Je tiens à rassurer l'auditoire :
La Langue n'entre pas dans la catégorie des
curiosa que je peux parfois mettre en avant ici. Bien qu'un chapitre soit consacré à la
Langue de l'amour et un autre à la
Langue des Femmes ... Nous allons tenter de présenter cet ouvrage de manière attrayante pour le bibliophile au bon usage de sa langue.
L'exemplaire que nous avons sous les yeux se présente ainsi : 2 volumes de format in-8 (17,5 x 10,5 cm). Volumes conservés dans leur reliure de l'époque en veau brun. Voici la description matérielle des deux volumes :
Volume 1 : Page de titre : LA // LANGUE. // ON CONNOISTRA EN QUOY // consiste l'utilité de cet ouvrage, par la // lecture des Averstissemens qui le précèdent. // TOME I. // [grand fleuron gravé sur bois] // A PARIS, // Chez URBAIN COUSTELLIER, rue Saint // Jacques, au-dessus de la rue des Mathurins, // au Coeur-Bon. // ET // Chez CLAUDE PRUD'HOMME, au sixième Pillier // de la grand'-Salle du Palais, vis à vis l'Escalier de la // Cour des Aydes, à la Bonne Foy couronnée. // [filet mince] // M. DCCVII. // Avec Approbation & Privilège du Roy.
Pagination : Frontispice gravé à l'eau-forte placé en regard de la page de titre : Un homme monté sur une estrade en train de parler devant une assemblée. La gravure porte cette légende : Taisez-vous, ou dites des choses qui soient meilleures que le silence. Pythagore. Pour le Livre intitulé La Langue, qui se vend à Paris rue St Jacques au Coeur-Bon. A la suite de la page de titre suivent 13 feuillets non chiffrés comprenant une épître à M *****, un Avertissement sur cet ouvrage, la Table, l'Approbation et le Privilège du Roi. Le texte commence à la page 1 (feuillet signé A) jusqu'à la page chiffrée 403. Au verso de la page 403 se trouve les fautes à corriger (errata).
Relié à la suite : LETTRE // SUR LE LIVRE // INTITULE, // LA LANGUE. // [vignette gravée sur bois] // A PARIS, // Chez JEAN MUSIER, Quay des Au- // gustins, à la descente du Pont-Neuf, // à l'Olivier. // [filet mince] // M. DCCVI. // Avec Approbation & Permission. 24 pages y compris le titre et la dernière page non paginée.
Volume 2 : Page de titre : LA // LANGUE. // TOME II. // [grand fleuron gravé sur bois - différent de celui du premier volume] // A PARIS, // Chez URBAIN COUSTELLIER, rue Saint // Jacques, au-dessus de la rue des Mathurins, // au Coeur-Bon. // ET // Chez CLAUDE PRUD'HOMME, au sixième Pillier // de la grand'-Salle du Palais, vis à vis l'Escalier de la // Cour des Aydes, à la Bonne Foy couronnée. // [filet mince] // M. DCCVII. // Avec Approbation & Privilège du Roy.
Pagination : 4 feuillets non chiffrés y compris la page de titre, un Avertissement, et la Table. Le texte commence à la page 1 (feuillet signé A) jusqu'à la page chiffrée 545. Au verso de la page 545 commence un Table des matières par ordre alphabétique suivie des Fautes à corriger (errata). A la suite se trouve l'Approbation et le Privilège du Roi (4 feuillets en tout non chiffrés).
Quelques remarques sur ces deux volumes :
Le premier volume, daté 1707 sur la page de titre, possède une Approbation datée de Paris (signée RAGUET), le 11 décembre 1704 et un Privilège donné à Versailles le 11 janvier 1705. Le deuxième volume, daté également 1707 sur la page de titre, possède une Approbation datée de Paris (signée FONTENELLE), le 3 août 1706 et un Privilège, donné à Versailles le 11 janvier 1705 (même privilège que pour le premier volume).
Nous avons comparé le premier volume que nous possédons avec un exemplaire de l'édition donnée sous la date de 1705 uniquement à l'adresse du libraire Urbain Coustellier. Après vérification il s'avère que l'édition que nous avons sous la date de 1707 parue sous les deux noms des libraires Coustellier et Prud'homme est strictement identique à celle publiée sous la date de 1705 sous le seul nom de Coustellier. Notre édition de 1707 n'est autre qu'une remise en vente avec le titre qui a été changé. Ce titre changé en 1707 porte la mention "TOME I." et permettait donc d'annonce un "TOME II." qui n'était pas initialement prévu lors de la parution de l'ouvrage au début de l'année 1705. Le deuxième volume qui porte l'année de 1707 possède bien une approbation spécifique en date du 3 août 1706.
Autres éditions du même ouvrage :
- 1705. Chez Elie Yvans, Rotterdam. pp. [22], 302 [i.e. 402]. (correspond au premier volume uniquement).
- 1708. Chez Charles Le Clerc, Paris, front., (15) ff., 403 pp. ; (4) ff., 545 pp., (4) ff. ; 24 pp. (Lettre sur le livre intitulé la langue).
- 1713. Suivant le copie de Paris ; A Maestricht : chez Jacques Delessart. 379 pp. in-12.
- 1714. A Maestricht : chez Jacques Delessart. ?
- 1716. Maestricht. 2 vol. in-12. ?
- 1720. Chez Le Clerc, Paris. 388 pp. 2 volumes in-8.
Ces descriptifs ayant été pris via le
Catalogue Collectif des Bibliothèques de France (CCfr), d'après des notices non homogènes quant à la description matérielle le plus souvent lacunaire. La plupart indiquent in-12 alors qu'il s'agit nous pensons à chaque fois de format petits in-8 d'après les signatures des cahiers des exemplaires que nous avons pu consulter. Il n'est donc pas facile de savoir combien d'éditions à proprement parler a connu cet ouvrage. Ce qui est certain c'est que les éditions de Paris parues en 1705, 1707 et 1708 sont à priori une seule et même édition. Le deuxième tome n'apparaissant qu'à la date de 1707. Si ce livre semble avoir connu un certain succès (contrefaçon hollandaise et réimpressions jusque dans les années 1720), il semble aussi que l'auteur a joué de ses relations avec ses éditeurs pour mettre et remettre son ouvrage plusieurs fois de suite à la vitrine des librairies pour tenter le lecteur.
Quelques informations sur l'auteur et ce livre :
Nous ne ferons pas la vie de l'abbé Laurent Bordelon dans le détail. Son oeuvre immense et hétéroclite est bien connue des bibliophiles et des curieux. Nous redirons seulement qu'il est né en 1653 à Bourges et qu'il est mort à Paris en 1730. On lui doit une centaine de volumes sur à peu près tous les sujets, du plus sérieux au plus étrange. Il est surtout connu des bibliophiles pour son
Histoire des imaginations extravagantes de monsieur Oufle, servant de préservatif contre la lecture des livres qui traitent de la magie, du grimoire, des démoniaques, sorciers ... des esprits-folets, génies, phantòmes & autres revenans ; des songes, de la pierre philosophale, de l'astrologie judiciaire (ouvrage paru pour la première fois en 1710. On lui doit aussi
Mital, ou Aventures incroyables ...(1708),
Les Tours de Maître Gonin (1713). Il a fait paraître aussi l'
Esprit de Guy Patin, des
Dialogues divers et variés, etc. On lui reconnaît un sens inné de la facétie et de l'ironie mordante doublés d'une écriture simple basée sur ses observations de l'homme sous toutes ses coutures. On le classe parmi les utopistes et les progressistes malgré un évident conservatisme moralisateur prôné dans la totalité de son oeuvre.
Que contient La Langue ?
Si nous prenons l'Avertissement placé en tête du premier volume (le seul initialement prévu) on lit : " Je ne dirai point ici, que j'ai composé ce Livre à la sollicitation de mes amis, et que je n'ai permis qu'on le mît sous la presse, qu'après plusieurs prières qu'ils m'en ont fait ; car j'imposerais au Public, si je parlais de la sorte, puisque je n'ai communiqué mon dessein à qui que ce soit : et ainsi je ne me justifierai point aux dépens des autres, si le Public ne le reçoit pas aussi bien, qu'il est naturel à un Auteur de le souhaiter. Je ne me propose propose point d'autre but, en mettant cet Ouvrage au jour, que d'apporter quelque utilité à ceux qui le liront, en leur faisant par de l'attention et des réflexions continuelles, dont je me suis servi depuis quelques années, et dont je me sers tous les jours, pour bien gouverner ma langue ; parce que j'ai toujours remarqué, que rien n'est plus dangereux, que de ne la savoir pas régler, et qu'elle contribue beaucoup au bien et au mal que nous ressentons. Nos chutes viennent d'ordinaire de nos faux jugements ; nos faux jugements de nos fausses impressions ; et ces fausses impressions du commerce que nous avons les uns avec les autres par le langage. La langue est comme le timon de notre conduite : quoiqu'elle soit une très petite partie, elle ne laisse pas d'être la plus importante du vaisseau, parce qu'elle le tourne comme il lui plait. Si nous y faisons bien attention, nous trouverons que le parler, cause en partie le bien et le mal qui nous arrive : c'est très souvent à cause de nos paroles, que nous nous faisons aimer ou haïr ; estimer ou mépriser ; négliger ou craindre : elles servent à nous porter à l'élévation, ou à nous précipiter dans l'abaissement ; à nous procurer les richesses, ou à nous faire recevoir avec agrément, ou à nous faire rejeter avec indignation. Enfin, c'est presque toujours de nos paroles, que l'on décide de ce que nous valons. Que l'on ne croit donc pas que ce soit l'amour propre, l'envie d'écrire, l'avidité de faire parler de moi, qui m’aient engagé à rendre ce Livre public : je veux seulement montrer aux autres le chemin que je tiens dans ma conduite, quand il s'agit de parler : s'ils ne le jugent pas bon, qu'ils ne le suivent point. Je donne ce que je pense ; non pas ce que je crois qu'on doive absolument penser : ce sont ici mes pensées, mes réflexions, mes conjectures ; elles seront des décisions seulement pour ceux, qui penseront, qui réfléchiront, qui conjectureront comme moi. Ce ne sont point tant des leçons que je donne aux autres, comme le récit des leçons que je me suis données à moi-même, et que j'ai tâché de mettre en usage. Si on en les juge bonnes, ne doit-on pas aussi-bien que moi, faire des efforts, pour s'en bien servir ? Il n'y a personne qui ait un privilège, qui le dispense de suivre la vérité, la justice et la raison, qui que ce soit qui les montre. On sait les définitions des vices et des vertus ; on connait ce qui est bon et mauvais ; on voit de tous côtés des livres, qui apprennent comment il faut penser, comment il faut parler, comment il faut agir : ici des caractères et des portraits des mœurs ; là des réflexions et des remarques sur la conduite des hommes ; ici des règles de la vie civile ; là des conseils, des avis, des sentiments, des maximes sur les devoirs de tous les états : mais où sont vos pratiques ? où trouve-t-on des Auteurs qui témoignent travailler, à mettre eux-mêmes en usage leurs avis et leurs règles, afin d'en prouver la possibilité, ou la facilité par leur exemple ? Rien n'est plus facile que de parler, aussi voyons-nous de grands et beaux parleurs : rien n'est plus difficile que de faire ; aussi voyons-nous très peu de faiseurs. On ne doit donc pas trouver mauvais si, en montrant ici comment il faut régler sa langue, je dis avec tant de sincérité, ce que je fais pour bien régler la mienne. Je ne prétends pas obliger mes lecteurs de croire que ma pratique soit un fidèle exercice des règles qu'on m'a données de bouche, ou que j'ai trouvées par mes lectures, ou que j'ai moi-même imaginées : je veux seulement leur dire ce que j'ai fait, pour tâcher de profiter de toutes ces instructions. J'avoue, à ma confusion, que je suis bien au-dessous de la perfection que je me suis proposée ; je le reconnais de bonne foi ; et cette reconnaissance m'est d'autant plus salutaire, qu'elle m'excite à faire de nouveaux progrès dans la pratique des conseils qu'on trouvera ici. Je parle dans ce Livre souvent de moi, non pas, parce que je crois que le Public se soucie de me connaître, ou que je désire me faire connaître au Public. (Je souhaite, au contraire, de tout mon cœur, me pouvoir bien cacher :) mais seulement pour lui faire part des réflexions et des pratiques, dont ce moi s'est servi, et se sert tous les jours pour sa conduite, comme de moyens qu'il a crû être les meilleurs, pour parler avec discrétion, ou pour se faire avec prudence. Si l'on se plaint que je parle trop de moi ; je me plains de mon côté, de ce qu'on ne parle pas assez de soi. Je serais plus touché des discours d'un Auteur, qui me dirait : Je travaille d'une telle manière, pour éviter un tel défaut, pour acquérir une telle perfection ; que quand il me dit, faites ceci, faites cela, sans me montrer par sa propre expérience, qu'il est aisé de mettre en pratique ce qu'il me conseille. Je proteste donc que la présomption ne m'excite point du tout à parler de moi : je me trouve trop éloigné des perfections qui m'en pourraient fournir le prétexte. Enfin, si ce moi peut choquer ; si l'on prétend que je ne pratique pas, ce que j'assure que je pratique ; hé bien, sans perdre du temps dans un examen de censure à mon égard, qu'on examine seulement si ce que je dis, est praticable, et utile à pratiquer. Pour moi, quand j'entends dire, Voilà des Auteurs, qui donnent de belles instructions, mais il ne les pratiquent point. Hé bien, dis-je, pratiquons-les pour eux, ils ne nous les donnent que pour cela. On ne chicane point tant, quand on fonge de bonne foi à la perfection. J'ai fait ce Livre, et ce Livre me fait tous les jours : plus je réfléchis sur ce qu'il contient, plus je me lime et me perfectionne. L'amour propre produit peut-être cette utilité, par la prévention où je puis être pour mon ouvrage : quoiqu'il en soit, l'utilité est produite. Peut-on mieux employer son amour propre, que de s'en servir pour se rendre meilleur ? Avec cette utilité, qui me perfectionne, je me trouve encore si imparfait, que je ne demanderais qu'à me cacher, si je le pouvais. La perfection dont je parle, mérite plutôt le nom d'une imperfection qui diminue, que celui de perfection. Ce ne sont point ici des abstractions métaphysiques, des avis plus spirituels que praticables, ni des idées de ces perfections si élevées, qu'on désespère presque toujours d'y pouvoir atteindre : mais ce sont des vérités, pour ainsi dire, familières, et des pratiques qui sont à la portée de tous ceux qui voudront les essayer. Si cependant personne ne lit mon Livre, je me consolerai avec mon intention, qui est bonne, et avec l'utilité que je tire tous les jours des sentiments qu'il renferme. Je n'accuserai personne d'injustice ; je me dirai seulement à moi-même, que je me suis trompé, en me persuadant, que je donnais un Ouvrage, qui pouvait être bon à quelque chose : je m'en rapporterai assurément plus volontiers au jugement du Public, qu'au mien propre : on est d'ordinaire très méchant juge, dans sa propre cause. Si les délicats ne trouvent pas tout l'arrangement, toute la politesse, et toutes les scrupuleuses dictions qu'ils demandent, je serai content, pourvu qu'ils me comprennent ; (ce qui ne sera pas bien difficile, ) pourvu qu'ils conviennent, que ce que je dis, est bon à suivre, et qu'ils le suivent en effet ; je n'en souhaite pas davantage ; et eux, ce me semble, n'ont rien de plus à souhaiter. Quoi ! voudraient-ils condamner une bonne maxime de Morale, pour un petit défaut de Grammaire ? qu'on ne cherche donc pas ici à parler poliment, mais à parler judicieusement : je ne négligerai pas le premier ; mais je ferai ma principale affaire du second. On remarquera peut-être ici quelques sentiments, qu'on aura remarqué ailleurs, et dont je ne cite point les Auteurs : comme les lectures que je fais depuis quelques années, ne tendent qu'à régler ma conduite, je ne doute point qu'on ne trouve ici beaucoup de vestiges, outre celles que j'ai citées. Je rends de tout mon cœur ces sentiments à ceux à qui ils appartiendront : si je me ressouvenais de ceux à qui je les dois rendre, j'en nommerais volontiers les Propriétaires : mais je les ai tellement remaniés et médités, pour mon utilité, que j'ai oublié la source d'où je les ai tirés, et que je m'imagine qu'ils sont miens : et ainsi que ceux qui cherchent plus à critiquer les Livres, qu'à en profiter, prennent bien garde, en voulant me censurer, d'attaquer des gens qui sont beaucoup plus habiles que moi. Montaigne disait agréablement à ce propos : à escient j'en cache l'auteur, pour tenir en bride la témérité de ces sentences hâtives, qui se jettent sur toutes sortes d'écrits ... Je veux qu'ils donnent une nazarde à Plutarque sur mon nez, et qu'ils s'échaudent à injurier Senèque en moi."
Voici la table des chapitres du premier volume : De la conversation. La langue du babillard. La langue du silencieux. La langue du diseur de bons mots. La langue du polisson. La langue du railleur. La langue de celui qui dispute. La langue de l'opiniâtre. La langue de l'étourdi. La langue du Complimenteur. La langue de celui qui loue. La langue du flatteur. La langue du menteur. La langue de celui qui se vante. La langue du médisant. La langue de celui qui jure. La langue de celui qui promet. La langue du nouvelliste. La langue de celui qui fait des rapports. La langue de celui qui conseille. La langue de celui qui fait des réprimandes. La langue de celui qui instruit. La langue de celui à qui on confie, ou qui confie un secret. La langue des femmes. La langue de l'amour. La langue de celui qui se plaint. La langue de celui console.
Le second volume (qui comme nous l'avons vu n'était pas prévu à l'origine) ne contient qu'un seul Traité, celui de la Langue de celui qui fait attention. Néanmoins ce seul traité des Attentions occupe plus de place encore que le premier volume. Ce second volume est divisé en une multitude de chapitres sur les Attentions. Attentions sur les sciences et les savants, sur les auteurs et les livres, la critique et la satire, la philosophie et les philosophes, l'histoire et les historiens, l'éloquence et les orateurs, la médecine et les médecins, la chimie et les chimistes, la poésie et les poètes, la musique et les musiciens, attentions sur les femmes, sur l'amour, les spectacles, la dévotion et l'hypocrisie, les ecclésiastiques, les personnes religieuses, la magistrature, la guerre et les guerriers, la cour et les courtisans, les publicains, le mariage et les gens mariés, la noblesse et les nobles, sur l'orgueil, la gloire et les grandeurs, la supériorité et la dépendance, les richesses et la pauvreté, les amis et les ennemis, la crédulité, l'opinion et la coutume, la prévention, la superstition, la retraite et la solitude, sur la connaissance de soi-même, la liberté, les afflictions, la jeunesse et les jeunes gens, la vieillesse et les vieillards, le commerce de la vie civile, différents sujets.
Concernant le petit opuscule relié à la suite du premier volume, publié à la date de 1706, et intitulé
Lettre sur le livre intitulé La Langue (paru chez Musier à Paris avec une Approbation datée du 20 décembre 1705 et une Permission datée du 27 mars 1706, l'auteur est semble-t-il resté anonyme. Le texte est amusant à lire et le style pourrait faire penser à Bordelon lui-même comme auteur facétieux de cette publicité digne d'un marketing avancé. En effet, après avoir signalé cet ouvrage étonnant, curieux, bizarre, dont le titre si court en contient si long, l'auteur finit par vanter les mérites de ce texte très-utile. On lit au début, et c'est sans doute ce que tout le monde aura pensé en lisant le titre de ce billet :
"Les polissons mêmes en ont plaisanté. Est-ce une langue de boeuf, de mouton, une langue fourrée ? Il n'y a pas de livre dont on parle plus par tout le monde que celui-ci, disait un autre, car en quelque endroit qu'on parle, on n'y parle que de La Langue."
Conclusion expiatoire :
On a envie de dire :
Ouf ! c'est fini ! En fait, dans la pratique (puisque Bordelon nous invite à la pratique), ces petits chapitres se lisent très bien et se picorent un peu en tous sens. C'est d'ailleurs assez bien écrit et se lit beaucoup mieux aujourd'hui que le
Théâtre de Voltaire ! On trouve dans ces deux épais volumes beaucoup de pragmatisme dans le comportement à adopter face à l'autre dans l'échange. On y apprend aussi beaucoup sur l'esprit humain si difficile à appréhender dans la multitude des possibilités d'expressions qu'il revêt. Avec son
Moi ébouriffé Bordelon nous invite presque à une longue séance de psychanalyse avant l'heure. Finalement l'humain du début du XVIIe siècle n'est guère différent de celui de ce début de XXIe siècle (quelques problèmes cognitifs en plus mis à part). Les méchants, les gentils, les vilains, les riches ou les pauvres, les vantards ou les méprisants, il faut faire avec toute cette soupe des sentiments humains qui nous contamine tous un peu (beaucoup) chaque jour, aujourd'hui plus que jamais.
Nous conclurons cette petite présentation par un passage tiré de
l’Évangile selon Bordelon, à savoir les
Attentions sur les Femmes. Bordelont écrit :
"Les femmes sont dangereuses pour les hommes ; parce qu'elles cherchent à plaire, et qu'il est bien difficile de ne se pas rendre à leurs attraits ; parce que leurs vertus peuvent causer d'une certaine manière en nous d'aussi grands désordres, que leurs vices ; parce qu'elles ne blessent pas moins par leur modestie, que par leur beauté ; parce qu'elles peuvent détruire par leur seule présence, les projets de perfection les plus assurés ; parce qu'elles peuvent triompher par un simple regard, des réfutations les plus fières ; parce qu'elles peuvent ruiner par une légère marque d'affection, les habitudes de vertu les plus invétérées."
Parole d'abbé !
PS : merci d'avoir lu jusqu'au bout ... vous êtes un lecteur ou une lectrice méritant.e.s (inclusivement parlant je veux dire).
Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne