jeudi 16 avril 2015

Les Métamorphoses Figurées de Bernard Salomon (1559).


Un des plus beaux livres à figures du XVIème siècle, affichait  la notice du catalogue. Le bibliophile avisé sait lire entre les lignes, mais il est vrai que le livre est sympathique et il mérite une petite notice sur le Bibliomane Moderne.

J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer la suite gravée sur ce thème des Métamorphoses par le graveur de Nuremberg Virgil Solis : http://le-bibliomane.blogspot.fr/2010/04/virgil-solis-interprete-les.html - en décrivant l'édition de Frankfort,  bilingue latin-allemand, imprimée par Corvin, Feyrabent et Galli en 1563 ... Virgil Solis s’était inspiré, en les inversant, des bois de Bernard Salomon, dit le Petit Bernard. A son tour, Bernard Salomon inspirera les générations suivantes, dont l'émailleur Jean I Limousin, mais aussi des peintres aussi connus que le Titien, Carrache, Velázquez ou Rubens.

Je recherchais donc depuis longtemps le livre-source gravé par Bernard Salomon, celui de la 4e vente Berès m’ayant  échappé en 2006. (De peu, d’une seule enchère ! - sourire - ). Alors je n’ai pas laissé passer cet exemplaire, emporté de haute lutte face à un commissaire-priseur puissamment armé d’un marteau et dont la mine disait clairement qu’il n’avait pas l’intention de lâcher la partie.


Fig 1



Fig 2



Fig 3


Ce n’est pas l’édition originale de cette suite gravée mais la première édition de la version italienne donnée par l'humaniste florentin Gabriel Symeoni, mon polygraphe préféré (http://le-bibliomane.blogspot.fr/2012/04/gabriel-symeoni-le-courtisan-polygraphe.html) : La Vita et metamorfoseo d'Ovidio figurato & abbreviato in forma d'epigrammi da M. Gabriello Symeoni. Con altre stanze sopra gl'effetti della luna : il rittratto d'una fontana d'Overnia : et un apologia generale nella fine del libro .... C'est aussi le premier ouvrage de Jean de Tournes à porter l'adresse « Nella via Resina ». Une version collector en quelque sorte.
L’ouvrage est recherché, il intéresse les amateurs d’Ovide, évidemment,  mais il vaut surtout pour son illustration. Les huitains en alexandrins résument le texte d'Ovide et sont là essentiellement pour aider le lecteur dans le déchiffrement de l'image.


Fig 4



Fig 5



Fig 6


Et quelle image ! Il est orné d'un portrait du traducteur sur le titre et d'un médaillon au verso représentant Diane, qui rappelle la dédicace à Diane de Poitiers. Viennent ensuite 188 figures gravées sur bois, placées dans de jolis encadrements d'arabesques, de grotesques et autres ornements, encadrements gravés par Salomon lui-même que l'éditeur a repris de la Métamorphose figurée en français qu'il venait de publier, en 1557. La présente édition compte en outre 18 bois de plus que l'édition de 1557, dont 9 figures pour les Métamorphoses et 9 vignettes pour les autres parties.

A la suite des Métamorphoses, deux autres parties avec une page de titre et une pagination particulières: l’effet de la Lune sur les choses humaines (La Natura et effeti della Luna nelle cose humani - 8 ff.), ornée d'un grand et beau bois à pleine page représentant la fontaine de Royat en Auvergne, où Simeoni séjourna, et l'Apologia Generale di M. Gabriello Symeoni contro à tutti i calunniatori et Impugnatori dell’Opere (16 ff.) qui est ornée de quelques bois gravés montrant des médailles ou des bas-reliefs antiques.

Je me demande si je préfère les encadrements de grotesques qui, à eux seuls, sont des petits chefs d’œuvre de drôlerie qui rappellent les marginalia des manuscrits, ou bien les savantes arabesques, toutes différentes d’une page à l’autre.


Fig 7



Fig 8



Fig 9


Bernard Salomon est indissociablement lié à Jean 1er de Tournes comme Pierre Eskirch l’est à Guillaume Rouille.

En fait, nous n’avons que peu d’information sur le Petit Bernard, pourtant déjà renommé de son vivant, que du Verdier qualifiait de « très excellent tailleur d’histoires », et l’attribution de ses œuvres est un beau sujet de polémique. Il faut dire que le bonhomme était des plus productifs - avec l’aide de tout un atelier – et le catalogue des ouvrages qu’il a décoré est impressionnant: les livres d’emblèmes, les œuvres scientifiques et documentaires, les  œuvres littéraires ; les entrées et livres de fête. Mais les deux grands chefs-d’œuvre restent tout de même la Bible d’une part et les Métamorphoses d’Ovide de l’autre.

Pour approfondir votre connaissance de ce graveur, (car Bernard Salomon était peintre et dessinateur mais il ne refusait pas de prendre le ciseau à bois lui-même), je vous renvoie vers la somme publiée en 2006 par Peter Sharratt , à qui aucun détail n’a échappé.


Fig 10



Fig 11



Fig 12



Fig 13



Fig 14



Fig 15


Peter Sharatt définit sept critères qui permettent d’identifier un bois du Petit Bernard à coup sûr : La luminosité ; la « liquidité » des gravures, où le thème de l’eau occupe une place de premier plan ; la maîtrise de l’espace ; celle aussi du mouvement ; une « certaine exagération » maniériste ; l’habileté extrême dans l’utilisation de très petites surfaces ; enfin, une densité remarquable des noirs.
Je pense que les quelques photos jointes à cet article l’illustrent bien.
Alors pour lancer la polémique, à vous maintenant d’ouvrir les ouvrages XVIe siècle de votre bibliothèque et de nous annoncer ceux que vous prétendez attribuer au Petit Bernard !

Bonne Journée
Textor

A. Cartier. "Bibliographie des éditions des de Tournes imprimeurs lyonnais...", H, 446. Brunet : "Manuel du libraire..., t. IV, col. 287.

Sharratt, Peter. Bernard Salomon, illustrateur lyonnais. Bulletin des bibliothèques de France [partiellement accessible en ligne], n° 2, 2006. 

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