Coll. Bertrand Hugonnard-Roche
Les commentaires ci-dessous se trouvent manuscrits en marge des deux premiers volumes d'un exemplaire de la seconde édition (remise en vente sous une nouvelle page de titre en 1825 par le libraire Peytieux, situé dans la Galerie Delorme. Nous reparlerons ultérieurement de cette curieuse remise en vente tronquée de 4 volumes (38 volumes au lieu des 42 requis). Il est difficile de dater l'écriture. Soit ces quelques commentaires, qui s'arrêtent avec la XXVIIIe nouvelle, ont été écrit à la parution en 1782 ou quelques années après, soit ils ont été écrits en 1825 ou peu de temps après. Quoiqu'il en soit, nous avons pensé que ces quelques lignes présentaient un intérêt certain. Nous découvrons l'avis d'un lecteur contemporain ou quasi-contemporain des Contemporaines de Rétif. Ce lecteur attentif n'a hélas pas laissé son identité. Un ex libris gratté subsiste dans les 38 volumes, pour le moment resté non identifié. L'avis de ce mystérieux lecteur est mitigé mais globalement plutôt enthousiaste. Certaines nouvelles lui apparaissent "jolies" voire "fort jolies" quand d'autres sont "peu vraisemblables" voire "peu intéressantes et faiblement contées". Ces commentaires sont écrits à l'encre brune pâle, de la taille de véritables pattes de mouches (voir photos), assez difficile à déchiffrer mais nous avons pu rétablir l'intégralité du texte. Les voici :
___________________
Coll. Bertrand Hugonnard-Roche
Nouvelle I. Le Nouveau-Pygmalion.
Intéressante. Trait de vengeance bien étonnant.
Nouvelle II. Il a perdu la mémoire.
Jolie et originale. Bien dialoguée.
Nouvelle III. N'importe laquelle.
Charmante, dialoguée avec un naturel exquis. Sujet original.
Nouvelle IV. La Soubrette par amour.
Assez drôle.
Nouvelle V. La petite amoureuse.
Un peu longue mais plein de naturel.
Nouvelle VI. La Grisette épousée.
A(ssez) jolie et contenant une scène agréable.
Nouvelle VII. L'Honneur éclipsé par l'Amour.
Assez jolie.
Nouvelle VIII. La Fille-de-Marchand et le Garson-de-boutique.
Intéressante et très morale, quoique trop longue.
Nouvelle IX. La Fille échappée.
Charmante, bien dialoguée.
Nouvelle X. Les 20 épouses des 20 associés, Nouveau moyen de bannir l'ennui du ménage.
Ingénieuse, neuve, intéressante. Que de bon sens dans cette dame Ste Eusèbe ! Jusqu'à l'anticipation toutefois. Le refus qu'en fait St Preux est des plus piquans.
Nouvelle XI. La Jeune-demoiselle, et le petit Auvergnat.
Jolie.
Nouvelle XII. Le Garson-Fille ou le Pouvoir du-Sexe.
Jolie, malgré des déguisements peu vraisemblables.
Nouvelle XIII. La Fille-garson.
Fort jolie.
Nouvelle XIV. La * * * * (qu'on devinera).
Trop mystérieuse pour le dénouement. Sujet déjà rebattu.
Nouvelle XV. La Mort-d'amour.
Tragique et intéressante mais bien romanesque. On ne meurt plus comme cela.
Nouvelle XVI. Le Mariage caché.
Extrêmement piquante. La plus jolie des seize.
Nouvelle XVII. La Fille attrapée.
Très morale et assez amusante.
Nouvelle XVIII. La Belle-Hôtesse, et son Pensionnaire.
Amusante et morale. Charmants dialogues.
Nouvelle XIX. La Fille séduite, ou l'ami de la maison.
Frappante de vérité et d'une indécence qui n'exclut pas la morale. Le dialogue entre les deux filles est supérieurement traité.
Nouvelle XX. Le Mari à l'essai.
Ingénieuse, neuve, intéressante. Que de bon sens dans cette dame Ste Eusèbe ! Jusqu'à l'anticipation toutefois. Le refus qu'en fait St Preux est des plus piquans.
Nouvelle XXI. La Femme à l'essai ou la jolie Gouvernante.
Assez gentille quoique moins intéressante que la précédante. La manière dont Louise accueille les galanteries de l'avocat & du 1er clerc , est bien racontée & ce qu'il y a de mieux.
Nouvelle XXII. L'Attente trompée.
Peu intéressante et faiblement contée. Point de vraisemblance dans ces demandes en mariage qui se font toutes en même temps, malgré l'extrême jeunesse de plusieurs des époux.
Nouvelle XXIII. La Fille naturelle.
De celles dont on ne dit rien.
Nouvelle XXIV. L'Amazone, ou la Fille qui veut faire un Enfant.
Histoire incroyable et qui m'a tout l'air d'un roman quoique l'auteur prétende en connaître beaucoup d'autres dans le même genre.
Nouvelle XXV. L'ancienne inclination.
Intéressante.
Nouvelle XXVI. Le premier Amour.
Très jolie.
Nouvelle XXVII. La Femme au Mari invisible ou Recette pour les héros défigurés à la guerre.
Peu croyable.
Nouvelle XXVIII. La mauvaise Mère.
Intéressante, quoique le caractère de la mère ne soit pas dans la nature.
Coll. Bertrand Hugonnard-Roche
___________________
Un recensement des exemplaires annotés et commentés des Contemporaines serait intéressant à effectuer. Peut-être d'ailleurs cela a-t-il déjà été fait. Nous n'avons pas encore croisé de tels documents. Nous compléterons le présent billet en fonction de nos découvertes à venir.
Bertrand Hugonnard-Roche
Bibliomane moderne
Bibliomane moderne