Un des plus beaux livres à figures
du XVIème siècle, affichait la notice du
catalogue. Le bibliophile avisé sait lire entre les lignes, mais il est vrai
que le livre est sympathique et il mérite une petite notice sur le Bibliomane
Moderne.
J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer
la suite gravée sur ce thème des Métamorphoses par le graveur de Nuremberg Virgil
Solis : http://le-bibliomane.blogspot.fr/2010/04/virgil-solis-interprete-les.html - en décrivant l'édition de Frankfort, bilingue latin-allemand, imprimée par Corvin,
Feyrabent et Galli en 1563 ... Virgil Solis s’était
inspiré, en les inversant, des bois de Bernard Salomon, dit le Petit Bernard. A son tour, Bernard Salomon
inspirera les générations suivantes, dont l'émailleur
Jean I Limousin, mais aussi des peintres aussi
connus que le Titien,
Carrache, Velázquez ou Rubens.
Je recherchais donc depuis longtemps
le livre-source gravé par Bernard Salomon, celui de la 4e vente
Berès m’ayant échappé en 2006. (De peu,
d’une seule enchère ! - sourire - ). Alors je n’ai pas
laissé passer cet exemplaire, emporté de
haute lutte face à un commissaire-priseur puissamment armé d’un marteau et dont
la mine disait clairement qu’il n’avait pas l’intention de lâcher la partie.
Fig 1
Fig 2
Fig 3
Ce n’est pas l’édition originale de
cette suite gravée mais la première édition de la version italienne donnée par l'humaniste
florentin Gabriel Symeoni, mon polygraphe préféré (http://le-bibliomane.blogspot.fr/2012/04/gabriel-symeoni-le-courtisan-polygraphe.html) : La Vita et metamorfoseo d'Ovidio figurato & abbreviato in forma
d'epigrammi da M. Gabriello Symeoni. Con altre stanze sopra gl'effetti della
luna : il rittratto d'una fontana d'Overnia : et un apologia generale nella
fine del libro .... C'est aussi le premier ouvrage de Jean de Tournes à porter
l'adresse « Nella via Resina ». Une version collector en quelque
sorte.
L’ouvrage est recherché, il
intéresse les amateurs d’Ovide, évidemment, mais il vaut surtout pour son illustration. Les huitains en alexandrins résument le texte d'Ovide et sont là
essentiellement pour aider le lecteur dans le déchiffrement de l'image.
Fig 4
Fig 5
Fig 6
Et quelle image ! Il est orné
d'un portrait du traducteur sur le titre et d'un médaillon au verso
représentant Diane, qui rappelle la dédicace à Diane de Poitiers. Viennent
ensuite 188 figures gravées sur bois, placées dans de jolis encadrements
d'arabesques, de grotesques et autres ornements, encadrements gravés par
Salomon lui-même que l'éditeur a repris de la Métamorphose figurée en français qu'il
venait de publier, en 1557. La présente édition compte en outre 18 bois de plus que l'édition
de 1557, dont 9 figures pour les Métamorphoses et 9 vignettes pour les autres
parties.
A la suite des Métamorphoses, deux
autres parties avec une page de titre et une pagination particulières: l’effet
de la Lune sur les choses humaines (La Natura et effeti della Luna nelle cose
humani - 8 ff.), ornée d'un grand et beau bois à pleine page représentant la
fontaine de Royat en Auvergne, où Simeoni séjourna, et l'Apologia Generale di
M. Gabriello Symeoni contro à tutti i calunniatori et Impugnatori dell’Opere (16
ff.) qui est ornée de quelques bois gravés montrant des médailles ou des
bas-reliefs antiques.
Je me demande si je préfère les encadrements
de grotesques qui, à eux seuls, sont des petits chefs d’œuvre de drôlerie qui
rappellent les marginalia des manuscrits, ou bien les savantes arabesques,
toutes différentes d’une page à l’autre.
Fig 7
Fig 8
Fig 9
Bernard Salomon est indissociablement lié à Jean 1er de
Tournes comme Pierre Eskirch l’est à Guillaume Rouille.
En fait, nous n’avons que peu
d’information sur le Petit Bernard, pourtant déjà renommé de son vivant, que du
Verdier qualifiait de « très excellent
tailleur d’histoires », et
l’attribution de ses œuvres est un beau sujet de polémique. Il faut dire que le
bonhomme était des plus productifs - avec l’aide de tout un atelier – et le
catalogue des ouvrages qu’il a décoré est impressionnant: les livres
d’emblèmes, les œuvres scientifiques et documentaires, les œuvres littéraires ; les entrées et
livres de fête. Mais les deux grands chefs-d’œuvre restent tout de même la
Bible d’une part et les Métamorphoses d’Ovide de l’autre.
Pour approfondir votre connaissance
de ce graveur, (car Bernard Salomon était peintre et dessinateur mais il ne
refusait pas de prendre le ciseau à bois lui-même), je vous renvoie vers la
somme publiée en 2006 par Peter Sharratt , à qui aucun détail n’a échappé.
Fig 10
Fig 11
Fig 12
Fig 13
Fig 14
Fig 15
Peter Sharatt définit sept
critères qui permettent d’identifier un bois du Petit Bernard à coup sûr :
La luminosité ; la « liquidité » des gravures, où le
thème de l’eau occupe une place de premier plan ; la maîtrise de
l’espace ; celle aussi du mouvement ; une « certaine
exagération » maniériste ; l’habileté extrême dans l’utilisation
de très petites surfaces ; enfin, une densité remarquable des noirs.
Je pense que les quelques photos
jointes à cet article l’illustrent bien.
Bonne Journée
Textor
A. Cartier. "Bibliographie des éditions des de
Tournes imprimeurs lyonnais...", H, 446. Brunet : "Manuel du
libraire..., t. IV, col. 287.
Sharratt, Peter. Bernard
Salomon, illustrateur lyonnais. Bulletin des bibliothèques de France [partiellement
accessible en ligne], n° 2, 2006.