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mardi 14 octobre 2008

Michel Fezandat : imprimeur, libraire et marchand de vin (1538-1566)


Chaque nouveau livre qui passe par mes mains est l'occasion d'un voyage merveilleux, un voyage souvent bref, quelquefois plus long et enivrant.


L'esthétisme qui se dégage de cette belle page de titre de 1552 est évident

Cette fois c'est un livre du XVIe siècle qui m'a donné l'occasion de me pencher d'un peu plus près sur le cas d'un imprimeur dont je connaissais le nom seulement, pour l'avoir croisé plusieurs fois sur des catalogues de ventes de livres ou de librairies anciennes.

C'est de
Michel Fezandat que je veux vous entretenir brièvement ce soir. Ce ne sera qu'une évocation, une invitation à aller plus loin. Je ne cherche donc pas ici à être exhaustif sur le personnage mais seulement à vous en faire partager quelques traits, quelques faits.

J'ai tout d'abord été surpris de ne trouver aucun article au nom de
FEZANDAT dans le Dictionnaire encyclopédique du livre (éditions du cercle de la librairie). Rien non plus dans la Biographie universelle de Michaud. Aucune entrée dans le Dictionnaire universel de Pierre Larousse. Maigres références donc.


C'est l'Histoire de l'édition française, publiée sous la direction de Henri-Jean Martin et Roger Chartier qui nous fournit au tome I quelques éléments biographiques ; les voici :

"Installé depuis 1538 au Mont-Saint-Hilaire, en l'hôtel d'Albret, il s'associe en 1542 avec deux autres marchands Bernard Vernet et Guillaume Duboys, chacun apportant dans la communauté cent livres tournois ; pendant cinq ans, ils sont à la fois libraires, imprimeurs et marchands de vin et se partagent tous les frais, notamment la nourriture et les gages de leurs serviteurs. Par cette entente, Fézendat ne semble pas avoir gagné l'argent nécessaire pour faire fonctionner régulièrement son atelier : en 1543, il se fait prêter quatre cents livres tournois par le marchand libraire Pierre Regnault et doit, pour rembourser sa dette, mettre ses presses au service du libraire. En 1550 on le retrouve, concluant une association de dix ans avec Robert Grandjon "à laquelle association ils ont promis et seront tenus apporter et mettre en commung toute la marchandise qu'ils ont de présent de leurd. estat, ensemble les presses, fontes de lettres, poinssons taillez..." ; dès l'année suivante, l'accord est rompu. La situation de Fézandat semble s'améliorer en 1552, année où François Rabelais, délaissant l'atelier de Chrétien Wechel, fait appel à lui pour imprimer l'édition définitive du Tiers livre et la première édition complète du Quart livre. (...)" (cf. Histoire de l'édition française, tome I, p. 251).


Nous n'en saurons pas plus grâce à cette source.

Une autre contribution publiée dans le
Bulletin du bibliophile permet de compléter ce portrait fragmentaire :

"Quant à Michel Fezandat, il est bien connu : c'était un habile typographe qui imprima pour Jehan Petit, François Regnault et Maurice de La Porte. Il avait pour marque la vipère qui s'attache, sans lui faire mal, au doigt de Saint-Paul, dans l'île de Malte, avec ces mots pour devise : Si deus pro nobis, quis contra nos ? Le savant et infaillible bibliophile, Charles Nodier, cite, comme imprimé chez Michel Fézandat, le plus rare volume de la colleciton de Baïf (Tombeau de Marguerite de Valois, P., Michel Fézandat, in-8, 1551), qui résulte de l'association de ce poète avec d'Herberay des Essarts et Nicolas Denisot, surnommé le comte d'Alsinois. (...) " (cf. Bulletin du bibliophile, 1839, p. 602).

Philippe Renouard dans ses Imprimeurs parisiens ( ) ne fait que reprendre les mêmes informations sans rien ajouter ou presque. Il donne la période d'activité de cet imprimeur-libraire : 1538-1566. (cf. Les imprimeurs parisiens, 1898, p. 133).

Si l'on sait que l'imprimeur
Michel Fezandat fut auditionné le 8 avril 1552 suite à la publication du Rabelais (ordonnance du 1er mars 1552 par le parlement de Paris lui-même pressé par les théologiens. cf. Les français italianisants du XVIe siècle par Emile Picot, 1906, p. 104), on sait moins que la même année sortait de ses mêmes presses, pour le libraire Vivant Gautherot, un ouvrage de pure piété dans la ligne droite des ouvrages de défense du christianisme farouchement opposé à la religion réformée Calviniste nouvellement diffusée (Calvin est d'ailleurs toujours vivant et a sans doute lu cet ouvrage).

Cet ouvrage nous l'avons en mains, il porte le titre suivant :

CHRISTIANI/hominis Institutio, aduersus/huius temporis haereses, &/morum corruptiones, quin-/quaginta homiliis Quadra-/gesimalibus distincta./AUTHORE STE-/phano Paris, Aurelianem. Epi-/scopo Abellomen, ex ordine/Praedicatorù assumpto,/& doctore Theologo/Parisiensis./(fleuron)/Cum indice locupletissimo./Cum privilegio/regis./PARISIIS,/Apud Vivantium Gaultherotium, sub signo/S. Martini, in via Iacobaea./(filet)/1552.

[colophon : PARISIIS,/Excudebat Michael Fezandat, Typographus, impensis/Vivantij Gaulterot, An. M.D.LII./pridie Idus Maij.].

Colophon du Chrisitiani hominis institutio d'Etienne Paris orléanais (1552).

Recueil de 50 homélies sur tous les sujets chauds brulants de l'époque, dieu, diable, les hommes et leurs péchés ... Tout un programme.

Le privilège est seul imprimé en français et est daté du premier jour de février 1551. Le volume ayant été imprimé dans les 15 premiers jours de mai 1552. Ce volume in-4 aurait donc été imprimé après le
Rabelais.

Ce volume in-4, imprimé en caractères romain italique, est agrémenté d'un très joli encadrement de titre gravé sur bois (voir photo) et de nombreuses lettrine à fond criblé à la manière de celles de Geoffroy Tory.


Lettrine dans le goût de celles attribuées à Geoffroy Tory ?

Par ce livre on sait désormais que
Michel Fezandat a imprimé au moins une fois pour Vivant Gautherot, ce que nous n'avions relevé nulle part.

Ce volume nous est parvenu dans sa première reliure en veau brun, largement usagée mais qui présente un joli décor à froid en encadrement des plats encore bien visible (triple-file et fleurons d'angles et au centre, décor qui inspirera plus d'un siècle plus tard
Du Seuil pour son célèbre décor).

Restons-en là. Comme je l'ai précisé, cela ne se voulait qu'une évocation rapide.

Parallèlement je souhaitais vous signaler un site internet qui rendra de bien grands services aux amateurs de belles éditions de
Ronsard, Baïf, Montaigne, les livres d'emblèmes, quelques livres d'heures de toute beauté, etc. Je vous laisse découvrir la Gordon Collection présentée dans le cadre de l'Université de Virginie (USA). Bonne visite. Ce lien sera ajouté aux adresses utiles dans la partie gauche du blog.

Version en noir et blanc de la page de titre du
Christiani hominis institutio,
1552, imprimé par Michel Fezandat


PS : N'oubliez pas qu'en cliquant sur chaque image vous obtenez une image agrandie de bien meilleure définition.

Amitiés bibliophiles,
Bertrand


jeudi 2 octobre 2008

Notice sur une précieuse collection des Œuvres de Rabelais (1890)


En 1890, le libraire Damascène Morgand donne une petite plaquette in-8 de 35 pages, sortie des presses de Deslis frères, imprimeurs à Tours. C’est en fait le bras droit du libraire Morgand, Edouard Rahir (futur repreneur de la maison en 1897) qui est l’auteur de cette Notice sur une précieuse collection des Œuvres de Rabelais faisant partie de la bibliothèque d’un amateur bordelais.

Cette mince plaquette tirée à très petit nombre (sans doute moins de 100 exemplaires), a été rédigée par M. Edouard Rahir à l’occasion de l’Exposition rétrospective de Tours, en mai 1890.

Bien imprimée, sur beau papier vergé, avec un joli titre en rouge et noir, une couverture ornée du portrait de Rabelais en médaillon gravé sur bois, cette jolie exposition d’une belle collection de livres est illustrée de nombreux fac-simile de titres.

Voici sa présentation par M. Ed. Rahir : « Le célèbre roman de Rabelais, contenant le récit des hauts faits de Gargantua et de Pantagruel, est divisé en cinq livres différents publiés à d’assez longs intervalles. Le premier livre du Pantagruel vit le jour dès 1532, et le roman complet ne fut achevé qu’en 1564. Entre ces dates extrêmes, furent publiées un certain nombre d’éditions, soit des livres séparés, soit même des fragments de ces livres, soit encore de deux ou plusieurs livres réunis. La première édition sous le titre d’œuvres ne parut qu’en 1553, peu de temps avant la mort de Rabelais.

Cette collection comprend exclusivement des éditions des différents livres du roman, publiées séparément avant la réunion en un tout complet ; elle provient pour la plus grande partie de la bibliothèque de lord Sunderland, formée au XVIIe siècle par le duc de Marlborough (1). »

La plaquette qui annonce et décrit 22 volume in-16 et in-8 des livres séparés du Gargantua et du Pantagruel (plus quelques autres volumes attribués à Rabelais) se tait sur l’identité de l’heureux dépositaire de ces précieux volumes. C’est à M. Henri Bordes, bibliophile bordelais de grand renom qu’il faut donner cette collection (2).

Chaque titre est largement et minutieusement décrit par M. Ed. Rahir. Quel serait le prix d’une telle collection aujourd’hui ? Qu’est-elle devenue ? Je n’ai pas poussé ma recherche jusqu’à regarder si ces volumes avaient été dispersés lors de la vente de M. Henri Bordes ?

Nous nous contenterons de donner ci-dessous la reproduction des différents titres de cette collection d’après leur fac-simile respectif.
























(1) Bulletin mensuel de la librairie D. Morgand, III, 8597. Sous ce numéro du Bulletin de la librairie Morgand de l’année 1883, se dévoile un des numéros les plus exceptionnels de ce catalogue déjà prestigieux en de multiples occasions. 60.000 francs or ! Tel est le prix marqué au catalogue de cet ensemble rarissime. En voici la description : « La précieuse collection que nous mettons en vente provient de la bibliothèque de Charles Spencer, troisième comte de Sunderland. La rareté des premières éditions de Rabelais est trop connue pour que nous ayons à y insister ; c’est à peine si, dans les ventes les plus célèbres des deux derniers siècles, comte d’Hoym, duc de La Vallière, etc. on rencontre quelques volumes des éditions séparées des différents livres du roman de Rabelais. – A la vente Solar (1860) figurait une série importante de ces rarissimes volumes, mais leur condition laissait pour la plupart beaucoup à désirer, et les trois derniers livres seuls se trouvaient en éditions originales. Quelques volumes fort précieux figuraient aussi à la vente Potier (1870). »

(2) Cette plaquette a paru également la même année sous le titre Notice sur les Rabelais de M. Bordes, Tours Deslis frères, 1890. In-8 de 23 pages. L’édition en 35 pages que nous présentons est augmentée et hors commerce. Cf. Bibliographie Rabelaisienne, Plan, p. 269. C’est M. Henri Bordes qui s’est donc porté acquéreur de cette collection proposée par Morgand au prix de 60.000 francs or ! A titre de comparaison, chez le même libraire et dans le même catalogue de 1883, on trouve sous le n°8755 les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire en EO de 1857, broché pour 60 francs et sous le n°8801 les Contes et Nouvelles en vers de La Fontaine, 1762, édition des Fermiers généraux, en maroquin ancien, bel exemplaire, pour 1.200 francs. On oubliera, par décence pour nos ayeux, qu’à la même époque, à quelques années près, un ouvrier constructeur de la Tour Eiffel gagnait à peine plus d’un franc par jour…


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