Confier SON livre à un relieur qu'on ne connaît pas ? Voilà bien une hérésie digne des plus grandes tortures ! Et pourtant, le bibliophile se doit de faire confiance à minima à celui ou celle qui va charcuter son précieux. J'ai mes habitudes en tant que bibliophile-libraire pour ce qui est de savoir à qui je donne mes livres à relier. Parfois on hésite, on tâtonne entre l'un, l'une ou l'autre. Pour commencer, je dois avouer un sexisme totalement assumé : il est hors de question que mes livres soient touchés, triturés, caressés, déshabillés, et rhabillés, par d'autres mains que des mains de femmes. Des mains de femmes expertes. Je me moque des écoles, des diplômes, des réputations et sans doute encore plus des notoriétés. La seule notoriété qui me convient est celle qui conviendra à mes livres. Sorte de psychanalyse Lacannienne après l'heure, ma bibliophilie est celle du plaisir, de tous les plaisir réunis : toucher, odorat, vue. Même l'ouïe est en éveil quand le papier craque sous les doigts ; qu'un plat de reliure se referme dans un silence semi-bruyant. Seul le goût des livres échappe au scénario. Et encore ? N'en deviendrait-on pas bibliophage parfois. Bref. Il ne faut pas se louper.
J'ai confié par hasard ou pas vraiment, un exemplaire de ma réimpression du
Dictionnaire bibliophilosophique aux mains délicates et expertes de Sophie Quentin, tenancière émérite de l'atelier parisien Listel Or. J'avais pu voir la finesse de quelques unes de ses réalisations sur le net. La technique qu'elle a mis au point pour travailler le papier aluminium m'a séduit. Je confiai donc à Sophie Quentin la réalisation "carte blanche" sur cet ouvrage destiné à l'un de mes enfants. Le temps passa ... et le volume finit par arriver. Ce fut un étui avec dos en cuir et plats en aluminium travaillé qui fut réalisé. Sophie Quentin utilisa le monogramme parfois utilisé par Octave Uzanne pour décoré les plats de l'étui. A l'intérieur le volume broché reste intact, tel que sorti de l'imprimerie. Sophie Quentin a donné le meilleur d'elle-même pour réaliser ce travail créatif. Je lui en suis extrêmement reconnaissant. Je ne dirai rien de plus sur cette femme au tempérament artiste et au cursus étonnant. Je n'en dirai pas plus, les plus curieux se reporteront à l'excellent article qui a été rédigé sur elle dans la revue Art et Métiers du Livre. En espérant avoir le plaisir de la rencontrer prochainement pour échanger sur nos passions communes pour le papier imprimé et ses habits, je vous laisse admirer quelques unes de ses réalisations. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas d'avoir fait si court. Mais mieux ne vaut pas en dire trop et laisser découvrir. En fin de billet vous pourrez retrouver ses coordonnées complètes.
Bertrand Hugonnard-Roche
Etui pour la réimpression du Dictionnaire Bibliophilosophique d'Octave Uzanne (2015)
ci-dessous autres réalisations