dimanche 26 avril 2015

Salon du livre ancien et de l'autographe édition 2015, vu par Benoît.


Quand on aime les livres, que l'on soit libraire ou bibliophile, ou les deux, il est toujours agréable de voir rassemblés tant de belles choses dans un si bel endroit, dans "une tour Eiffel, avec le verre en plus" (le mot est d'un libraire dont j'ai entendu la conversation en passant), qui, au soleil, transforme d'ailleurs le lieu en petit four... Les conséquences étant assez mauvaises pour quelques reliures ou documents mal placés.

Le Grand Palais, vendredi avant l'ouverture à 11h.
La chance de déambuler entre les stands sans visiteur ou presque!

Les petits fours justement, arrosés de champagne ou autres mousseux suivant les stands visités, qui nous permirent de voir, entre deux verres, la publicité pour la fameuse réimpression du Dictionnaire Bibliophilosophique dont tout le monde parle.



Au-delà de cet aspect, ce fut une joie de rentrer dans les premiers, après les VIP bien entendus, pour cette nouvelle édition. Il me semble que l'affluence du vernissage était supérieure cette année à celle de l'année dernière, et en tout cas, j'ai pu voir beaucoup de contacts chez de nombreux libraires. Auront-ils tous aboutis? L'avenir le dira, mais il semble en tout cas que cette nouvelle édition ait bien débuté.

L'amateur de livres qui vient ici en trouve pour son compte. Les éditions anciennes, dans de belles reliures anciennes et modernes, gardent une belle place au sein du Grand Palais, mais force est de constater l'importance énorme de la littérature moderne, et en particulier des grandes éditions originales. Ceux qui auraient suivi la vente de Troyes récemment y auraient retrouvé bien des choses d'ailleurs. L'ouvrage qu'il nous a semblé être le plus présent, dans de beaux exemplaires, est un des grands monuments de notre littérature française : A la recherche du temps perdu. Pas moins de 5 exemplaires : deux EO (librairie Antoine - avec d'autres EO en reliure uniforme et librairie Faustroll), une EO réimposée in-4 (librairie Sourget), une EO avec envoi (librairie Le Feu Follet) et une EO avec envoi et lettre (cabinet Proyart).


 

 
Exemplaires Antoine, Proyart, Feu Follet et Faustroll


Un stand très fourni en littérature (librairie Fosse)


Parmi les livres anciens, voici quelques pièces que nous avons appréciées :


Un bel incunable (librairie Doucet - Tours)


 Une princesse de Clèves - ed. 1704 (librairie Amélie Sourget)

Des reliures Renaissance - Lyon (librairie Sourget) 


Une reliure en argent du 18ème (KNUF Rare books - Vendôme)

Un stand avec de beaux in-folio aux armes (librairie Denis - Tours)

Mais les livres, ce n'est pas tout! Il y a aussi le contact avec les bibliophiles et les libraires. Parmi ces derniers, je retiendrai deux confrères :

Erik Zink et sa femme, posant sur leur stand...

... et Alexis-Raphaël Antoine, ne posant pas sur le sien


En bref, une bien belle édition encore une fois, avec de nombreuses rencontres avec les bibliophiles, les libraires et les livres! Nous avons volontairement ignoré certains stands qui avait de très belles pièces mais qui aurait objectivement pu se retrouver ici, notamment de librairies moins connues comme L'Ours Chenu, la librairie Bertran (qui avait de très belles choses en vitrine : Flaubert, Daudet, etc.) ou bien vous parler aussi des nombreux et beaux exemplaires de Victor Hugo qui parsemaient les vitrines du salon, ou encore s'arrêter sur les autographes, chez les marchands spécialisés ou chez les libraires classiques, avec cette année une pièce qui nous a arrêté à chaque fois : le Vive les Juifs de Céline.

En attendant la prochaine édition, bonne lecture!

Benoît

jeudi 16 avril 2015

Les Métamorphoses Figurées de Bernard Salomon (1559).


Un des plus beaux livres à figures du XVIème siècle, affichait  la notice du catalogue. Le bibliophile avisé sait lire entre les lignes, mais il est vrai que le livre est sympathique et il mérite une petite notice sur le Bibliomane Moderne.

J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer la suite gravée sur ce thème des Métamorphoses par le graveur de Nuremberg Virgil Solis : http://le-bibliomane.blogspot.fr/2010/04/virgil-solis-interprete-les.html - en décrivant l'édition de Frankfort,  bilingue latin-allemand, imprimée par Corvin, Feyrabent et Galli en 1563 ... Virgil Solis s’était inspiré, en les inversant, des bois de Bernard Salomon, dit le Petit Bernard. A son tour, Bernard Salomon inspirera les générations suivantes, dont l'émailleur Jean I Limousin, mais aussi des peintres aussi connus que le Titien, Carrache, Velázquez ou Rubens.

Je recherchais donc depuis longtemps le livre-source gravé par Bernard Salomon, celui de la 4e vente Berès m’ayant  échappé en 2006. (De peu, d’une seule enchère ! - sourire - ). Alors je n’ai pas laissé passer cet exemplaire, emporté de haute lutte face à un commissaire-priseur puissamment armé d’un marteau et dont la mine disait clairement qu’il n’avait pas l’intention de lâcher la partie.


Fig 1



Fig 2



Fig 3


Ce n’est pas l’édition originale de cette suite gravée mais la première édition de la version italienne donnée par l'humaniste florentin Gabriel Symeoni, mon polygraphe préféré (http://le-bibliomane.blogspot.fr/2012/04/gabriel-symeoni-le-courtisan-polygraphe.html) : La Vita et metamorfoseo d'Ovidio figurato & abbreviato in forma d'epigrammi da M. Gabriello Symeoni. Con altre stanze sopra gl'effetti della luna : il rittratto d'una fontana d'Overnia : et un apologia generale nella fine del libro .... C'est aussi le premier ouvrage de Jean de Tournes à porter l'adresse « Nella via Resina ». Une version collector en quelque sorte.
L’ouvrage est recherché, il intéresse les amateurs d’Ovide, évidemment,  mais il vaut surtout pour son illustration. Les huitains en alexandrins résument le texte d'Ovide et sont là essentiellement pour aider le lecteur dans le déchiffrement de l'image.


Fig 4



Fig 5



Fig 6


Et quelle image ! Il est orné d'un portrait du traducteur sur le titre et d'un médaillon au verso représentant Diane, qui rappelle la dédicace à Diane de Poitiers. Viennent ensuite 188 figures gravées sur bois, placées dans de jolis encadrements d'arabesques, de grotesques et autres ornements, encadrements gravés par Salomon lui-même que l'éditeur a repris de la Métamorphose figurée en français qu'il venait de publier, en 1557. La présente édition compte en outre 18 bois de plus que l'édition de 1557, dont 9 figures pour les Métamorphoses et 9 vignettes pour les autres parties.

A la suite des Métamorphoses, deux autres parties avec une page de titre et une pagination particulières: l’effet de la Lune sur les choses humaines (La Natura et effeti della Luna nelle cose humani - 8 ff.), ornée d'un grand et beau bois à pleine page représentant la fontaine de Royat en Auvergne, où Simeoni séjourna, et l'Apologia Generale di M. Gabriello Symeoni contro à tutti i calunniatori et Impugnatori dell’Opere (16 ff.) qui est ornée de quelques bois gravés montrant des médailles ou des bas-reliefs antiques.

Je me demande si je préfère les encadrements de grotesques qui, à eux seuls, sont des petits chefs d’œuvre de drôlerie qui rappellent les marginalia des manuscrits, ou bien les savantes arabesques, toutes différentes d’une page à l’autre.


Fig 7



Fig 8



Fig 9


Bernard Salomon est indissociablement lié à Jean 1er de Tournes comme Pierre Eskirch l’est à Guillaume Rouille.

En fait, nous n’avons que peu d’information sur le Petit Bernard, pourtant déjà renommé de son vivant, que du Verdier qualifiait de « très excellent tailleur d’histoires », et l’attribution de ses œuvres est un beau sujet de polémique. Il faut dire que le bonhomme était des plus productifs - avec l’aide de tout un atelier – et le catalogue des ouvrages qu’il a décoré est impressionnant: les livres d’emblèmes, les œuvres scientifiques et documentaires, les  œuvres littéraires ; les entrées et livres de fête. Mais les deux grands chefs-d’œuvre restent tout de même la Bible d’une part et les Métamorphoses d’Ovide de l’autre.

Pour approfondir votre connaissance de ce graveur, (car Bernard Salomon était peintre et dessinateur mais il ne refusait pas de prendre le ciseau à bois lui-même), je vous renvoie vers la somme publiée en 2006 par Peter Sharratt , à qui aucun détail n’a échappé.


Fig 10



Fig 11



Fig 12



Fig 13



Fig 14



Fig 15


Peter Sharatt définit sept critères qui permettent d’identifier un bois du Petit Bernard à coup sûr : La luminosité ; la « liquidité » des gravures, où le thème de l’eau occupe une place de premier plan ; la maîtrise de l’espace ; celle aussi du mouvement ; une « certaine exagération » maniériste ; l’habileté extrême dans l’utilisation de très petites surfaces ; enfin, une densité remarquable des noirs.
Je pense que les quelques photos jointes à cet article l’illustrent bien.
Alors pour lancer la polémique, à vous maintenant d’ouvrir les ouvrages XVIe siècle de votre bibliothèque et de nous annoncer ceux que vous prétendez attribuer au Petit Bernard !

Bonne Journée
Textor

A. Cartier. "Bibliographie des éditions des de Tournes imprimeurs lyonnais...", H, 446. Brunet : "Manuel du libraire..., t. IV, col. 287.

Sharratt, Peter. Bernard Salomon, illustrateur lyonnais. Bulletin des bibliothèques de France [partiellement accessible en ligne], n° 2, 2006. 

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