre Comestor, Pierre
Lombard, Saint Augustin et Jean de Mandeville qui a aurait eu
le privilège d’approcher au plus près du paradis.
Sur le point de savoir s’il existe dans la
partie méridionale de l’hémisphère oriental une terre ferme habitée comme dans
la partie septentrionale de notre hémisphère, il fait preuve d’une grande
prudence en assurant que, s’il se trompe, il se soumettra à la vérité :
contredire les textes bibliques n'était pas sans risque !
Parmi les nombreuses gravures xylographiques illustrant le
texte, on trouve des représentations cosmologiques, des descriptions
mathématiques de la sphère et de ces divers éléments.
Le modèle du monde est toujours
géocentrique : nous sommes en 1544, un an après la mort de Copernic et
vingt ans avant la naissance de Galilée !
On trouve des interprétations imagées mais
très correctes des éclipses de lune et de soleil ; par contre le modèle
simpliste du mouvement d'une planète sur son épicycle est fort approximatif.
La gravure la plus remarquable est une représentation cartographique du monde connu ; bien que les voyages de Christophe Colomb remontent déjà à plus de cinquante années, il faut beaucoup d'imagination pour voir dans la ligne située à l'extrême gauche, une représentation du nouveau continent. La circumnavigation de l'expédition de Magellan ne s'est cependant achevée qu'en 1522 et le récit de ce voyage par un des membres de l'expédition - Antonio Pigafetta - n'a été publié pour la première fois qu'en 1800...
Dans le texte l'auteur ne fait qu'une brève
allusion à l'existence de régions habitées dans l'extrême ouest de l'océan
au-delà des Canaries et qu'on supposait être les antipodes.
"D'autre part, en occident aux
extrémités de la terre, le plus à l'ouest qu'il soit , au-delà des îles
Fortunées, Canaria ou Casperia, des navigateurs qui ont atteint la plus grande
longitude dans cet océan, rapportent qu'il
est possible que des hommes y existent et qu'il s'agisse des antipodes, ce qui
paraît juste."
Le
planisphère de Waldseemüller (1507) était déjà beaucoup plus
explicite :on y lit le mot AMERICA (de Amerigo
Vespucci) sur la représentation de l'Amérique du sud.
Internet n'existait pas à l'époque et les
connaissances se propageaient bien plus lentement qu'aujourd'hui ; le Père
Mersenne et Fabri de Peiresc ne sont nés que 40 ans plus tard.
Ce livre mériterait sans doute une étude
plus approfondie mais je n'ai pas le courage ni surtout les connaissances pour
entreprendre un tel travail.
René de BLC