Récemment je fais l'acquisition du volume suivant :
RÉTIF DE LA BRETONNE. Sa vie et ses amours ; documents inédits, ses malheurs, sa vieillesse et sa mort : ce qui a été écrit sur lui ; ses descendants ; catalogue complet et détaillé de ses ouvrages, suivi de quelques extraits ; par CHARLES MONSELET. Avec un beau portrait gravé par Nargeot et un fac-simile. Paris, Alvarès Fils, éditeur, Rue de la Lune, 24, 1854.
et puis aujourd’hui je reçois le volume suivant :
RÉTIF DE LA BRETONNE. Sa vie et ses amours ; documents inédits, ses malheurs, sa vieillesse et sa mort : ce qui a été écrit sur lui ; ses descendants ; catalogue complet et détaillé de ses ouvrages, suivi de quelques extraits ; par CHARLES MONSELET. Avec un beau portrait gravé par Nargeot et un fac-simile. A Paris, chez Aug. Aubry, libraire, Rue Dauphine, n°16, 1858.
Comparons les deux éditions. Elles ont toutes les deux la même pagination, et, pour le dire tout de suite, exactement la même typographie et la même justification, pour tout dire donc en un seul mot : idem ! Il s'agit en réalité du même tirage. Autrement dit, l'édition de 1858 publiée par Aug. Aubry n'est autre chose que le reste des invendus de la première édition parue quatre ans plus tôt chez Alvarès. On connaît le tirage qui a été de 520 exemplaires, savoir 400 exemplaires sur vergé, 60 exemplaires sur vélin, 40 exemplaires sur Hollande et 20 exemplaires sur papier rose. On retrouve d'ailleurs imprimé le même justificatif dans l'édition de 1858 (la typographie est différente cependant pour cette justification - ainsi que pour le faux-titre imprimé en noir dans l'édition de 1854 et en rouge dans l'édition de 1858). On trouve dans les deux exemplaires le même fac-simile relié à la fin du volume, même papier, même impression.
Que dire donc de tout cela ? Qu'en 1854, lorsque Monselet sort sa vie de Rétif chez Alvarès, tirée à 520 exemplaires, quatre ans plus tard, en 1858, la totalité des exemplaires n'ont visiblement pas été écoulés, loin de là, au point d'en proposer une remise en vente à peine masquée chez Aug. Aubry, sans changements, si ce n'est un nouveau titre et faux-titre. On en déduit tout de même une chose intéressante au sujet de Rétif de la Bretonne et de son oeuvre : en 1854 Rétif n'attire visiblement pas les foules au point qu'un tirage à à peine plus de 500 exemplaires d'un livre lui étant consacré ne fait pas recette et se trouve, comme bon nombre d'ouvrages de Rétif à la fin du XVIIIe siècle, bon pour servir de papier d'emballage chez l'épicier. Il faudra attendre Lacroix et sa bibliographie "montée de toute pièce" commanditée par le libraire Auguste Fontaine, qu'il faut voir comme un magistral coup de librairie permettant à celui qui avait acheté les Rétif en feuilles ou brochés pendant les années précédentes, de faire monter la cote d'un auteur bien mal en vue.
Bertrand Hugonnard-Roche
Bibliomane moderne