Une brève incursion au salon du livre rare et de l'autographe au Grand Palais à Paris, la semaine
dernière, m’a permis de repérer un joli petit ouvrage en truie estampée
contenant un certain nombre de traités d’astronomie grecque dans une édition
baloise de 1547 ayant appartenu au fameux Joannes Sarrander. Il faut avoir du
groin pour dénicher cette pépite au milieu des milliers d’ouvrages proposé aux
chalands.
Fig 1 Proclus De Sphera, reliure de l'époque en peau de truie
estampée à froid
L’imprimeur Heinrich Petri a réuni en un volume plusieurs
ouvrages grecs relatifs à l’astronomie, avec des notes et la vie des auteurs,
le tout en 600 pages. On y trouve le livre de la Sphère de Proclus, célèbre
philosophe néoplatonicien de Byzance (412-485), qui possédait des connaissances
étendues en mathématiques et en astronomie. Son traité de la sphère expose
toutes les divisions de la sphère céleste avec autant de clarté que dans nos
meilleurs traités d'astronomie. Quitte à
passer la nuit debout autant contempler la voûte céleste avec cet
ouvrage en mains. Bien qu'attribué à Proclus
depuis le XVe siècle, ce traité ne serait pas de lui mais d’un obscur auteur
byzantin, qui avait compilé des passages extraits de Geminus, selon Paul
Tannery. Le texte est en grec avec une traduction latine en regard par Giorgio Valla.
Fig 2 Page de titre
On y trouve aussi le poème des Phénomènes et des Apparences
d’Aratus de Solès, poète et astronome grec vivant vers 300 - 250 av. JC. Il mit
en vers deux ouvrages d'Euxode de Cnide, Miroir et Phénomènes et
en fit un seul poème qui emporta l'admiration des anciens. Ce poème serait le
texte grec le plus ancien que la Grèce nous ait laissé. 'Toutes choses dépendent de Jupiter' nous dit
Aratus au début de son poème auquel Saint Paul se référa à différentes reprises
dans son discours aux Athéniens. Aratus a été traduit en latin par Ciceron Germanicus
et Rufus Festus Aviénus. C'est Alde l'ancien qui publia Aratus pour la première
fois à Venise en 1499.
Fig 3 L'Espérance
Entre ces deux classiques, maintes fois réédités au XVIème
siècle (1), une œuvre confidentielle de Cléomède : du Monde ou théorie
circulaire des corps sublimes, en deux livres.
Cléomède ne nous est pas autrement connu que par cet écrit qui est un
exposé de cosmographie et de géographie astronomique situé dans un cadre
philosophique destiné à des étudiants et par là-même simplifié. Cléomède, en
reprenant des écrits plus anciens, nous donne ainsi des informations précieuses
qui auraient été perdues autrement comme la connaissance des procédés utilisés
par Eratosthène pour mesurer la circonférence de la terre.
Fig 4 La justice
Et pour finir Denys l’Africain (Denys le Périégète) nous
propose sa Description des terres habitées, dont j’avais déjà la deuxième
impression incunable de 1478.
Fig 5 La foi
Jean Sarrander, en 1551, a voulu couvrir son livre d’une
reliure solide et durable qui pourrait faire de l’effet aussi bien sur ses
voisins que dans le carré Vip du salon du SLAM, 450 ans plus tard. Il a
choisi comme décor les vertus théologales et cardinales : Foi , Espérance,
Charité et Justice. On remarquera tout particulièrement la Justice avec ses attributs,
son glaive et sa forte poitrine, ou encore l’Espérance, bien accrochée à son
ancre et cheveux aux vents. Par ailleurs il n’a pas hésité à rajouter des
commentaires de son cru dans le texte, comme sur cette première page des
Phénomènes : Hoc opus Arati est ecphrasis sphaera ! On n’aurait pas
pu mieux dire…
Bonne Journée
Textor
Fig 6 La charité
(1) Pour le De Sphera Proclus, E.0. à Venise en 1498 pour la
traduction latine de Valla, puis édition bilingue en grec et latin à Bâle en
1535 chez Johann 1er Herwagen, suivie d’une édition à Paris en 1543. Il faudra attendre la
réédition de Petri en 1561 pour voir le traité agrémenté de cartes.
Fig 7 Commentaires de Sarrander